Derrida
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TABLE des MATIERES :

                            NIVEAUX DE SENS :

 DERRIDEX

Index des termes

de l'oeuvre

de Jacques Derrida

Un seul mot - ou un syntagme.

         
   
Derrida, notre époque                     Derrida, notre époque
Sources (*) : La pensée derridienne : ce qui s'en restitue               La pensée derridienne : ce qui s'en restitue
Pierre Delain - "Les mots de Jacques Derrida", Ed : Guilgal, 2004-2017, Page créée le 30 septembre 2005 Orlolivre : comment ne pas, aujourd'hui, être présent ?

[Derrida, aujourd'hui, le contemporain]

Orlolivre : comment ne pas, aujourd'hui, être présent ? Autres renvois :
   

Le Contemporain (Ctp, notre temps)

   

Derrida, télé-technique, médias

   
Un performatif tout autre - aujourd'hui Un performatif tout autre - aujourd'hui
                 
                       

1. "Aujourd'hui", je m'adresse à qui ?

Même s'il l'utilise parfois, Jacques Derrida se méfie de la notion d'époque, autant que de tous les mots qui pourraient y être associés, par exemple moderne, modernité, contemporain, etc. Pour se situer dans le temps, il préfère, plus simplement, l'adverbe aujourd'hui, ce terme ambigu qui renvoie au moins à deux temps différents : celui où il écrit, et celui où nous le lisons, et peut-être à d'autres encore. S'il devait parler de cette époque, "la nôtre", il s'adresserait à un contemporain qu'il supposerait appartenir à ce "nous", mais comment pourrait-il en être sûr? Ce ne serait qu'une supposition, une fiction. Puisque rien ne prouve que "notre temps" soit le même pour tous, autant parler d'"aujourd'hui", cette expression qui reste indéterminée dans le temps. Nous savons qu'aujourd'hui n'est pas une généralité, c'est une date, avec tout ce que ce mot comporte de complexité, d'obscurité et d'énigme. Et pourtant, bien que nous sachions avec certitude que le lecteur futur ou virtuel ne peut pas, par structure, être notre exact contemporain, c'est bien à lui que, aujourd'hui, nous nous adressons.

 

2. Logos, phallus et phonè.

Aujourd'hui, donc, qui n'est pas une époque, nous nous rattachons à des traditions qui plongent dans des archives anciennes. Qui est ce nous ? Ces archives sont elles oubliées, perdues, refoulées ? Il n'y a ni vérité, ni origine enfouie, et pour évoquer la figure "moderne" de ces traces, archi-dissimulées, il aura fallu, autour d'anciens mots (logos, phallus, phonè), en inventer de nouveaux : logocentrisme, phonocentrisme ou phallogocentrisme. D'un côté ce ne sont pas seulement les mots qui sont nouveaux, c'est aussi un monde, un horizon, et d'un autre côté cet horizon se confond encore avec la vieille métaphysique. Il faut faire avec cet anachronisme. La nouveauté, aujourd'hui, c'est la maîtrise techno-scientifique extraordinaire et ambiguë dont nous dépendons. Cette maîtrise télé-technologique, avec ses moyens toujours plus performants, a ouvert la voie à toutes sortes d'inventions, dont, par exemple, le téléphone, le cinéma, l'informatique ou l'Internet.

La tradition occidentale repose sur la présence de la voix. Il faut que la chose se présente, ici et maintenant, pour que soit rassemblé dans le logos tout ce qui produit, reçoit, dit et rassemble le sens. C'est la raison, la loi morale selon Kant qui parle en chaque homme sans équivoque et légitime un savoir-vivre, une sagesse. La parole valorise l'intelligible au détriment du sensible, l'idée au détriment du corps, elle sépare le signifié du signifiant. Par le verbe "être" qui l'unit à la pensée, dans l'évidence de sa présence à soi-même, elle se présente comme pouvoir sur le signifiant, maîtrise technique, garantie paternelle, transcendance phallique. Ainsi la raison et l'écriture sont-elles subordonnés à l'auto-production du logos.

 

3. Le débordement du langage par l'écriture.

On peut partir du "tournant linguistique" qui marque les années 1960. Au moment où le langage "comme tel" est devenu l'objet et l'horizon des recherches, il a cessé d'être rassuré sur lui-même. Menacé, désemparé, désamarré, il est devenu le symptôme d'une écriture qui déborde. On a trouvé de l'écriture partout : dans la danse, le cinéma, la musique, la politique, la biologie, etc. Quand elle excède la parole, quand elle efface les limites de la langue, c'est le signe, et avec lui tout ce qui lie notre culture, qui est menacé. Faute de signifié transcendantal pouvant faire office de fondement, la circulation des énoncés est réduite à un jeu qui semble détruire les formes traditionnelles de l'écrit. Ce phénomène a été constaté, analysé, le plus souvent condamné et dénoncé, sans qu'aucun "remède" n'ait jamais montré la moindre efficacité. Il est associé à la crise mallarméenne, aux mouvements de l'avant-garde et de la modernité littéraire, à de nouvelles configurations qui affectent la mémoire, la pensée, la vision, l'habitat, la langue, le dessin et ce qu'on nomme encore aujourd'hui, l'audiovisuel.

En poésie comme en littérature, on peut désormais tout dire. En histoire, un nouveau concept de l'archive se met en place, où le virtuel ne se distingue plus du réel de la même façon. En art, les nouvelles scènes de la représentation prolifèrent, tandis que dans l'université la croyance en un savoir neutre, "objectif", s'étiole. La difficulté, pour les analystes, c'est que les oeuvres sont elles-mêmes prises dans la dislocation du logocentrisme dont elles font le constat.

 

4. Le brouillage des limites.

Depuis deux siècles, les cultures sont engagés dans une mutation inouïe, sans précédent, qui touche à toutes les frontières : territoires, technologies, politique, et aussi ce qu'on nomme l'humain. Entre la biologie, la zoologie (les animaux), l'anthropologie, le rapport à la vie et à la mort, les réseaux, l'histoire, les appartenances ethniques, communautaires, sociales, ces frontières se brouillent. Cette dislocation des limites touche autant le monde effectif que les concepts. Tous les systèmes d'oppositions, ceux qui déterminent le sens comme ceux qui organisent la communauté, sont contestés, renversés, menacés, et même livrés au chaos. Aucun champ n'étant à l'abri de cette perversion, il n'y a plus de champ rassurant. Le monde ne se ferme plus, il semble livré au désordre. Une nouvelle violence émerge, une cruauté irréductible à la logique du conscient. Quand on ne sait plus distinguer la guerre de la paix, la vérité de l'apparence, le public du privé, l'ami de l'ennemi, l'Etat souverain de l'Etat voyou, alors il n'y a plus de fondement. Au lieu d'une bouche paternelle transmettant la vérité, s'ouvre une bouche béante, sans voix, qui hurle dans un fond sans fond. Quand on ne reconnaît plus les différences, alors le même, lui aussi, se disloque.

C'est le monde lui-même qui se désarticule. Devenu intempestif, il se soustrait à l'ordre théologico-politique. Il "sort de ses gonds" pour employer la formule de Shakespeare ("out of joint"). Le nom de l'homme se dissocie du nom de l'être.

Mais le logocentrisme ne disparaît pas. Il se prolonge, se transforme. Sa clôture n'est pas sa fin.

 

5. La crise de la raison.

Depuis les Grecs, une téléologie fait croire en la cohérence du logos. Il faut que les savoirs convergent vers l'unité de la raison. Le christianisme a contribué à légitimer cette croyance en la justification purement intérieure du logos. Mais aujourd'hui, les savoirs se spécialisent, chacun produit ses axiomes et sa rationalité. La Raison ne se donne plus comme souveraine, inconditionnelle. C'est plus qu'une crise du logocentrisme : c'est un séisme. On ne peut plus penser ni croire de la même façon. Le retrait du souverain est déjà en œuvre aujourd'hui. Il affecte le patriarcat, la domination masculine.

 

6. Mondialatinisation.

S'il faut indiquer une date, on parlera de la fin du 20ème siècle. Une autre mutation, plus radicale encore, se sera ajoutée au débordement immémorial de l'écriture. Elle autorisera, pour le coup, à parler de nouveauté, et même d'absolument nouveau. Mais comment nommer cela? Par quel biais l'aborder?

On cherche des vocables pour le nommer. Partons de la transformation par Derrida d'un mot courant, mondialisation, en mondialatinisation. C'est, dit-il, une alliance étrange, l'association dans un même principe aporétique du christianisme comme expérience de la mort de Dieu et du capitalisme "télé-technoscientifique", avec ses surenchères d'intégrisme, de machinisme et de formalisation abstraite. Ce qu'on analyse parfois comme une montée de la religion est, selon Derrida, un événement unique, intraduisible dans les langues non dérivées du latin ou de l'anglo-américain dominant. Il aura fallu que le mot latin "religion" circule partout dans le monde (quoique généralement en anglais), pour que la sacralisation de l'humain devienne un principe universel. Partout ont été relancés, dans le même langage, par les médias, l'audiovisuel, le cinéma ou le cyberespace, les mêmes spectres fondateurs. Ce qu'ils répandent est un mouvement infini de destruction machinique, un mal d'archive lié à la pulsion de mort freudienne, un mal d'abstraction ancré dans le savoir et la science. Cette logique formelle, abstraite, entretient à la fois le religieux et le retour du religieux. Elle marque notre temps comme elle n'a marqué nul autre avant lui et le menace du mal le plus radical : l'annulation de l'avenir.

L'époque a créé ses anticorps. Aux génocides, elle oppose le crime contre l'humanité, cette rupture dans le droit international qui crée une sorte de méta-citoyenneté, au-delà du souverain et des Etats-nations. Aux crimes de masse (colonisation, esclavage, occupations), elle oppose ce que Derrida nomme la mondialisation de l'aveu : déclarations de culpabilité, comparutions devant des instances ad hoc ou devant le tribunal invisible des médias, reconnaissance des fautes ou d'erreurs par d'anciens dirigeants ou des institutions comme l'Eglise. C'est une scène nouvelle qui se met en place, hors lois, hors normes, hors savoir.

 

7. Europe : le cap et l'autre cap.

Le discours traditionnel de la modernité est étroitement lié à l'héritage (ou aux héritage·s) culturel·s de l'Europe : d'un côté l'ordre du capital, dans sa polysémie, et d'un autre côté le double axiome de la différence d'avec soi et du recommencement. C'est cette structure, aporétique, qui tend à dominer aujourd'hui. Dans le même temps, elle commande un cap - celui du sujet désirant, calculateur, volontaire, qui veut s'imposer comme capitaine, capitale, dans le contexte d'une tâche infinie, phallique, et un autre cap - une toute autre résistance à l'ordre par désidentification, ouverture à l'autre. Ce changement d'orientation, qui est aussi le cap de l'autre, oblige à répondre de la question du discours de la modernité de façon absolument nouvelle. La détermination économique, qui ne porte pas seulement la liberté de l'esprit, comme disait Valéry, mais aussi le capital, le travail, le rendement, est mise en péril, et avec elle l'identité et l'unversalité de l'Europe. Le commandement venu et à venir de l'Europe, c'est que : il faut endurer ces antinomies. Être fidèle à la mémoire européenne, c'est accepter la contrainte de cette aporie critique, qui est aussi l'expérience d'un impossible. Ce n'est pas sans risque - car le nouveau abrite aussi, parfois, le mal radical.

 

8. La mutation d'aujourd'hui.

Avec l'enregistrement et la diffusion de la voix et de l'image, le privilège de la parole et de la voix prend des formes nouvelles, qui convergent vers une croyance en la figuration vivante du présent - cette impression de certitude ou de vérité plus spectrale qu'effective, qui fabrique ce que nous vivons comme "contemporain" (ou supposé tel).

D'un côté, on peut décrire les mutations visibles : transformation de l'espace public, bouleversement des méthodes d'archivation et de production de savoir, accélération des rythmes, émergence de l'opinion publique, virtualisation conduisant à une déstabilisation du travail et peut-être même à sa fin, désir d'invention à la fois irrépressible et strictement programmé, encadré par des dispositifs itérables, nouvelles formes d'écriture irréductibles au livre, etc.. Mais d'un autre côté, on ne peut penser cette mutation que de façon paradoxale, aporétique, impossible, contradictoire. Les néologismes comme gramophonisation, techno-télé-discursivité, artefactualité ou actuvirtualité (Derrida), communauté inavouable, désoeuvrée ou désavouée (Blanchot, Jean-Luc Nancy) et beaucoup d'autres inventés par les penseurs de la seconde moitié du 20ème siècle réfléchissent la folie qui semble s'être emparée de la communauté politique.

Le christianisme aura peut-être été une tradition plus plastique que les autres. Sans renoncer à la domination, il se sera déconstruit, aura contribuer à ouvrir l'appel vers un monde juste, ou plus juste.

 

9. L'époque du "peut-être".

Qu'est-ce que "ce temps-ci"? Qu'est-ce que "notre époque"? Une chose unique, sans précédent, qui n'a pas de nom, n'est ni indivisible, ni pleinement présente ici et maintenant, ne rassemble rien, ne se prête à aucune réflexion possible, n'a aucune analogie avec un autre temps auquel elle ressemblerait. Hamlet dit de son époque qu'elle est disjointe, déportée hors de soi. C'est le cas de toute époque, mais plus particulièrement de l'époque où cette thématique devient un motif.

Et pourtant ce qui arrive aujourd'hui est singulier. Jacques Derrida le résume par un mot : "peut-être". Le "peut-être" est un mouvement, une force insatiable qui aspire nos désirs, notre vie, nos événements. On ne peut pas le reconnaître comme tel, ni le désigner comme un moment ou un état, et pourtant c'est une expérience inouïe, toute nouvelle - nouvelle historiquement et chaque fois nouvelle.

La transmutation d'aujourd'hui interrompt, indécidablement et imprévisiblement, l'ordre des choses. C'est elle qui qui donne lieu à la déconstruction - qui n'est pas une théorie, ni une méthode, mais la déstabilisation en cours des choses mêmes, qu'on peut dater de l'irruption, à peu près concomitante, de la psychanalyse, de la photographie et des bio-pouvoirs. La mort de Nietzsche, intervenue à la même époque, marque une première effraction dans l'apocalypse.

 

10. Comment faire monde, aujourd'hui.

Ce n'est pas un axiome, c'est un constat. Le monde s'en va, il fait défaut, et les institutions traditionnelles, les alliances, sont impuissantes à le réparer. Il ne suffit pas de décrire, de laisser émerger des concepts qui traduisent cette situation (différance, déconstruction, dissémination, etc.), il s'agit d'une inscription performative dans le discours pour faire monde, faire venir le monde au monde. La difficulté sociale de cette inscription, c'est qu'elle n'est pas généralisable, elle est singulière. Elle ne garantit pas contre un nouveau retrait du monde. Chaque fois, comme s'il y avait un monde juste, je dois te porter, t'y porter.

 

11. Il faut oeuvrer.

L'époque qui favorise l'émergence d'un nouvel ordre mondial se défend aussi contre lui, elle entretient contre cette émergence ses propres anti-corps (auto-immunité). En témoigne par exemple la notion de crime contre l'humanité, porteuse elle aussi, au-delà des structures politiques traditionnelles, d'une mutation radicale. Sans doute faut-il proposer une nouvelle alliance, ou nouvelle Internationale, sans oublier le risque que, comme tout acte de foi, elle ait partie liée avec ce qu'elle combat. Une telle alliance ne pourrait s'étendre qu'en utilisant les réseaux mêmes qu'elle critique. En s'en prenant au discours dominant (symbolique), elle risquerait toujours l'hypersymbolique.

L'époque à venir, qu'on ne peut borner à aucune temporalité linéaire, n'a pas d'horizon crédible. Dans les années 1960-70, Jacques Derrida affirmait que seule une pensée de la trace échappant au logos, une pensée qui ne veuille rien dire, une pensée blanche, neutre, indéterminée, sans poids, une pensée ouverte et aventureuse, pourrait laisser venir des lieux sans issue ni chemin assuré où cette absence d'horizon serait dite. Dans cette expérience comparable à l'écriture d'un poème, la signature, mise en abyme, disparaitrait elle aussi.

Mais ce qui arrive, aujourd'hui, dans le monde, invite aussi à autre chose, à œuvrer autrement. Elargir la compassion, en prêtant attention à la vulnérabilité, la souffrance, la peur ou l'angoisse d'autres vivants, ne suffit pas. Il faut une nouvelle critique de l'humanisme, de nouvelles Humanités qui traiteraient autrement de l'histoire, de l'idée et de la figure de l'homme, et face aux fantasmes de souveraineté indivisible, l'engendrement des oeuvres doit s'engager selon d'autres règles et d'autres principes, en fonction d'un autre concept d'œuvre encore énigmatique.

 

 

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Propositions

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[Ce temps-ci, le contemporain, n'est ni présent, ni en rapport avec un autre temps ou avec lui-même; il est aspiré par l'espace et le temps virtuels du "peut-être"]

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"The time is out of joint" : par l'effet de la chose spectrale, le temps est désarticulé; "I was born to set it right!" : il faut que je le remette droit

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Il est impossible de concevoir le contemporain car, à chaque génération, la formule d'Hamlet s'applique : "The time is out of joint" (le temps est hors de ses gonds)

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Je ne peux m'interroger sur l'époque contemporaine, "la nôtre", qu'en m'adressant à un destinataire pour lequel je suppose à l'avance, par fiction, qu'il appartient à ce "nous"

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Ce qui arrive peut-être, avec Nietzsche et la transmutation d'aujourd'hui, c'est le peut-être même, l'expérience inouïe, toute nouvelle, du peut-être

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Aujourd'hui l'avènement du jeu déborde le langage; il révèle l'écriture première par-delà la liaison phonocentrique du langage et de la voix

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Ce qu'on appelle aujourd'hui "moderne" ou "nouveau" est aussi quelque chose d'extrêmement ancien, d'archi-dissimulé

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Notre époque est celle où l'on commence à penser l'événement d'un centre déporté hors de soi

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L'histoire de l'être comme présence et conscience de soi est close

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Les guerres de religion d'aujourd'hui et leur diffusion audiovisuelle dans le cyberespace témoignent puissamment de la relance accélérée des spectres fondateurs

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Notre époque est celle de la voix - quand la technè et la phonè s'unissent dans la forme de la présence

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A l'époque de la voix, la maîtrise technique est une mise en présence universelle et illimitée de l'objet idéal

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La foi protestante, qui repose sur la responsabilité purement intérieure du logos, structure la conscience culturelle et scientifique des peuples modernes

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Le mot "religion" circule dans le monde en latin, en anglais, comme l'événement unique, intraduisible, d'une "mondialatinisation"

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Le concept de "crime contre l'humanité" introduit une mutation radicale, une conversion mondiale à la sacralité de l'humain

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Il reste à penser ce qui se passe aujourd'hui, dans la modernité, au moment où la déconstruction devient un motif

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Aujourd'hui, penser son temps, c'est prendre acte que la parole publique est artificiellement produite : artefactualité et actuvirtualité

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La mutation du concept d'oeuvre dans le travail universitaire participe d'une autre mutation, absolue, radicalement nouvelle, qui transforme l'espace public

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L'"invention" moderne comme production, proposition, dispositif technique ou machinique tend à prévaloir sur la "découverte" comme dévoilement de la vérité

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La prodigieuse mutation d'aujourd'hui oblige à repenser la mémoire, pas seulement quantitativement, mais dans ses rapports au psychisme, à la vérité et au simulacre

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Le discours politique moderne produit l'opinion publique comme artefact, cinématographie spectrale, qui hante et déborde la représentation électorale

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Il arrive aujourd'hui à la poésie une expérience absolument nouvelle : la date reste en mémoire, singulièrement et en toute clarté

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L'aporie de notre temps, son anachronie absolue, c'est qu'un même principe abstrait conduit aux surenchères les plus opposées : des technosciences aux intégristes

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La mondialatinisation est une alliance étrange du christianisme, comme expérience de la mort de dieu, et du capitalisme télé-technoscientifique

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Pour penser la religion aujourd'hui, il faut la relier à un mal d'abstraction, un déracinement dont les lieux sont : la machine, la technique et la technoscience

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"Comme si la fin du travail était à l'origine du monde" : tout se passe aujourd'hui comme si, virtuellement, l'engendrement des oeuvres devait remplacer le travail réel

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La spécificité des télétechnologies d'aujourd'hui, c'est qu'on garde "vivantes" des choses (voix, visage, geste, regard) pour les reproduire plus tard comme prétendument "vivantes"

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Avant tout dispositif portant ce nom dans la modernité, la tekhnè téléphonique est à l'oeuvre, inscrivant la distance, la différance et l'espacement au-dedans de la phonè et de la voix

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A partir du 17ème siècle, dans la technique comme dans l'art, on programme l'invention, on suscite le désir de la produire, de l'orienter et de réinventer son statut

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Devant le mal d'abstraction d'aujourd'hui, il n'y a ni salut, ni chemin, ni issue - car l'acte de foi y a toujours partie liée avec son opposition

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La singularité de notre temps, c'est que la nouvelle alliance ou Internationale ne peut se développer que sur les réseaux télé-technologiques qu'elle combat

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Remettre en question le signifié transcendantal, c'est reconnaître que tout signifié est aussi en position de signifiant; c'est déconstruire, avec le signe, tout ce qui lie notre culture

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Au jour où nous sommes comme au temps de Mallarmé, la crise de l'opposition alternative est un hymen entre "hier" et "demain"

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Les hommes sont engagés dans une mutation inouïe, sans précédent, de leur rapport aux animaux et aux limites entre biologie, zoologie, anthropologie, vie/mort, technique, histoire

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Depuis deux siècles, arrive une nouvelle épreuve de la compassion : on ne peut plus nier la vulnérabilité, la souffrance, la peur ou l'angoisse de ce qu'on appelle l'"animal"

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Aujourd'hui, la raison comme idée régulatrice est menacée par la pluralité des rationalités : à chacune son axiomatique, ses institutions, sa communauté et son historicité

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En résistant à l'unité de la raison, la spécialisation objectiviste des savoirs ne met pas seulement en crise la rationalité, mais la téléologie elle-même qui la commande

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La déconstruction ressemble à une philosophie, une théorie, une méthode, mais elle ne l'est pas, elle est la déstabilisation en cours des "choses" mêmes

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Vers la fin du 19ème siècle, dans un monde qui ne tient plus ensemble, une mutation livre à la folie, au chaos, les concepts organisateurs de la communauté politique

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En tant qu'hypersymbolique / se déconstruisant de tous les côtés, le discours philosophique correspond à l'essence du discours dominant dans la modernité

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Notre époque est celle où l'écriture déborde le langage, efface ses limites et excède la parole

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La modernité littéraire tend à s'émanciper de la métaphore ou de la figure en marquant la spécificité de l'écrit

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Dans une conception moderne du texte et de l'écriture, il n'y a ni préface, ni programme, ni rien qui précède le texte

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Ecrire, aujourd'hui, c'est mettre en abyme sa signature pour qu'elle disparaisse

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L'époque de l'opposition de la vérité et de l'apparence est un temps historique déconstructible

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Europe est le nom singulier, absolument propre, de ce qui porte le sujet désirant ou volontaire à son maximum objectivable, sa dimension capitale

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L'Europe ne se rassemble et ne s'identifie à elle-même que dans l'idée, phallique, d'une pointe avancée de l'exemplarité, d'une tâche infinie qui se capitalise

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L'esprit est, comme le capital, une valeur excédante : la plus-value absolue et sublime du sans-prix

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Il faut, aujourd'hui, répondre du discours traditionnel de la modernité en s'avançant exemplairement vers tout autre chose ("l'autre du cap")

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Il faut, aujourd'hui, tenir compte de la polysémie du mot "capital" pour trahir son ordre, y résister dans la fidélité à l'autre cap ou l'"autre du cap"

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Il faut prendre acte de la fission du capital : en s'ouvrant sur l'autre rive, il s'ouvre lui-même sur un autre, il se désidentifie

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L'Europe se trouve aujourd'hui à un moment où elle doit répondre du cap (caput), de l'autre cap ou de l'autre du cap, une question qui se pose de façon absolument nouvelle

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En politique, la responsabilité, aujourd'hui, c'est de faire l'expérience d'un impossible : répondre à la position d'un cap (l'Europe) en résistant à toute prise de pouvoir

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Mettre en péril le capital, c'est le menacer dans son idéalité, mettre en crise la culture de l'Europe, son identité et l'universel dont elle répond

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Il faut répondre à l'appel de la mémoire européenne : un devoir aporétique, le devoir universel d'une aporie critique

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Le paradoxe de l'universel, c'est qu'en lui se croisent et se capitalisent les antinomies de l'identité européenne, qu'il faut endurer

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Dans sa constitution même, l'Europe répond de l'absolument nouveau, le nouveau attendu comme tel, au risque du pire

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Aujourd'hui, ce qui s'ébranle est la proximité du nom de l'homme et du nom de l'être, telle qu'elle habite et s'habite dans la langue en Occident

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Il y a dans le bio-pouvoir d'aujourd'hui des nouveautés inouïes, et pourtant ce concept de "bio-pouvoir" ne peut pas servir de critère pour définir une époque dite "moderne"

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La dislocation du logocentrisme se présente aujourd'hui comme telle, libérant le projet d'une science de l'écriture (grammatologie) elle-même prise dans cette dislocation

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Le plus intempestif aujourd'hui, l'inconditionnel, c'est ce qui permet de se soustraire à l'espace de l'autorité théologico-politique

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On peut, aujourd'hui, penser un concept de l'archive autre que celui dont nous avons hérité : une archive où le virtuel ne s'oppose pas à l'actuel

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On ne peut penser le Contemporain que "dans l'anachronie criante de la dislocation du même"

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Ce qui arrive aujourd'hui au christianisme, la mondialatinisation qui est aussi sa déconstruction, le transforme de manière imprévisible

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Le concept de crime contre l'humanité, qui garde la mémoire de la Shoah, conditionne la mutation sans précédent qui affecte aujourd'hui le "vivre-ensemble"

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La mondialisation de l'aveu - qui exige de répondre chaque fois singulièrement, hors lois, hors normes, hors savoir, annonce l'au-delà du souverain - et même du politique

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En encadrant les pouvoirs de l'être, la quatrième surface de la scène représentative les divise et sépare l'Occident de lui-même

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Aujourd'hui, dans une configuration historique sans précédent, entre la main et la machine, la possibilité et la signification du dessin restent à penser

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L'actuel retour du religieux, original et sans précédent, est aussi porteur d'une destruction radicale du religieux

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Nous vivons aujourd'hui un "mal d'archive", un trouble qui brouille le voir et le savoir

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Une figure radicale du mal marque notre temps et nul autre : le mal d'abstraction, porté par la machine et les technosciences

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L'annulation de l'avenir est le plus grand risque, le mal radical qui nous menace

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En cet abîme du sans support, du fond sans fond où nous vivons aujourd'hui, il faut compter avec une nouvelle violence, une cruauté irréductible à la logique du conscient

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Quand des forces en mal de souveraineté font trembler la terre humaine, alors on peut désirer suspendre le lien qui unit la raison, la pulsion de souveraineté et l'inconditionnel

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Par ses apories, son axiomatique impossible, l'oeuvre derridienne réfléchit et formalise la mutation d'aujourd'hui, sa dislocation absolue, son désajointement sans bordure

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Ce qui spécifie l'oeuvre moderne (littéraire, poétique ou philosophique) est le droit de tout dire - ou de dire n'importe quoi

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Aucun discours traditionnel n'étant en mesure d'interpréter l'ensemble des transformations du monde actuel, il faut avoir recours à une "pensée" ouverte, indéterminée, aventureuse

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[Il faut, pour penser le souverain, penser l'au-delà du souverain]

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Tout ce qui détruit les limites classiques du politique favorise le déchaînement de l'hostilité pure : dépolitisation, surpolitisation, hyperbolisation du politique

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Avec la dissolution des concepts classiques d'ennemi, de politique, d'hostilité, s'ouvre une bouche béante, sans voix, qui hurle dans le fond sans fond du chaos d'aujourd'hui

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A travers deux ruptures historiques majeures, les grands discours canoniques sur l'amitié fondent et déstabilisent d'innombrables oppositions, peut-être toutes

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L'époque des Etats voyous, c'est celle où "il y en a plus" : plus d'un, plus qu'on ne pense, encore plus, et bientôt plus du tout

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Quand aujourd'hui le monde s'en va (constat), il faut faire venir une alliance qui, à nouveau, pourra faire monde : la nécessité, le devoir (performatif), de "te" porter

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Quand le monde s'en va, quand il fait défaut, je dois t'y porter, faire venir le monde au monde comme s'il y avait un monde juste, comme si nous habitions le même monde

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La différance n'est ni un mot, ni un concept : c'est un faisceau propre à penser le plus irréductible de notre époque

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Une pensée de la trace doit aussi pointer au-delà de l'epistémé, par une pensée blanche, neutre, indéterminée, sans poids, qui dise l'époque à venir de la différance

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Si la déconstruction, c'est "ce qui arrive", on ne peut déconstruire qu'à partir de ce qui arrive, aujourd'hui, dans le monde

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Notre horizon, ici maintenant, est une absence d'horizon : des lieux sans issue ni chemin assuré, sans dehors prévisible, qui conditionnent l'avenir

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[Derrida, l'apocalypse]

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L'enregistrement de la voix est l'un des phénomènes majeurs du 20ème siècle

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S'il y a de l'époque, du champ historique, alors psychanalyse et photographie forment un seul événement et posent la même question, celle du droit de regard

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Le "nouvel ordre mondial" que propose le libéralisme est une conjuration destinée à faire taire le spectre de Marx

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DerridaCtp

AA.BBB

DerridaCheminements

HC.CT.POR

RetraitOeuvrer

BG.LKD

PerfToutAutre

CT.LKJ

AE_DerridaCtp

Rang = zQuois_Ctp
Genre = -