La circulation très rapide, à travers les frontières, des appareils techniques, culturels et médiatiques [sans parler de l'économie, de la finance et des biens], uniformise, centralise et normalise, sans qu'une capitale géographique au sens traditionnel, une métropole, ne soit nécessaire. Dans ces conditions la politique n'est plus liée à la cité (polis), une nouvelle topologie s'instaure à la place du concept traditionnel de politeia ou res publica. Faute de nouveaux mots, on pourrait parler de quasi-politique. Malgré et avec cette crise du politique qui est en même temps crise de l'esprit et crise de l'Europe, il faut, dit Derrida, continuer à répondre du discours traditionnel de la modernité. Il faut répondre de l'identité culturelle européenne, un lieu à la fois centré et dispersé, contradictoire, qui ne cesse de se renouveler et de s'écarter de soi. Des décisions sont à prendre, sans qu'un savoir prédéterminé n'ouvre la voie. La bonne conscience ne suffit pas. Entre deux lois contradictoires (une Europe égale à soi, mais aussi égale à l'autre; des droits de l'homme universels par principe, mais limités dans leur mise en œuvre; des projets pluralistes et tolérants, qui servent à conquérir les esprits), il faut faire, d'urgence, l'expérience de l'impossible, l'épreuve de l'aporie, de ce mouvement où le capital s'ouvre en se désidentifiant.