Derrida
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TABLE des MATIERES :

                            NIVEAUX DE SENS :

 DERRIDEX

Index des termes

de l'oeuvre

de Jacques Derrida

Un seul mot - ou un syntagme.

         
   
Derrida, l'impossible                     Derrida, l'impossible
Sources (*) : La pensée derridienne : ce qui s'en restitue               La pensée derridienne : ce qui s'en restitue
Pierre Delain - "Les mots de Jacques Derrida", Ed : Guilgal, 2004-2017, Page créée le 13 juin 2012 Orlolivre : comment ne pas faire système?

[Derrida, l'impossible]

Orlolivre : comment ne pas faire système? Autres renvois :
   

Derrida, l'aporie

   
   
                 
                       

1. La déconstruction, expérience de l'impossible.

A chaque fois qu'est tentée la déconstruction d'un mot, d'un thème ou d'un concept, ce mot (par exemple : don, pardon); ce thème (par exemple : invention, amour, mort), ce concept (par exemple : hospitalité, déconstruction, justice), à chaque fois apparaît une division entre le possible et l'impossible. Le possible est soumis à des conditions - qui dépendent des contextes et des circonstances, qui peuvent faire l'objet de calculs, de contrats ou de compromis -, tandis que l'impossible, unique, imprévisible, incalculable et inconditionnel, apparaît comme la seule possibilité digne de ce mot, de ce thème ou de ce concept. Le possible et l'impossible sont hétérogènes, incommensurables, mais en étroit rapport entre eux; l'impossible est la visée du possible, tandis que le possible n'est concevable que sans l'impossible. La déconstruction, donc, se présente comme possible, on peut la désirer, la tenter et même la pratiquer, la démontrer, mais cette pratique, dit Derrida, est une invention de l'impossible. Comme elle n'a ni règle, ni procédure pré-établie, elle ne peut s'expérimenter que comme autre, toute autre, c'est-à-dire insituable et intraduisible.

L'impossible n'est pas l'impensable. Le donner à entendre, le nommer, c'est aussi le penser. La déconstruction partage avec ce qu'on nomme la théologie négative l'expérience de la possibilité (impossible) de l'impossible, du plus impossible. L'impossible ici n'est pas l'opposé modal du possible, c'est un plus-que-possible, une transgression, une chance, une rupture, un tout autre. Aucune théorie philosophique ne peut rendre compte de cette pensée, qui ne se donne pas dans l'unité d'un sens.

 

2. La différance.

Un mouvement énigmatique, impensable, désorganise les systèmes et entretient les écarts : celui de la différance. Il y a toujours des chaînes d'autres mots, d'autres tissages impossibles à arrêter. On peut multiplier les limites et les cadres, structurer des systèmes, fabriquer des oeuvres, le mouvement ne s'arrête pas. C'est pourquoi des oeuvres comme la série des chaussures de Van Gogh (et tant d'autres), continuent à faire marcher; et c'est pourquoi, aussi, le Contemporain est inconcevable. The time is out of joint, dit Hamlet. A l'extrême, on trouve la jouissance ou le dégoût, qui sont inencadrables.

 

3. Première et ultime impossibilité : l'identité à soi.

Nul ne peut dire (ou écrire) : "Moi, ici, je signe" - car le signataire n'est jamais présent à sa signature. Aucun vivant ne peut se poser comme identique à lui-même. Qu'il s'entende parler, qu'il se touche ou qu'il se désigne en tant que "je", c'est toujours un autre qu'il entend, qu'il désigne ou qu'il touche (auto-affection). Cet autre est irréductible, on ne peut pas en faire son deuil. Il fait irruption avant même le commencement (qui est, lui aussi, irracontable et impossible). Chaque fois, se produit cet événement inanticipable (et donc impossible) : l'invention de l'autre. L'identité ne peut pas se fermer sur elle-même, elle est avec elle-même dans un rapport d'espacement.

D'un côté, l'impossibilité de la présence à soi vaut pour un texte, irréductible à ses effets de sens, pour l'écriture, qui ne s'arrête sur aucun signifié, pour le temps et aussi pour la vie même; mais d'un autre côté, cette présence est tellement souhaitable, désirable, que nous ne pouvons pas y renoncer. C'est la fonction du fantasme : en figurant et en nommant le contradictoire, l'inconcevable, l'impensable, il nous affecte, nous rassure et en même temps il entretient cet écart.

 

4. Le plus impossible est aussi le plus urgent.

Souvent dans l'oeuvre de Derrida revient le schème selon lequel ce qu'il faut faire, c'est justement l'impossible.

- il est impossible d'apprendre à vivre - car vivre ne s'apprend pas - et pourtant c'est l'éthique même, dit Derrida. Quoiqu'irréalisable en pratique, cette éthique impossible est la seule qui soit digne de ce nom.

- le pur pardon sans limite, ni norme, ni finalité; le don, qui suppose une effraction dans le cercle fermé du temps ou de l'économie; ou l'hospitalité inconditionnelle, incompatibles avec quelque statut que ce soit, invitent à la seule responsabilité qui vaille (elle aussi impossible) : répondre pour l'autre en répondant pour soi.

- traduire est impossible, la traduction ne peut qu'échouer, et pourtant il faut traduire. Le texte biblique sur la tour de Babel dit cette nécessité. Les langues sont distinctes et doivent le rester, mais Dieu clame ce nom propre, Babel, qui appartient à plus d'une langue et même à toute les langues. C'est ce cri, cette nomination, qui instaure une logique intenable, la loi de la traduction.

- en politique, la responsabilité d'aujourd'hui, c'est de répondre à la position d'un cap (l'Europe) par un autre cap, l'autre du cap. Ce n'est pas un programme électoral, c'est l'expérience d'un impossible.

- on ne peut exiger de pardonner l'impardonnable, de donner sans retour ou d'offrir à l'étranger une hospitalité sans borne. Ce ne sont que des concepts purs, dont la mise en oeuvre serait une folie; et pourtant c'est nécessaire, urgent. Il y va d'une promesse, d'une visée messianique.

 

5. Aller où il est impossible d'aller.

L'impossible n'est jamais possible, sauf la mort. D'une part elle est toujours imminente, toujours possible, toujours visible quand c'est l'autre qui meurt; d'autre part il est impossible pour un vivant de vivre le mourir, de l'expérimenter. Je n'ai jamais rapport à "ma mort" comme telle. Absolument certaine et absolument indéterminée, la mort restera toujours pour moi toute autre, impossible. C'est, peut-être, l'unique occurrence de l'aporie comme telle, une aporie qui, dès qu'elle apparaît, n'arrive qu'à s'effacer. Et pourtant il faut l'endurer, il faut s'y rendre, d'un certain pas.

Il faut nommer l'impossible, dit Derrida : nommer le rien (rien de terrestre), nommer l'impensable du sans (qui ne peut ni se dire ni s'entendre), nommer l'effondrement sans fond (qui désertifie le langage). Ce qu'on appelle théologie négative, c'est ce qui invite à aller au-delà du nom, où il est impossible d'aller. Comment nommer le sans contenu, ce dont on ne peut avoir aucune connaissance objective ou constative? Il reprend parfois le syntagme nom de Dieu. En termes grecs, c'est l'au-delà de l'être (epekeina tes ousias). En termes plus courants, c'est la passion, l'excès, le désir insatiable qui conduit toujours plus loin.

 

 

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Propositions

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La déconstruction, qui se donne pour tâche l'expérience de l'autre comme invention de l'impossible, ne désire pas le possible, mais l'impossible

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"La déconstruction est la justice" - partout où la déconstruction est possible comme expérience de l'impossible, il y a la justice

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Point énigmatique, impensable de la différance : elle est à la fois détour économique dans l'élément du même et rapport au tout-autre, à l'impossibilité de la présence

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Prise dans un réseau, un travail de tissage impossible à arrêter, la différance produit des chaînes d'autres mots : gramme, réserve, trace, espacement, supplément, etc...

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Il faut penser l'exception, même si une théorie philosophique, juridique ou politique - voire un concept - de l'exception est impossible

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La déconstruction partage avec la théologie négative l'expérience de la possibilité (impossible) de l'impossible, du plus impossible

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Pour que l'autre reste l'autre en moi, il faut que le deuil soit impossible : ni incorporation, ni introjection

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"Autre" n'est ni une forme de présence, ni un être : c'est l'inscription de ce qui ne peut pas être posé

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Dans l'imprévisible surgissement poétique de l'art, de l'artifice ou de la liberté, se produit un événement inouï, impossible : l'invention de l'autre

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L'espacement est l'impossibilité pour une identité de se fermer sur elle-même : c'est l'irréductibilité de l'autre

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L'écriture est l'impossibilité pour une chaîne de s'arrêter sur un signifié

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L'une des thèses inscrites dans la dissémination, c'est qu'une écriture résiste aux effets de sens, de contenu ou de thème auxquels on tend couramment à la réduire

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Il est impossible de commencer

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A l'origine de la loi, rien n'a lieu, rien de nouveau n'arrive, il est impossible de raconter l'événement qui inaugure l'interdit

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Il est impossible de concevoir le contemporain car, à chaque génération, la formule d'Hamlet s'applique : "The time is out of joint" (le temps est hors de ses gonds)

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Le temps est le nom d'une impossible possibilité : l'impossibilité pour un instant de coexister avec un autre, qui s'éprouve comme possibilité

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Dans chaque déconstruction singulière, le mouvement d'une division fait apparaître l'impossible comme la seule possibilité digne de ce concept ou de ce thème

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La dimension du "Il y a" s'ouvre dans l'écart entre l'impossible et le pensable

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"Apprendre à vivre enfin", n'est-ce pas, pour un vivant, l'impossible? C'est pourtant l'éthique même

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Le pur pardon est sans limite, sans norme, sans modération ni finalité : il est exceptionnel et extraordinaire, à l'épreuve de l'impossible

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Le pardon pardonne seulement l'impardonnable

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L'hospitalité inconditionnelle lève l'immunité qui nous protège contre le tout autre; elle est impossible à vivre et incompatible avec quelque statut que ce soit

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Le don, qui se donne à penser comme la figure même de l'impossible, est à la fois ce qui circule dans une économie et ce qui l'interrompt

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Partout où domine le "temps comme cercle", le don est impossible - il ne peut y avoir don qu'à l'instant où une effraction a lieu dans le cercle

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La responsabilité est indéniable car pour répondre de soi, il faut répondre pour l'autre; mais elle est impossible car ce qui lui donne une chance est indécidable

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En politique, la responsabilité, aujourd'hui, c'est de faire l'expérience d'un impossible : répondre à la position d'un cap (l'Europe) en résistant à toute prise de pouvoir

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Le pari impossible des chaussures de Van Gogh, c'est que, même dépareillées et disparates, elles font marcher

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Que peuvent dire les mots? Juste l'impossibilité de dire : "Moi, ici, je signe"

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La traduction (deux fois une langue) ne peut qu'échouer, car elle efface l'étranger en soi (au moins deux langues)

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Le fantasme figure et configure le contradictoire, l'inconcevable, l'impensable, l'impossible; en les nommant, il nous affecte et les rend désirables

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La promesse est un acte impossible, mais le seul digne de son nom : on ne peut pas la tenir, mais on peut la renouveler

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Le don, qui ne peut raisonnablement se donner "comme tel" qu'à condition de rester impossible, est contaminé par la folie

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La mort est l'unique occurrence de la possibilité de l'impossibilité; une aporie que Heidegger a énoncée, sans la penser

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La mort, seule impossibilité ou aporie qui puisse apparaître comme telle, n'"arrive qu'à effacer" toute délimitation anthropologique, problématique ou conceptuelle

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Si ni l'homme, ni les animaux, n'ont rapport à "ma mort" comme telle, alors la mort devient la possibilité la plus impropre, ce qui ruine tout le dispositif heideggerien

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Dans la phrase "Je franchis le terme de la vie", il y va d'un certain pas, d'un "Je passe" (peraô) aporétique (aporia), d'un passage impossible (a-poros), sans pas

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Il faut endurer l'aporie : c'est la loi de toutes les décisions; mais jamais l'aporie ne peut être endurée "comme telle"

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[Marx vise un impossible : la vie pleinement présente, aussi désirable que la justice]

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L'arrivance messianique est un concept impossible mais urgent, car il y va de la justice

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Babel n'est pas une figure parmi d'autres : c'est le mythe de l'origine du mythe, la métaphore de la métaphore, le récit du récit, la traduction de la traduction

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Nécessaire et impossible, la performance de Babel instaure, d'un coup de nom propre, la loi de la traduction, et aussi une dette dont on ne peut plus s'acquitter

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Le nom de Dieu, qui produit le dehors, se conjugue avec une passion du lieu : se rendre dans le nom au-delà du nom, là où il est impossible d'aller

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La passion, c'est la décision irresponsable d'aller au-delà du présent de l'être; elle laisse une blessure, une cicatrice en ce lieu où l'impossible a lieu

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