Répondant à Etienne Balibar qui conteste le "primat de l'exception" chez Carl Schmitt, et soutient que c'est l'état d'exception qui dépend de la norme, et non l'inverse, Jacques Derrida analyse les paradoxes d'une théorie de l'exception. Il oppose :

- d'un côté une théorie philosophique, juridique ou politique de l'exception, selon lui impossible [car ni le droit, ni la politique, ni la théorie, ni la philosophie, qui sont organisés en systèmes, ne peuvent penser l'exception, qui justement échappe à toute règle générale, loi, théorème, ou système]. Si l'exception fait la loi par sa propre force, en suspendant la loi, elle ne peut pas être analysée à partir d'une norme.

- d'un autre côté une pensée de l'exception [Jacques Derrida précise qu'il utilise le mot "pensée", faute de mieux]. Une telle pensée [sous-entendu : non soumise à un système logocentrique, quel qu'il soit] est possible, et en outre elle est nécessaire. Elle est possible car la pensée peut toujours produire d'autres concepts, hors systèmes. Elle est nécessaire car la souveraineté fondée sur l'exception, déjà, se déconstruit.

Entre la théorie et la pensée, que dire du concept? Peut-on proposer un concept de l'exception? Jacques Derrida répondrait, probablement, que l'exception ne peut être située que comme quasi-concept, hétérogène au concept philosophique de concept. Le quasi-concept occupe une place mal définie mais nécessaire, entre la théorie et la pensée.