Chacun son expérience de l'animal. Pour Jacques Derrida, c'est celle d'un regard qui le voit nu. Ce regard silencieux, insistant, le surprend, le gêne, le met mal à l'aise. Quand son sexe s'expose devant les yeux d'un chat qui le regarde directement, de face, la première question qu'il se pose, c'est : Qui je suis? puis vient une autre : Le chat peut-il lui répondre? Et encore une autre : Mais pourquoi ai-je honte, et honte d'avoir honte? Que veut dire, pour lui, me regarder en face? Le chat est comme un visionnaire, un aveugle extra-lucide dont je ne peux pas déchiffrer le regard. Je sais que je ne devrais pas être mal à l'aise devant lui, et pourtant je le suis, j'ai honte comme si j'allais dire l'interdit ou avouer l'inavouable.

Comment pourrais-je connaître les facultés de ce petit chat? Ses secrets? Ses pensées? Ce chat-là singulier, irremplaçable, qui est capable de répondre à son nom [et quand il disparaîtra, son nom pourra lui survivre]? Je ne les connais pas plus que je ne connais les pensées d'un poème (non conceptuelles ou non conceptualisables par la philosophie). Un jour, en un lieu, il entre dans mon espace, il me rencontre.