Derrida
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TABLE des MATIERES :

                            NIVEAUX DE SENS :

 DERRIDEX

Index des termes

de l'oeuvre

de Jacques Derrida

Un seul mot - ou un syntagme.

         
   
Derrida, la vie, la survie                     Derrida, la vie, la survie
Sources (*) : La pensée derridienne : ce qui s'en restitue               La pensée derridienne : ce qui s'en restitue
Pierre Delain - "Les mots de Jacques Derrida", Ed : Guilgal, 2004-2017, Page créée le 2 juin 2013

[Derrida, la vie, le vivant, la survie]

Autres renvois :
   

Derrida, la mort

   

Derrida, l'héritage

   
                 
                       

1. Du présent vivant à la différance.

Dès La voix et le phénomène, son premier texte publié (une analyse critique de la phénoménologie de Husserl), Jacques Derrida s'intéresse à la parole vive. Quand le sujet s'entend parler au présent, sa voix est un acte vivant absolument proche de lui. S'entendant lui-même, il croit entendre son propre, même en l'absence de monde. Dans la phonè, cette chair transcendantale, la vie et l'idéalité se confondent. Cette expérience du présent-vivant est double. D'un côté, elle est vécue comme intuition du sens, source et garante de toute valeur, porteuse de vérité. Mais d'un autre côté, elle renvoie à une structure d'auto-affection qui est pour Derrida l'autre nom de la vie. Cette structure, qu'il qualifie d'universelle, s'expérimente à travers le temps, et aussi à travers toute relation vitale. Au fil de son oeuvre, Jacques Derrida reprendra cette thématique en analysant de nombreux champs, par exemple le toucher ou la question du visage.

Vivre, c'est s'auto-affecter; et l'auto-affection est toujours aussi, irréductiblement, hétéro-affection : affection par l'altérité de l'autre, l'extériorité ou la mort. Ce rapport indissociable qui déborde toutes les oppositions, y compris entre la vie et la mort, Derrida l'appelle différance. La différance, dit-il, qui n'est rien, constitue l'essence de la vie. Il n'y pas d'abord la vie et ensuite les écarts, les différenciations, les décalages, retards et après-coups : c'est la vie elle-même qui se produit. Comme texte, le vivant ne renvoie qu'à d'autres éléments de ce texte. Il n'a ni modèle ni finalité. On ne peut le traduire que dans les produits de sa propre traduction (les langages). En se produisant, il produit la trace qui l'affecte aussi de l'extérieur.

 

2. Ma vie.

Dire "moi", "je", signer une autobiographie ("s'autobiograparapher"), c'est s'affecter, se tracer, comme peut le faire tout vivant, tout animal. Pour survivre, le vivant doit modifier sans cesse son rapport à soi. Entre le corps, les mains, le visage, les yeux, la bouche, le cerveau, la station verticale, etc..., la relation ne cesse de bouger, de se transformer, entraînant avec elle le rapport du vivant à l'autre, à l'écrit, à la machine, à la mort. Les évolutions du rapport à soi se traduisent par des mutations - par exemple en littérature, en philosophie, dans la différence des sexes.

Que celui qui dit "Je suis vivant" soit absent, fictif, disparu ou mort, cela ne change rien à l'idéalité du "je". Le "je" fonctionne dans la langue, et pourtant il ne suffit pas de dire "je" pour être vivant. Encore faut-il un contrat avec soi, une alliance secrète, cryptée, un endettement qui fait de soi-même une fable, le produit de sa propre traduction. Cette vie, ma vie, est invérifiable, risquée. Elle dépend de la contre-signature de l'autre, qui est elle aussi aléatoire et n'est vérifiable que si "je" suis déjà mort.

On peut répondre à cette aporie par l'écriture, l'autobiographie, l'œuvre. C'est ce qu'a fait Nietzsche, en faisant de sa vie un immense paraphe biographique. Peu de penseurs (Freud, Kierkegaard) ont eu le courage de risquer ainsi, en mettant en jeu leur vie dans leur œuvre, le retour de l'alliance. Ce retour n'a rien d'automatique. En scellant son autobiographie, le signataire disloque son nom, il fait dépendre sa vie d'un bord, d'une limite flottante, disparaissante, à venir, entre l'œuvre et la vie. Ce bord n'est ni stable ni homogène, il implique une multiplicité d'instances, de forces, de dynamiques. Nietzsche est celui qui prend acte de cette situation en appelant à faire un pas de plus, à transgresser l'alliance par la promesse d'une sur-vie. Dans un premier temps ce n'est qu'une promesse, et sa voix, "ma voix", celle qui s'entend parler, elle se meurt. Mais il pourrait arriver que dans un autre temps, si la traversée de quelques suppléments parergonaux est favorable, ce "pas au-delà" soit mis en mouvement. C'est ce que Derrida nomme une hétérothanatographie.

Et quoiqu'il en soit, la vivante qui précède le mort viendra encore après lui. Elle était là avant ma voix, elle sera là après.

 

3. La vie la mort, biologie.

Le discours courant pose généralement la vie avec la mort. Qu'elles s'opposent, se juxtaposent, se succèdent, ou qu'elles entrent dans une dialectique, elles vont ensemble. En avançant le syntagme la vie la mort, où chacun des termes est séparé non par un trait d'union mais par un blanc, un espace vide, Derrida suggère qu'entre la vie, qui s'inscrit dans l'être, et la mort, irreprésentable et impensable, il ne peut pas y avoir de relation directe. Pour les penser ensemble, il faut une autre topique, une altérité d'un autre ordre, une pensée à peine concevable qui renonce à toute analogie, comparaison, à tout appel à un modèle préexistant ou à une production-reproduction qui ne serait que le masque d'une circularité.

En pensant le vivant comme un programme, la biologie moderne le réduit à un codage, un système de communication qui ne ferait que reproduire l'espèce, la perpétuer. Le vivant, sans sujet, resterait soumis au logos. Mais le biologiste est lui aussi un vivant qui s'inscrit non pas dans un programme, mais dans le texte de la vie. Sa biographie est indissociable du biologique, et son désir partie prenante du champ investi. Le chercheur ne se limite pas au pur travail du concept : il s'engage lui aussi, par ses métaphores, sa tendance à trouver des explications, des desseins, des buts à la vie, dans le mouvement qu'il décrit. Parmi les sciences, la biologie occupe une place particulière. Son texte s'inscrit dans un objet lui-même textuel, une relation qui, en altérant l'axiomatique même qui sous-tend ses énoncés, peut produire des effets inattendus, donner cours à des pouvoirs singuliers, voire démesurés [auxquels la bio-éthique ne donnera jamais que des réponses partielles].

 

4. Eros, sexualité, pulsion de mort.

Dans le discours usuel, on a l'habitude d'associer la sexualité et la mort, comme si elles avaient nécessairement dû arriver ensemble. Et pourtant rien n'est moins sûr. Il existe des êtres vivants qui ne programment pas leur propre mort. Ils peuvent s'épuiser ou disparaître, mais cette disparition n'est pas inscrite dans leurs gènes. Il existe aussi des vivants où les transferts de matériel génétique n'entrent pas dans une distribution sexuelle. La mort ou la sexualité tels que nous les connaissons ont pu survenir, indépendamment l'une de l'autre, comme des événements, des suppléments à la vie, dont la réitération n'était pas assurée. Aucune science, aucun concept, ne pourraient suffire à les déterminer.

On peut lire l'héritage freudien à partir de "la vie la mort". On voit mal en quoi la pulsion de mort, qui vise au retour du vivant au point le plus bas de la tension, diffère des autres pulsions (pulsions de vie) qui toutes conduisent, chacune par son propre chemin, au plus proche de soi, à l'inorganique. Si le vivant n'est rien d'autre qu'un réseau de différence de forces - chacune conduisant à la mort, alors vivre ou plus exactement garder la vie, c'est hériter de cette condamnation. Cette continuité entre la vie et la mort ne permet pas, elle non plus, de se dégager de la téléologie.

 

5. La vie sacrée, intacte.

On trouve dans certaines croyances l'idée qu'on pourrait accéder à une vie pleine, présente à elle-même, la restituer. Les religions exigent un arrêt respectueux devant ce qui doit rester sain et sauf (le vivant). Le christianisme de Hegel se situe dans cette veine, quand il pense l'être comme vie dans la bouche de dieu - et Marx, dans la même lignée, voit dans le travail, le corps ou la personne vivante (la valeur d'usage) une figure de la vie sacrée. Même Freud reste attaché à l'anamnèse, au primat de la mémoire vive, de la trace originelle et unique [mais ni l'oeuvre de Marx, ni celle de Freud, ne sont réductibles à un simple concept de vie]. Et l'on pourrait aussi citer, dans notre culture, le respect pour une transcendance infinie qui témoignerait de ce non-vivant qui nous excède (Dieu, la loi), l'attente du désir comme présence pleine ou la valorisation de la sexualité, du phallus, ce fétiche au service de la vie. On peut unir ces croyances en un même concept, une "logo-zoïe", qui soumet la vie du vivant au logos.

 

6. Le vivant, l'autre.

Chaque vivant est porté dans un monde où il habite. C'est son monde, irréductiblement distinct de celui d'un autre vivant. Là où il nait, vit et meurt, il est solitaire. Dans ce monde, il y a d'autres vivants avec lesquels il faut coexister, se manger, se tuer, souffrir et aussi éventuellement partager l'angoisse, la vulnérabilité, compatir. Cette coexistence ne suffit pas pour garantir un monde commun. Pour assurer sa crédibilité, il faut un contrat, une alliance - et même cette alliance ne change rien au fait qu'il n'y a pas de monde un. On fait, pour survivre, comme si il y en avait un. On porte l'autre dans son monde, dans ce monde, mon monde. Mais à tout instant, cette construction peut être détruite. La fin du monde peut survenir, individuelle (la mort) ou en général.

Chaque vivant est unique, indéchiffrable. Mortel, il s'effacera à son tour, laissant peut-être une trace, un nom. Il y a dans chacun, qu'on le qualifie d'animal, humain ou autre, des facultés secrètes, inconceptualisables, irremplaçables, des instances multiples, divisibles, en conflit ou en tension les unes avec les autres.

Tout vivant est en rapport avec l'autre :

- auto-affecté, il produit de l'autre en lui-même, un autre incontrôlable qui peut surgir au coeur du présent comme un spectre, ou irréductible et incalculable comme l'affect. Il faut que le vivant accueille cet autre, qu'il s'en défende, qu'il déploie contre lui des stratégies d'auto-immunité.

- il doit manger, s'incorporer des éléments étrangers qui sont susceptibles de le menacer, de lui être bénéfiques ou maléfiques. C'est la fonction du pharmakon, cette chose externe qui peut à la fois guérir et/ou contaminer. Suppléer la nature, y ajouter des organes artificiels, est une nécessité vitale; et c'est en même temps une machine de mort, la fabrique monstrueuse du souverain.

 

7. Télétechnologies.

Avant l'invention du téléphone, de la radio, de la télévision ou de l'Internet, on ne pouvait transmettre que les écrits, mais ni le timbre de la voix, ni les expressions du visage, ni aucune image capable de faire croire que la personne enregistrée est présente. Avec les techniques actuelles, il est devenu possible de reproduire un autre présent, celui du temps de l'inscription dans son immédiateté, des années après que l'événement ait eu lieu. C'est ce dédoublement, cette compatibilité ou coordination imposée entre une image "live" et son exploitation des années plus tard, qui est spécifique de ces technologies. Ce qui est pris en charge semble continuer à être vivant, bien que la mort soit là. Par le "temps réel", le "direct" -, on prétend aujourd'hui présenter comme vivants des sons ou des images enregistrés qui ne sont que des reproductions, des artefacts, des archives spectrales. Avec la photographie et le cinéma, le sans trace, la mort semblent surgir de l'oubli. Dans cette expérience, le spectre n'est ni mort, ni vivant. Sa présence favorise les effets de projection, d'identification ou de fascination.

 

8. Vivre, c'est survivre.

D'une part, la mémoire vivante est une illusion. Le propre est déjà radicalement absent, depuis le départ, et aucun retour sur soi, aucune tentative de restitution (même la plus experte) ne peut le faire revivre. La présence vivante a disparu, et les spectres qui la remplacent - écriture, marque, trace, programme, supplément, nom, renommée, date -, sont aussi puissants et plus efficaces que le souvenir de la Chose elle-même. C'est inéluctable. Rien ne revient jamais à du vivant, au porteur du nom - tout ce qui revient revient seulement au nom. Et pourtant d'autre part, nous sommes tous hantés par un désir testamentaire : que quelque chose survive et soit transmis. Hériter, c'est témoigner, c'est réinterpréter, c'est traduire, c'est maintenir en vie ce dont on hérite et qui reste en partie étranger et secret. L'héritage n'est pas laissé intact : il est transformé, relancé.

La survie est toujours aporétique, ambigue. Du côté de la permanence, de la reprise d'une substance, d'une identité, elle insiste sur le cycle de la vie. Il faut que la mère survive à ce qu'elle a engendré (logique de l'obséquence). Du côté de la restance, de l'itérabilité, de l'altération de la marque, de la métaphore, elle ouvre la possibilité du surgissement de la "re-marque" qui transforme ce qu'elle répète. Toute sur-vie, même à partir du même matériau biologique (clonage), altère, modifie, décale. Tout nouveau contexte ruine l'identité.

Bénie, la vie appelle à la répétition des moments heureux, qui projettent au-delà de la vie (l'amitié) ; maudite, elle prive d'avenir, elle fait survivre éternellement des figures pour lesquelles aucune surprise, aucun aveu n'est possible. Mais on ne peut exclure, dans les deux cas, qu'une vie supplémentaire prolifère et s'ajoute au dernier moment, faisant d'un bien la semence d'une catastrophe ou d'un mal une source de bonheur.

 

9. Survie des œuvres.

Une œuvre hérite d'un événement (une expérience vécue au présent), mais ne peut survivre que si elle se coupe de cet événement, de ses sources et de son signataire. D'un côté, sa survie est machinique, répétitive, et d'un autre côté elle est incalculable, discrète et discontinue. Pour la faire survivre, il ne faut pas seulement la lire, l'interpréter, la traduire dans d'autres langues, il faut encore l'accroître : un devoir, une tâche messianique. Les œuvres qui n'ont aucune nécessité disparaîtront. Les autres survivront en fonction de leur force, leur génialité, leur inventivité productive.

 

10. Apprendre à vivre, cet impossible.

"Mais apprendre à vivre, l'apprendre de soi-même, tout seul, s'apprendre soi-même à vivre ("je voudrais apprendre à vivre enfin") n'est-ce pas, pour un vivant, l'impossible? N'est-ce pas ce que la logique elle-même interdit? Vivre, par définition, cela ne s'apprend pas. Pas de soi-même, de la vie par la vie. Seulement de l'autre et par la mort. En tout cas de l'autre au bord de la vie. Au bord interne ou au bord externe, c'est une hétérodidactique entre vie et mort. Rien n'est plus nécessaire pourtant que cette sagesse. C'est l'éthique même : apprendre à vivre - seul, de soi-même. La vie ne sait pas vivre autrement" (Derrida, Spectres de Marx, p14).

Cette formulation, Il faut apprendre à vivre, énoncée en 1993 et répétée par Derrida peu de temps avant sa mort, ne doit pas être interprétée comme une exaltation de la vie ou un vitalisme. Dans toute son oeuvre, elle est affirmée et réaffirmée en tant qu'impossible. Il faut bien vivre, n'est-ce pas, c'est un devoir, c'est une tâche, c'est un impératif. Mais pour vivre, il faut aussi sacrifier le vivant : manger, se défendre, se confronter à la loi et mourir. D'une part nous sommes comme Psyché, nous ne pouvons pas faire notre deuil de la vie, mais d'autre part notre survie dépend aussi du non-vivant qui nous excède. Une vie qui témoigne de cet excès ne se borne pas à la répétition mécanique de la vie, c'est sa dignité. Le plus vivant de la vie, sa justice, c'est son avenir, c'est-à-dire ce qui vient en plus de la vie.

Cette impossibilité à vivre est l'un des points communs entre les concepts dits "éthiques" de Jacques Derrida : le don, le pardon, l'hospitalité, l'amitié, etc.. Incompatibles avec quelque statut que ce soit, ils nous protègent d'un risque mortel, celui de se refermer sur soi. A partir de ces concepts, on peut ouvrir la possibilité d'un autre aimance, d'une autre politique ou d'une autre oeuvrance, liée (mais autrement) à l'affirmation de la vie.

Pour qu'une amitié survive (que même après la mort de l'ami, elle résiste au temps), il faut que le temps se retire doublement - par intemporalité ou par renouvellement. On retrouve ces deux modalités dans le prolongement de la vie, et aussi dans les louanges posthumes ou les oraisons funèbres.

 

11. La sur-vie, ou la vie plus que la vie.

Survivre, ce n'est pas seulement résister à l'épreuve du temps, c'est aussi dire oui, et même deux fois oui, une première fois par l'affirmation d'un "Je vis", et une seconde en citant et réitérant cet acquiescement. Sous cet angle, la structure de la vie n'est pas éloignée de celle du récit. Vivre, c'est s'allier avec soi-même; survivre, c'est réitérer cette alliance en s'affectant encore une fois, dans une structure d'anneau, en tant qu'autre. C'est ainsi qu'à partir de rien (la littérature) peut surgir autre chose, qui vient en plus de la vie. Cet "autre chose" est lié à la structure même de la vie : itérative, inachevable, inarrêtable. nous ne l'expérimentons qu'en passant par d'autres défilés qui viennent en plus de la vie. On peut désigner ces défilés par des concepts ou quasi-concepts comme trace, différance, restance, ou les vivre au travers de rituels issus de la tradition. Dans le cas de Derrida, ce serait la circoncision comme première écriture, ou le talith comme rappel de la loi à même le corps - mais pour d'autres, d'autres rituels rappelleraient l'obligation d'outrepasser la vie dans la vie même. Dès qu'on vit, dès qu'on parle de vivre, on est débordé par ce vivre dont on parle.

Que Derrida réaffirme sans cesse sa préférence pour la vie, la vie courante, ne l'empêche pas de réitérer l'exigence inconditionnelle d'une vie la plus intense possible, d'une vie qui ne se borne pas à la vie, d'une survie qui ajoute à la vie plus que la vie (supplémentarité). Quand il écrit, au seuil de la mort, Préférez toujours la vie et affirmez sans cesse la survie, quand il bénit l'assistance, cette dernière phrase est, comme toutes celles qui l'ont précédée, double. La première bénédiction, celle qui peut venir de la bouche du père, ouvre l'avenir de la lignée. Mais au-delà de cela, il y aurait une bénédiction ultime, paradoxale, qui serait de partir sans laisser d'adresse, de laisser l'autre survivre "sans la surcharge d'un héritage, sans le poids d'un deuil", dans une imprévisibilité absolue. On peut associer à cet héritage la figure d'un orphelin - mais ce serait un orphelin absolu, sans dette ni attente, un orphelin impossible.

Une survie qui se donne pour fin de déjouer tout programme, tout calcul, toute maîtrise, c'est un projet irréalisable, inconcevable, incompatible avec les cycles vitaux. Sa possibilité est indémontrable, et pourtant, si l'altérité n'est pas maîtrisable, si le tout autre est tout autre, elle a lieu. Ce qui est "plus que la vie même" s'élance, radicalement différent. Ce n'est pas un choix, c'est un verdict, une résurrection. En supplément des alliances entre vie et mort qui répondent aux contraintes cycliques de la vie : auto-bio-graphie, auto-thanato-graphie, hétéro-bio-graphie, hétéro-thanato-graphie, l'otobiographie invite à un pas au-delà, une ultime alliance sans dette, sans économie, sans obligation de revenir au point de départ. C'est un événement que rien ne permet de prévoir ni de forcer. "Ça se passe dans la vie" - dit Derrida - c'est-à-dire dans la vie ordinaire, même si cette éventualité nous paralyse et même si, déjà, quand ça arrive, il en va autrement.

Ce qu'il nomme sur-vie est cet événement impossible, interdit, qu'on n'a pas le droit de raconter mais qu'un récit, lu par un autre dans la langue de l'autre, peut mettre en oeuvre. Dans L'Arrêt de mort, Maurice Blanchot raconte l'histoire de deux femmes qui ne se soustraient pas à la mort, mais revivent autrement. Le récit déborde l'auteur, le signataire, le narrateur, il ouvre une autre alliance, un autre hymen entre les deux femmes qui suspend le cycle de la vie, brouille l'opposition entre vie et mort et laisse venir une autre force plus grande encore. Par ce "pas au-delà", c'est un autre événement de la vie qui est à-venir [entre deux femmes : non généalogique, non phallique]. On peut écrire ou penser un tel événement qui arrive sans arriver, par la littérature ou la philosophie, mais jamais il n'est présent. C'est le triomphe du "sur" : sur-vérité venant en plus, sans adéquation, inconnaissable, hypertopie (son lieu est toujours autre), crypte terrible, effrayante, dont le secret reste inavouable.

 

12. Dire "Oui".

Même si l'hypothèse est folle, illégitime, il faut, selon Derrida, dire oui, et même oui oui oui, à cette vie qui est plus qu'elle-même, cette vie neutre, blanche, la vie du "il y a" qui triomphe du binôme mort/vie. C'est une position ambiguë, voire pathologique. Acquiescer à cette puissance peut être entendu comme le retour à une sorte de vitalisme, voire de spiritualisme. Cette jubilation, cette position triomphale, cette spéculation sur la joie, peut être lue comme un symptôme. En répondant à ceux qui l'accusent de mélancolie par ce compromis trouble qui ressemble à un fantasme maniaque, Jacques Derrida prend le risque de promettre un supplément de vie, une sorte de salut [sur ce plan, on peut rappeler que le nom hébraïque du son père était Haïm, la vie. En disant oui, il acquiesce aussi à l'héritage du père].

Dire "oui", c'est aussi renvoyer au deuil, à la prière et aux pleurs. En suppléant au sacrifice, ces gestes n'ont pas de valeur en soi, ils sont les prémisses de l'œuvre. Du vivant Derrida, il ne reste que la signature de l'écrivain, du professeur qui n'a jamais voulu renoncer au plaisir de l'enseignant. Sa liberté fut d'associer à la dimension allo-thanatographique (le savoir, l'institution) une dimension autobiographique. Comme celui de Nietzsche, son double "je" aura toujours laissé venir un entre-je, une différance posthume.

 

 

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Propositions

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"La vie la mort" ne forment pas deux, mais une altérité d'un autre ordre

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Ceux qui pensent la vie comme ils pensent l'être en restent à la représentation; ils ne peuvent pas penser l'être-mort

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La voix est un acte vivant absolument proche de moi

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La "phonè" comme parole vivante, spiritualité du souffle, unit la vie et l'idéalité

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Animée par l'intention, par le souffle, la voix devient phonè, chair transcendantale, spiritualité vivante

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Le principe des principes de la phénoménologie est l'intuition pleine et originaire du sens, c'est-à-dire la présence, le présent vivant

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L'auto-affection est une structure universelle de l'expérience

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Le vivant, ce texte qui ne renvoie qu'à des éléments du texte, ne peut être traduit que par les produits de sa propre traduction - c'est la structure de la fable

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Il n'y a jamais eu de modèle pour le vivant

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On ne peut se retirer de la solitude du "Il y a" anonyme et neutre que par la vérité impensable de l'expérience vive : rencontre du visage

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"Apprendre à vivre enfin", n'est-ce pas, pour un vivant, l'impossible? C'est pourtant l'éthique même

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La dignité de l'homme, c'est que, en témoignant du non-vivant qui l'excède (loi, Dieu, transcendance), la vie ne vaut qu'à valoir plus qu'elle même

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Walter Benjamin réveille la tradition judaïque selon laquelle le plus vivant de la vie - qui vaut plus que la vie -, c'est sa justice, l'avenir de son être-juste

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"Apprendre à vivre", c'est respecter la loi de l'autre (promesse et fidélité) selon la triple anagramme : respect, spectre, sceptre

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La différance, qui n'est rien, constitue l'essence de la vie, et la vie, pensée comme trace, avant toute présence, est la mort

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Le "je" n'implique pas nécessairement la présence : la personne peut être absente dans "Je suis", anonyme dans "J'écris" et morte dans "Je suis vivant"

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Quiconque dit "Je", s'appréhende ou se pose comme "Je", est un vivant animal capable de s'affecter soi-même, de s'autobiograparapher

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[Pour vivre l'alliance "la vie la mort", il faut s'engager dans une autre alliance, pas moins aporétique : "ma vie ma mort"]

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Nietzsche a mis en jeu son nom - ou mis en scène sa signature - pour faire de tout ce qu'il a écrit de la vie ou de la mort un immense paraphe biographique

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Le récit autobiographique de "ma vie" ne tient en place que par le retour de l'alliance, le "oui, oui" donné au don de la vie en un lieu qui n'a pas lieu, sur une bordure disparaissante

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Le "retour éternel" de Nietzsche, c'est qu'il appelle à transgresser d'un pas l'alliance du "Je suis mort" (déjà mort - le père) et du "Je vis" (la Vivante, la survivante - la mère)

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En usant de sa liberté académique, Jacques Derrida propose une certaine démonstration autobiographique; il y prend un plaisir qu'il souhaiterait enseigner

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Dans la différance entre le "je" auto-bio-graphique, le "je" allo-thanato-graphique et le "je" otobiographique de certains noms, peuvent surgir de nouvelles institutions du "oui"

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Avant "la vie / la mort", il y a "la vie / le mort", où la Vivante qui précède le mort s'allie avec lui et vient en plus, en retard, au-delà

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En Oedipe se meurt la voix qui s'entend parler, "ma voix", dont le dernier mot désigne l'écriture de la mort du moi-même

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L'énigme de l'autobiographie qui engage un nom, une signature, tient au retour de différences de forces qui, disloquant l'"autos", ne se laissent pas saisir par une pensée de l'être

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En lisant des textes autobio- ou autothanato-graphiques, on peut repérer des lieux ouverts à la traversée de suppléments parergonaux - vers l'hétérothanatographie

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Avec la mutation du livre, ce qui se transforme est un rapport du vivant à soi : entre corps, mains, visage, yeux, bouche, cerveau, temps, station debout et distribution du discours

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Le sens minimal du mot "monde", c'est qu'il désigne ce dans quoi tous les vivants sont portés

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Rien n'assure, d'un vivant à l'autre, qu'il y a un monde; à tout instant peut survenir la fin d'un monde (la mort), et aussi la fin du monde en général, "en tant que tel"

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[Derrida, le pharmakon]

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Le moi vivant est auto-immune : il accueille l'autre en-dedans et dirige, pour lui-même, ses défenses contre lui-même

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L'affect, qui est le rapport du vivant à l'autre, est incalculable, irréductible, étranger à toute machine

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Le spectre est aussi puissant et plus efficace qu'une présence vivante

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La modalité d'expérience de la trace survivante en général, ou du spectral, c'est la conjuration

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La déconstruction trouve, dans la logique spectrale, au coeur du présent vivant, son lieu le plus hospitalier

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Fantasme de Jacques Derrida : "Je suis déjà dans la mémoire de ceux qui me survivent, assistent à ma disparition et pleurent"

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Les pulsions aident l'organisme à mourir de sa propre mort : une force qui garantit le retour au plus proche de soi, plus forte que "la-vie-et-la-mort"

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Le vivant n'est rien d'autre qu'un réseau de différences de forces - qui conduisent toutes à l'inorganique, la mort

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Pour qu'elles me survivent, il faut que les choses soient imprévisibles

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Là où s'oublie la mémoire vivante, abritée dans une crypte, l'écriture abandonne son fantôme à la logique

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L'expérience de la mort, c'est que je suis obligé de penser à ça (mon anéantissement), et qu'aussi je suis hanté par un désir testamentaire : que quelque chose survive et soit transmis

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L'héritier doit répondre à une double injonction : 1. Réaffirmer ce qui n'est pas choisi; 2. Choisir de le maintenir en vie, le réinterpréter activement

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Le temps se retire doublement de l'amitié : il faut qu'elle soit à chaque instant réitérée à neuf; et il faut qu'elle survive, qu'elle résiste à l'épreuve du temps

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L'oeuvre hérite d'un événement, mais ne peut survivre qu'à se couper de son signataire

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Dans ce qui fait oeuvre, il y a ce dont on n'hérite pas et à qui rien ne revient (le narcissique, l'immortel) et ce dont on hérite (ce qui, condamné à mort, garde la vie au-delà de la mort)

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Il faut lutter pour faire survivre les oeuvres en fonction de leur force, leur nécessité, leur génialité, leur inventivité productive, dans un espace public ouvert au-delà de l'espace national

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La traduction n'est ni une réception, ni une communication, ni une reproduction d'un texte dans une autre langue : c'est une opération destinée à assurer sa survie comme oeuvre

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On ne peut rien dire de l'opposition entre vie et mort, si "vivre" déborde cette opposition

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D'où tire-t-on l'axiome : "Il faut continuer à vivre", "Il faut survivre"? De la structure itérative, inachevable, inarrêtable, du procès de nomination, traduction, écriture

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On ne peut séparer le nom et la mémoire, car le nom est toujours "en mémoire de", il survit d'avance à ce dont il garde la mémoire

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Le nom, qui est la structure même de la survivance testamentaire, est arraisonné par une histoire, un héritage, une renommée

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"Rien ne revient jamais à du vivant", au porteur du nom : tout nom est un nom de mort, et tout ce qui revient revient seulement au nom

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[Entre vie et mort se nouent des alliances, des graphies, des scènes d'écriture qui font œuvre]

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La question du témoignage (testimonium) n'est autre que celle du testament (testamentum) : survivre avant et au-delà de l'opposition entre vivre et mourir

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Une "oeuvre" est coupée de ses sources; sa survie, incalculable, est nécessairement discrète et discontinue

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La restance n'est ni présente, ni absente; c'est ce qui, dans la structure d'itérabilité, conditionne l'altération de la marque, sa transformation (re-marque) et son surgissement

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Pour survivre comme texte sacré, messianique, un original promet à la fois l'accroissement des langues, leur parenté et leur réconciliation

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Une structure universelle de la religiosité est l'arrêt, la halte respectueuse devant ce qui doit rester sain et sauf

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Le désir est attente de la présence pleine qui devrait venir le remplir

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[Marx vise un impossible : la vie pleinement présente, aussi désirable que la justice]

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Marx mène une guerre sans fin contre tout ce qui représente le corps vivant, mais n'est pas lui : la prothèse, le langage, la différance

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Marx, comme Stirner, ne peut opposer à l'onto-théologie que le principe hyperphénoménologique de la présence de la personne vivante

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Freud, qui restait attaché au primat de la mémoire vive (anamnèse), a rendu possible une pensée de l'archive comme expérience du support ou de la prothèse (hypomnèse)

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La différence des sexes, la sexualité et la mort surviennent, imprévisiblement, dans une graphique du supplément

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Pour parler "scientifiquement" du sexe ou de la mort, les concepts habituels ne suffisent plus

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Le phallique, dans sa différence, a une double valeur : sa pure et propre présence / son fantôme, son spectre, son fétiche

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[Derrida, l'au-delà, le "pas au-delà"]

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Le triomphe de la vie qui triomphe de la vie, c'est que la partie comprend le tout, dans un rapport qui ne se laisse pas arrêter

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La déconstruction est du côté de l'affirmation inconditionnelle de la vie, d'une survie qui soit la vie plus que la vie, la vie la plus intense possible, au-delà de la vie

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En tant que lieu du "droit" à la littérature, un récit met en oeuvre ce qu'il n'a "pas le droit" de raconter : la sur-vie, cet événement impossible

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L'amitié projette au-delà de la vie, elle conditionne la survie de l'autre, par-delà la mort

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Partir sans laisser d'adresse est la bénédiction ultime : laisser l'autre survivre sans la surcharge d'un héritage, sans le poids d'un deuil

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Le calcul derridien, qui se donne pour fin de déjouer le calcul, ne peut se démontrer ni dans les textes, ni dans les institutions académiques : "ça se passe dans la vie"

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[Je présente une vie comme celle d'un autre, alors que c'est de la mienne dont il s'agit : hétéro-bio-graphie]

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[(Moi qui survis, je peux raconter ta mort : Hétéro ou allo-thanato-graphie]

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[Par l'oreille d'un autre, une alliance supplémentaire avec la vie peut se nouer : otobiographie]

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[(CinéAnalyse) : En racontant ma vie, en me racontant par les films : auto-bio-cinémato-graphie]

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[La paralyse freudienne : Auto-hétéro-allo-bio/thanato--graphie]

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[Quand le "je" qui raconte met en jeu, en images ou en récit son propre effacement : autothanatographie]

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Ce qui vaut "plus que la vie même", c'est tisser le mourant-vivant du même fil, c'est faire à l'autre l'avance d'une vie, d'une oeuvre

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La sur-vérité de la sur-vie, c'est qu'il faut la raconter dans la langue de l'autre, que j'invente à chaque instant, pour dire sa cause

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Sauver le génie, métaphore vivante de la mère, de la vie ou de la vie plus que la vie, contre la domination de la culture moyenne, telle est la métaphore en général

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La "vie plus que la vie", c'est prendre sur soi une force trop grande, incapable d'être ruinée par rien, acquiescer à cette Chose : l'"arrestance" d'un autre hymen

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La victoire triomphale de la vie, cette chose terrible, c'est dire "oui, oui, oui" à vie-et-mort, ce "neutre" qui brouille la distinction du vivre et du mourir

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Peut-être la prévalence de la question du deuil dans l'œuvre derridienne est-elle liée au nom de son père, "Aimé Haïm Derrida", dans lequel la vie est inscrite

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L'écriture est un intense rapport à la survivance, non par désir qu'après moi quelque chose reste, mais par jouissance, ici et maintenant, de la vérité du monde en mon absence radicale

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Ecrire sans croire à sa propre survie, c'est écrire pour un présent qui n'est fait que du retour sur soi de cette survie déniée

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L'hospitalité inconditionnelle lève l'immunité qui nous protège contre le tout autre; elle est impossible à vivre et incompatible avec quelque statut que ce soit

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Chose par excellence, impossible, interdite, qui arrive sans arriver, la sur-vie n'aura jamais été présente : telle est sa sur-vérité, son hypertopie

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Le concept de trace est coextensif à l'expérience du vivant en général : dès qu'il y a renvoi à l'autre ou à autre chose, il y a trace

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Pour nommer l'homme, le distinguer des autres vivants, c'est à la notion de "programme" qu'il faut recourir : articulation dans l'histoire de la vie des possibilités de la trace

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Sans accréditer la métapsychologie freudienne, on peut admettre que le vivant est divisible, constitué d'une multiplicité d'instances en tension, de forces et d'intensités différentes

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La différance est le concept ultra-transcendantal de la vie qui permet de penser la vie et qui n'a jamais été inscrit dans aucune langue

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Chaque animal vient à moi comme un vivant irremplaçable qui me regarde nu, répond à son nom d'une existence mortelle, rebelle à tout concept

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La pensée gréco-judéo-chrétienne unit en un même concept, une "logo-zoïe", le logos et la vie du vivant

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Le souverain, cette "prothétatique" monstrueuse qui supplée la nature en y ajoutant un organe artificiel, objective le vivant dans une machine de mort

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On peut faire l'hypothèse d'une autre aimance ou d'une autre politique, au-delà du politique, qui lierait l'affirmation de la vie à la suspension de la possibilité de tuer

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Dans la conception biologique du vivant comme dans l'institution universitaire, des programmes reproduisent l'héritage, orientés vers un logos, une finalité sans sujet

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Il y a du mal à vouloir réduire la vie à l'objet scientifique de la biologie ou de la biographie, car elle ne fait pas face à la mort : avec son désir, elle est partie prenante du champ investi

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A vouloir garder intacte l'opposition traditionnelle de la métaphore et du concept, on s'interdit de rien comprendre à l'histoire de la science, et aussi d'y contribuer

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On ne peut, dans le rapport métaphore-concept, sauver à la fois la téléologie et la coupure épistémologique

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Tout appel à un modèle, sur le mode économique de la comparaison, tend à prendre une forme circulaire où le modèle a pour finalité de devenir le modèle de son modèle

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Les mots "production" ou "reproduction", qui remplacent des termes comme "créer", "engendrer", viennent combler sans les résoudre les vides du discours moderne

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Si le vivant se définit par son auto-reproductibilité, alors il n'a ni modèle, ni finalité, sa logique transforme la logique courante, son concept est à peine concevable

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Comme le montre la question angoissante du clonage, le vrai lieu d'un problème de la raison aujourd'hui, c'est l'itérabilité, la question du propre en général, du corps propre vivant

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[En analysant leur ultime référent, le vivant, comme un texte, la biologie et les sciences humaines altèrent l'axiomatique même qui sous-tend leurs énoncés]

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Au texte des sciences de la vie, commun au vivant et au biologiste qui les énonce, s'attachent des pouvoirs tout à fait singuliers

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Logique de l'obséquence : "Je suis la mère qui survit toujours à ce qu'elle aura engendré"

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L'historien de l'art fait revenir le tableau comme reste ou mémoire d'un mort, comme s'il pouvait faire revivre son légitime propriétaire afin de lui restituer l'oeuvre

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Intouchable à elle-même, livrée aux mains de l'autre, ne pouvant donner lieu qu'à des images ou des fantasmes, Psychè est presque morte

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En tant que survivance de l'oubli, le cinéma témoigne de la "trace sans trace" : l'essence de la trace

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La spécificité des télétechnologies d'aujourd'hui, c'est qu'on garde "vivantes" des choses (voix, visage, geste, regard) pour les reproduire plus tard comme prétendument "vivantes"

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"Shoah", le film de Lanzmann (1985) raconte ce dont on ne revient pas, la mort; en écartant tout document, toute archive, il témoigne de l'essence du cinéma en général

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A partir du spectre, ni vivant ni mort, sur lequel repose de part en part l'expérience cinématographique, une pensée du cinéma est peut-être possible

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A sa mort, Jacques Derrida s'est rendu à lui-même un hommage de silence

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La bénédiction s'arrête quand quelque chose du passé, qui fut perçu comme bon ou mauvais, survit, prolifère et donne au mal un avenir

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Penser l'être comme vie dans la bouche, dans l'unité du père et du fils, c'est le logos

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Ne garder d'une pensée que sa loi de production, c'est la réduire à une grammaire, un théologiciel qui, en cautérisant les plaies et cicatrisant les circoncisions, prive d'avenir

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A la "survivante éternelle", ce blasphème, ce parjure, cette figure du savoir absolu pour laquelle aucune surprise n'est possible, il faut répondre par l'aveu, la demande de pardon

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Parler de l'"écrire" comme "survivre", c'est une apocalypse, et aussi un fantasme maniaque

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