Derrida
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TABLE des MATIERES :

                            NIVEAUX DE SENS :

 DERRIDEX

Index des termes

de l'oeuvre

de Jacques Derrida

Un seul mot - ou un syntagme.

         
   
Derrida, reste, restance                     Derrida, reste, restance
Sources (*) : La pensée derridienne : ce qui s'en restitue               La pensée derridienne : ce qui s'en restitue
Pierre Delain - "Les mots de Jacques Derrida", Ed : Guilgal, 2004-2017, Page créée le 2 décembre 2006 L'oeuvre, sa restance

[Derrida, reste, restance]

L'oeuvre, sa restance Autres renvois :
   

Derrida, une fois, une fois unique

   

Derrida, marque, re-marque

   

Acte de langage, restance

Orlolivre : comment ne pas tenir? Orlolivre : comment ne pas tenir?
                 
                       

1. Itération.

Qu'est-ce que la restance? Disons, pour introduire ce concept (ou quasi-concept) aussi intuitivement que possible, que la restance pourrait être présentée comme ce mouvement qui fait qu'une répétition ou une réitération peut ne pas se reproduire à l'identique. Dans un processus cyclique, tout recommence de la même façon, sans reste. Mais dans une répétition non cyclique, par exemple celle des mots du langage, il est possible que la réitération ne se fasse pas à l'identique [et d'ailleurs c'est ce qui arrive la plupart du temps]. La possibilité du surgissement nouveau tient à ce reste qui échappe à la circularité. On peut rapprocher la restance de la différance (autre quasi-concept), ou encore de la survivance. Dans un cas comme dans l'autre, une productivité active est à l'oeuvre, qu'il est impossible de réduire à des effets de sens, de contenu ou de thème. Des marques (éventuellement orales - mots - ou écrites - lettres, images, traits graphiques) se détachent de leur signifié ou de leur référent d'origine. Coupées de leur contexte initial, il ne reste d'elles que la marque. Ce processus, Jacques Derrida le nomme itérabilité. Dans la structure itérative, l'émetteur comme le destinataire sont structurellement absents (même s'ils peuvent être, en pratique, présents). Quoique réitérée, la marque n'est pas la même. Sa présence n'est pas restaurée à l'identique. Ce qui surgit (re-marque ou graphème) est un reste, dans le contexte d'un nouvel événement.

Voici quelques exemples : un poème, dont un reste (ou un excès) se soustrait toujours à l'interprétation; une bénédiction, qui s'annonce dans l'expérience même d'un reste, dont la réponse n'est jamais assurée; un acte de langage - dont les conditions de succès ou d'échec restent secrètes. On peut citer aussi la musique (ce qui reste, quand l'être se tait), la khôra, qui est une restance infinie. Ou encore : le dessin qui, mettant à mort son modèle, produit sa propre origine comme un reste. On ne jouit de ce reste, on ne ressent du plaisir ou du désir face à un objet, que s'il est aussi le reste de cette origine disparue. C'est ainsi qu'on peut aimer Psychè - le sujet, presque mort, en tant qu'il reste, pour autant qu'il (le sujet) ou elle (Psychè) est un principe de vie - mais ni le moi ni l'objet ne sont substantiels, ils ne "sont" que des traces.

 

2. Quasi-concept.

La restance n'est pas un concept classique. C'est un quasi-concept graphématique, clignotant, pris dans le mouvement même de différance et de déconstruction auquel il renvoie. Elle peut s'énoncer comme une loi selon laquelle, à l'intérieur même du texte, une extériorité laisse un reste inéliminable. Ce reste se dissémine comme une lettre jetée au vent, sans destination ni trajet propre. Le discours tend à le domestiquer, à le sublimer, à le reconduire dans un système, mais il se dérobe.

Freud, qui espérait retrouver une écriture perdue, originelle (celle de l'inconscient), a surtout fabriqué des restes irréductibles, intraduisibles. Il a eu le génie de ne pas reculer devant cet étrange résultat.

Jacques Derrida non plus ne recule pas : il invente un type d'intervention, paléonymique, qui greffe sur d'anciens concepts des restes irréductibles. C'est ce qu'il appelle la déconstruction.

 

3. Ecriture, oeuvre.

Le reste est un autre nom de l'écriture, une autre dénomination de l'hantologie derridienne. Avec l'effacement de la présence de l'être (dont il ne reste, dans de nombreuses langues occidentales, que la copule), c'est la distinction même entre l'originaire et le dérivé qui perd de sa pertinence. Dans l'écriture, tout commence par le vestige.

En peinture, Jacques Derrida donne l'exemple des Vieux Souliers aux lacets, hors d'usage et abandonnés. Ce qui fait retour n'est pas la présence de la chose, c'est cette trace abandonnée que Michael Fried a repérée dans Courses à Longchamp, de Manet. Cette trace ne porte aucune vérité, elle n'est qu'une marque, mais c'est elle qui, singulièrement, fait marcher, "fait oeuvre". C'est aussi elle qui pousse à faire précéder les textes d'une préface. Si une introduction ne servait qu'à présenter un texte, elle ne servirait à rien; c'est autre chose qu'elle introduit, un déchet, un hors-livre qui contribue à défaire le sens obvie du livre.

 

4. Rechimou.

Ce thème peut être rapproché du rechimou cabalistique, une des étapes de la création, quand Dieu vide un point sans le laisser complètement vide. Il faut des restes disparates, dissymétriques, pour que le monde se dissémine. C'est là qu'habitait James Joyce, qui en riait, et c'est dans cette région aussi, dans ce qui reste de judaïsme (de et non pas du), qu'est passé Jacques Derrida, sans s'y arrêter.

 

5. Cendre.

Il arrive qu'il n'y ait presque pas de reste. Que reste-t-il d'un vomi, d'un crachat? D'un pet ou d'un rot? A peine un souffle, une odeur, un reste sans restance, une chose informe dont aucune pensée de l'être, aucune ontologie ne peut s'emparer. Et quand la perte est irréductible, définitive, alors voici la cendre, cette figure de l'anéantissement, sans mémoire ni archive. Même les mots n'en peuvent témoigner.

 

 

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Propositions

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L'origine est produite sur le mode fantasmatique d'un contingent restant

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Toutes les oppositions qui tiennent à la distinction entre l'originaire et le dérivé perdent leur pertinence dès lors que tout commence par le vestige

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La restance n'est ni présente, ni absente; c'est ce qui, dans la structure d'itérabilité, conditionne l'altération de la marque, sa transformation (re-marque) et son surgissement

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La restance n'est pas, stricto sensu, un concept - car le concept de "concept" dépend de la logique déconstruite par "la graphique de la restance"

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Toute marque, fût-elle orale, est un graphème : ce qui reste d'une coupure qui l'a séparée de son référent ou de son signifié d'origine

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L'une des thèses inscrites dans la dissémination, c'est qu'une écriture résiste aux effets de sens, de contenu ou de thème auxquels on tend couramment à la réduire

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On peut considérer la préface d'un livre selon le chiasme : rester comme différance séminale / se laisser réapproprier dans la sublimité du père

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S'"il y a" du moi ou de l'objet, c'est par restance de la trace - au-delà de toute ontologie

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L'effacement de la présence lexicale de l'être en Occident témoigne d'un procès de chute, de destruction ou de perte dont il ne reste que le supplément de copule : "est"

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Les "Vieux souliers aux lacets" de Van Gogh sont un reste, un supplément pur, sans rien à cadrer ni à suppléer : un parergon sans ergon

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Il faut, aujourd'hui, faire son deuil de Psychè - c'est-à-dire du sujet en tant qu'il reste - car elle est expropriée, elle n'est plus un principe de vie

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Freud cherche à déchiffrer une "écriture originelle", mais ne trouve qu'un résidu idiomatique, irréductible, intraduisible, qui porte le poids de l'interprétation

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La structure restante de la lettre, c'est que sans la menace de ne pas arriver à destination, son circuit n'aurait même pas commencé

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Le système du signifiant entretient un effet de cadre, une logique du quart exclu où se dérobe la restance du texte

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[La "restance" d'un acte de langage, ce qui peut le faire réussir ou échouer - reste secrète]

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Dans une oeuvre poétique, un reste ou un excédent irréductible se soustrait à tout rassemblement herméneutique

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Une préface ne se réduit pas à la présentation d'un texte : il en reste quelque chose, hors-livre, un déchet, une tombée qui chute comme une écorce vide

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Par son intervention, la déconstruction greffe sur d'anciens concepts des restes irréductibles à la hiérarchie dominante, qui résistent à l'organisation logocentrique

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"Glas" peut être considéré comme une méditation sur le "reste", cet autre nom de l'écriture, ce quasi-concept d'une ontologie paradoxale et indécidable

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Khôra n'est rien : le lieu d'une restance infinie, d'un immémorial désert dans le désert, impassible, sans visage, tout-autre

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Dans la prière poétique s'annonce l'essence de la bénédiction : en s'adressant à un reste, une cendre, c'est l'expérience de l'incinération de la date, consumée dès le commencement

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La lettre est restante : elle n'a pas de trajet propre et peut toujours manquer à sa destination

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La structure de la peinture est "restante" : ce qui y revient n'est ni une vérité, ni une présence dans la représentation, mais une marque

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Un tableau est "une peinture à l'oeuvre" : il n'est là que pour la peinture, sans autre rattachement que sa restance picturale

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Le dessin est ce qui reste d'une mise à plat, une mise à mort d'un paradigme

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Le dessin met en scène un travail et une jouissance quant au reste

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La "peinture à l'oeuvre", c'est là où, de néant à néant - pariant sur le disparate, sur un reste crypté, secret, idiomatique -, les Souliers font marcher

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La musique est ce qui reste, quand l'être se tait

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La cendre est la figure de l'anéantissement sans reste, ni mémoire, ni archive - qui menace de détruire jusqu'à la possibilité même de témoigner de l'anéantissement

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Les mots sont des spectres : avec eux revient l'origine, et aussi la perte inéluctable de l'origine

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L'ontologie ne peut pas s'emparer du crachat, du rot ou du pet : un reste qui ne reste pas

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Le livre a son origine hors de lui (la restance du hors-livre), et aussi son modèle (la création par le Verbe ou le logos, le Livre de la Nature)

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James Joyce tend à déployer/recombiner la totalité virtuelle des expériences et des cultures; mais cette tentative laisse un reste, un pathos supplémentaire : le rire

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Dans "Courses à Longchamp" de Manet (1864), où le mouvement contraste avec l'immobilité, subsiste une "restance" irréductible, inintelligible

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J'habite ici ce qui reste de judaïsme

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La restance derridienne laisse un reste qui ressemble au rechimou ou aux écorces vides (klipot) de la Cabale lourianique

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