Derrida
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TABLE des MATIERES :

                            NIVEAUX DE SENS :

 DERRIDEX

Index des termes

de l'oeuvre

de Jacques Derrida

Un seul mot - ou un syntagme.

         
   
Derrida, inconditionnalités, principes inconditionnels                     Derrida, inconditionnalités, principes inconditionnels
Sources (*) : La pensée derridienne : ce qui s'en restitue               La pensée derridienne : ce qui s'en restitue
Pierre Delain - "Les mots de Jacques Derrida", Ed : Guilgal, 2004-2017, Page créée le 16 octobre 2014 Orlolivre : S'accommoder, sans accommodation

[Derrida, principes inconditionnels, inconditionnalités]

Orlolivre : S'accommoder, sans accommodation Autres renvois :
   

L'instance éthique

   

Derrida, eschatologie, messianique

   
                 
                       

1. Au commencement.

Le mot "principe" vient du latin principium : commencement, fondement, origine. Ce qui est princeps est ce qui occupe la première place. C'est un point de départ, une source, une première cause, un motif, une notion ou une règle fondamentale. En utilisant ce mot, Derrida met en jeu tous les paradoxes liés aux notions d'origine et de commencement : il est impossible d'y faire retour - car s'il y avait une origine, elle aurait disparu, mais impossible aussi d'ignorer le désir, le fantasme ou la fable du commencement.

Poser la question du principe en tentant de retrouver le primaire, l'origine primordiale, ne peut conduire qu'à une pensée mythique. Freud, par exemple, reconnaît lui-même que sa théorie des pulsions, voire son principe de plaisir ou de réalité, a quelque chose de cet ordre. Même la pulsion de mort est en crise dès l'origine - ce qui n'empêche pas de poser des principes.

 

2. Une affirmation intempestive.

Un principe n'est pas démontrable. C'est une affirmation, un axiome auquel nous avons déjà acquiescé. Son positionnement est paradoxal. D'un côté on ne l'invente pas, il est déjà dans la langue, il l'a toujours été, avant même son énonciation (il est constatif). Mais d'un autre côté, le fait de l'énoncer est un acte de langage, un performatif qui transforme le rapport que nous pouvons avoir à un champ, une expérience, un geste.

Un principe inconditionnel ne dépend d'aucune condition - ni "objective", ni "subjective", ni politique ni juridique - c'est un truisme. Sa validité n'est en aucune façon suspendue à des conditions qui rendraient son effectuation possible. Elle ne se décide pas. Quand elle arrive, elle perturbe l'ordre des causalités. C'est un saut, un passage, une transcendance, une structure étrange, où rien n'est programmé, attendu, qui se présente comme une interruption sans motif, un désordre inexplicable, un supplément qui semble venir de nulle part, une écriture singulière, par exemple celle de Lévinas qui aura, dit Derrida, obligé à penser d'une autre manière l'obligation du "Il faut".

La première mesure d'un principe, c'est qu'il commande de faire l'impossible. Mais comment acquiescer à l'impossible? Il faut aussi demander pardon, avouer l'impossible.

En distinguant les principes inconditionnels de ceux qui ne le seraient pas, Jacques Derrida laisse entendre que ces derniers sont toujours liés à un "Je peux", un principat, c'est-à-dire à la parole d'un souverain prince, un pouvoir. Si le principe est le pouvoir (le pouvoir de commencer), le principe inconditionnel est indissociable d'un geste inouï, exceptionnel, un saut radical.

L'une des différences entre un concept et un principe, c'est que, sans aucune justification, un principe doit être respecté, maintenu en tant que tel. Dans l'idiome derridien, son inconditionnalité est dite pure et infinie. Elle n'est pas le produit d'un raisonnement, d'un calcul, d'une loi, d'un programme ou d'une règle de conduite, mais d'un surgissement, d'un événement. Toute inconditionnalité est intempestive. Elle s'émancipe des enjeux présents et de l'autorité, se soustrait à l'ordre en place. Il y a toujours en elle une dimension de retrait.

 

3. Chaque principe est unique.

On peut dresser plusieurs listes différentes des principes que Jacques Derrida a nommés inconditionnels. En voici une, qui pourrait être remplacée par une autre. On trouverait dans une première série ceux qui s'inscrivent sans trop de difficultés dans le sens commun, car ils ont un pendant conditionnel : l'hospitalité, le don, le pardon, la justice, la responsabilité, la paix, la tolérance, la liberté en général et plus particulièrement la liberté de questionnement avec son lieu privilégié, l'université, le droit à la vie (par opposition à la peine de mort), etc. Un "oui" ou acquiescement originel pourrait s'ajouter à cette liste - car ce "oui" inconditionnel se distingue du "oui" courant, conditionné. A cet inventaire, sans doute contestable dans son accumulation mais dont on trouve de nombreux échos dans les textes derridiens, on peut ajouter une seconde série, moins intuitive, de mouvements ou de processus dont la dynamique a pu être qualifiée (toujours par Derrida) d'inconditionnelle - sans qu'il s'agisse rigoureusement de "principes" : la vie (ou la sur-vie, au-delà ou plus que la vie), la dignité de la personne, la croyance, le scrupule, la retenue, le respect, la force des singularités, l'amitié, le secret, l'ouverture à l'avenir, le génie, l'au-delà du souverain, l'imprévisibilité, le peut-être, la venue de l'autre en général. L'élément commun à cette seconde liste, c'est que : "quand cela arrive, cela arrive inconditionnellement". Et à cela s'ajoute encore, par-dessus le marché (hors liste), le suicide. La mort absolue, définitive, sans qu'il n'en reste aucune trace, n'est-elle pas l'inconditionnalité la plus radicale?

Mais ce n'est pas tout. Même si Derrida ne les a pas explicitement nommés tels, on peut ajouter d'autres principes à ces deux séries. Ce sont (entre autres) : l'avenir démocratique (à ne pas confondre avec la démocratie elle-même, qui est conditionnelle), le droit à l'émancipation, l'affirmation de la philosophie, l'obligation de faire justice aux morts,- ou encore la production d'oeuvres [d'où la définition, tentée par ailleurs, d'un "principe de l'oeuvre"]. Et ce n'est toujours pas tout, car on peut encore ajouter certains concepts irréductibles à leurs conditions de possibilité : l'"avoir lieu", l'"événement" - car tout événement est inconditionnel, le retrait, ou encore certains "quasi-concepts" comme la différance, la dissémination. A l'extrême, de quasi-concept en quasi-concept, on pourrait soutenir que toute la pensée derridienne est contaminée par l'inconditionnalité. Ou encore que tout ce qui vient menacer l'ordre théologico-politique, par exemple la littérature ou la poésie, est inconditionnel.

 

4. Un rapport singulier, unique, avec le tout autre.

On risque, en regroupant ces principes, de produire une théorie, un système. Or l'obligation dont il s'agit ne nait pas d'une loi généralisable, elle tient à un rapport unique entre deux singularités. "Me voici", dit Abraham. Il est prêt à répondre à cette parole-là qui s'adresse à lui, personnellement. C'est cette unicité qui est mise à l'épreuve dans l'obligation inconditionnelle. L'autre y est reconnu comme autre unique, en tant que tout autre est tout autre. Chaque occurrence de chaque principe est unique, chaque événement qui se rapporte à l'un de ces principes est lui-même unique (un don, un pardon, une amitié, une décision, etc.). Il n'y a pas de système des principes.

Dans une alliance inconditionnelle, il y va d'un engagement absolument singulier, sans autre objet, ni contenu, ni sens, que cette alliance. C'est impossible, insupportable, c'est une épreuve, comme celle d'Abraham.

 

5. Un principe princeps, l'hospitalité - infini mais vulnérable.

L'exemple le plus emblématique, dans l'oeuvre derridienne, est le principe d'hospitalité. S'il fallait l'énoncer, on pourrait se limiter à la phrase suivante : Je suis inconditionnellement exposé à la venue de l'autre - et cette phrase pourrait valoir pour tous les principes, elle pourrait être le principe des principes, voire l'éthicité même, le tout et le principe de l'éthique.

a. Quelles que soient les circonstances qui empêchent ou non sa mise en oeuvre, rien ne vient borner ce principe. Si l'invité transforme ma maison, s'il la détruit, s'il m'oblige à changer ma propre identité, s'il fait la loi chez moi, le principe est intenable, mais cela ne l'affecte pas, en tant que principe, il reste irréductible. Bien qu'il soit inapplicable, il transforme ceux qui l'énoncent comme ceux qui le dénoncent, il nous transforme.

b. Ce principe suppose un retrait, un recul, une reconnaissance de faiblesse, de fragilité ou de vulnérabilité. Il n'est pas de l'ordre de la nécessité, mais du peut-être. Son inscription dans le discours ne garantit rien, mais suffit pour que, parfois, quelque chose arrive.

On retrouve ces deux traits, infinité et vulnérabilité, pour tout ce que nous nommons des principes.

 

6. Deux logiques irréconciliables.

Poursuivons sur l'exemple du principe d'hospitalité. Entre une exposition infinie, inconditionnelle, à l'autre - qu'exige le principe, et ce qui peut se faire dans telle ou telle situation (l'ensemble des conditions qui empêchent ou interdisent la mise en oeuvre du principe), l'aporie est irréductible. Et pourtant le principe inconditionnel n'aurait pas été concevable sans l'hospitalité conditionnelle.

Dans chaque cas, il faut distinguer entre le principe et ce qui, sous le même nom, se présente comme un acte concret, effectif. Prenons le cas du don. Chaque jour on fait des dons. C'est un acte réglé, régulé, pris dans des rituels (les visites, les anniversaires), qui suppose un échange, des contreparties, une circulation des devoirs et des dettes. A ce versant conditionnel et conditionné du don s'ajoute et s'oppose un autre versant, une dimension de grâce, de dépense gratuite, un lâcher, un laisser partir, un retrait qui renvoie à un principe inconditionnel. Ainsi en va-t-il pour chacun des principes analysés. Il y a toujours du conditionnel et de l'inconditionnel, une justice fondée sur le droit et la loi et une autre justice que ni le droit ni la loi ne peuvent encadrer; une hospitalité qui observe les traditions, les normes, la culture et la langue de l'hôte et une autre hospitalité qui oblige l'hôte à s'exposer, se transformer. La justice inconditionnelle, comme le pardon inconditionnel ou l'ouverture inconditionnelle à l'avenir, peut sembler folle, insensée, inintelligible, inexplicable. Elle est risquée, dangereuse. Elle surprend, déstabilise, ne promet rien, ni satisfaction ni salut. Ni juridique, ni politique, ni éthique, impossible à vivre, elle est pourtant incontournable car sans elle, il n'y aurait ni justice (au sens courant), ni pardon, ni avenir (dans l'espace-temps de tous les jours).

 

7. Des transactions.

D'un côté, l'inconditionnel ne souffre pas la transaction. Il s'impose comme tel, sans compromis, sans échange ni espoir de réponse, avant toute prise en compte des enjeux personnels, sociaux ou politiques. C'est une réponse à l'autre qui ne parle que l'idiome de l'autre, sans rien devoir à une économie. Mais d'un autre côté, il faut bien négocier, il faut bien traduire le principe en actes, en gestes et dans la langue de la vie courante, celle du conditionnel. De même qu'on ne peut pas traduire sans perte un poème dans la langue courante, on ne peut pas traduire l'inconditionnel dans la langue du conditionnel; et pourtant il faut traduire. Exiger une transaction chaque fois inouïe et impossible, entre le calculable et l'incalculable, c'est la responsabilité de la raison.

Les transactions sont des actes essentiels de la vie sociale. Certaines donnent lieu à des institutions : par exemple l'université, un espace qui légitime à la fois le vieux concept de l'homme et les recherches les plus indépendantes. D'autres se traduisent par des constructions de pensée ou encore par des oeuvres. Une oeuvre est, par principe, inconditionnelle - comme celle de Lévinas. Mais en tant qu'objet fini, limité, il faut bien qu'elle soit conditionnée.

 

8. Inconditionnalité et souveraineté.

Une inconditionnalité se présente comme souveraine, indivisible, absolue. Mais dans le même temps, Cette souveraineté, elle la divise, elle la brise. On ne peut la penser que hors souveraineté. Il faut qu'elle soit porteuse de cette structure particulière du X sans X (souveraineté sans souveraineté, don sans don, etc.) qui gouverne le rapport à l'autre.

On peut comparer ce statut à celui de la raison. Souveraine par principe, elle s'organise en architectonique, en totalité organisée. Sa recherche de la vérité est une tâche infinie, inconditionnelle, transcendantale. Si la souveraineté et l'inconditionnalité gouvernaient sans limite le logos, si leur alliance restait indissociable, les conséquences pourraient être terribles : une pulsion de pouvoir inarrêtable, qui légitimerait la raison du plus fort. A une époque où les forces en mal de souveraineté (le capital, l'Etat-nation indivisible, la domination du père ou de l'époux) font trembler la terre elle-même, il est temps de suspendre le lien qui unit la raison, la pulsion de souveraineté et l'inconditionnel. En privilégiant un autre devenir de la raison, une raison à venir qui déborde la pensée calculante, en pensant rigoureusement, raisonnablement, une altérité incalculable, en s'ouvrant à l'exception, à la singularité et à l'événement, on peut faire venir d'autres transactions. Tel est le choix du questionnement critique, inconditionnel, de la déconstruction, que Derrida qualifie d'hyper-rationnel - car il pousse la raison au-delà d'elle-même.

Un événement digne de ce nom ne se prévoit pas. Il s'annonce sans s'annoncer, impossible, imprésentable, monstrueux, sans cause. Il est, par structure, inconditionné. Dans l'éthique ou hyper-éthique "derridienne", la responsabilité est pensée comme inconditionnée. On ne peut sauver l'honneur de la raison que si la décision ne résulte ni d'une tâche, ni d'un devoir, ni d'un savoir, ni d'un calcul. Cela ne veut pas dire qu'on puisse se passer du savoir pour prendre une décision, cela veut dire qu'au moment de la décision, il faut se détacher du savoir. Une décision exige un saut, une discontinuité. C'est l'exercice d'une liberté passive, ouverte à l'autre, à l'inattendu, sans souveraineté ni autonomie. En général, une décision conduit à une négociation, une transaction. L'honneur de la raison exige que cette transaction soit juste, c'est-à-dire soumise à des maximes de transaction qui excèdent le rationnel en préférant la justice. Il faut saluer la différence fragile entre l'invention singulière, unique, d'un compromis, et la raison calculante.

 

9. Une archi-éthique, sans règle ni loi.

Les inconditionnalités de Jacques Derrida et l'éthique d'Emmanuel Lévinas se recoupent et s'entrelacent. Il y a entre elles une relation qu'on pourrait qualifier de stricturale. D'un côté, dans le vocabulaire derridien, on pourrait dire que la façon dont Lévinas définit l'Œuvre avec une majuscule rend compte de l'inconditionnalité comme telle. D'un autre côté, ces inconditionnalités transforment le concept "éthique" - voire l'instance éthique, en-deça et au-delà de toute politique et de tout droit. Il en résulte non pas une morale constituée, mais une archi-éthique qui déborde toute règle de vie, voire toute loi, qui disloque tout contrat, endettement ou circularité. Enoncée par des spectres - avec leurs voix multiples et leurs injonctions -, cette archi-éthique ne semble pas s'adresser à des êtres vivants. L'autre n'y est pas considéré comme un semblable, mais comme un tout autre. Elle nous met en jeu au point qui touche le plus intimement à notre propre identité. Et pourtant, il nous est impossible de ne pas l'entendre. C'est une exigence, un devoir, le devoir même.

Les concepts inconditionnels comme don, pardon, hospitalité, renvoient à un lieu introuvable, irréductible, indéconstructible, qu'on peut aussi nommer "autre", "étranger" ou "extériorité", le lieu du juste, de la démocratie à venir, de l'au-delà du souverain, d'un avenir inouï, radicalement insu. Ce lieu d'archi-inconditionnalité ne se manifeste jamais comme tel, à l'instar de ce que Derrida nommait au début de son oeuvre l'"archi-écriture". Une archi-éthique (s'il y en a) serait liée à un impératif catégorique : laisser venir ce lieu.

 

10. Au-delà, et au-delà de l'au-delà.

J'affirme, dit Derrida, qu'au-delà de l'économie du possible, au-delà du symbolisable, une anéconomie absolument impossible à anticiper peut être pensée : c'est l'au-delà de l'au-delà. On ne peut pas l'expérimenter directement, mais on peut l'invoquer par une ordalie, sur une autre scène, indéchiffrable et secrète. Ce lieu est une folie, mais une folie déjà inscrite dans la langue, une folie rigoureusement analysable si ce n'est démontrable par l'analyse de figures inconditionnelles qu'on peut nommer, dont on peut faire la liste.

Et j'affirme aussi, dit toujours Derrida, qu'il faut endurer l'aporie. C'est un constat, une affirmation, et c'est aussi un aveu, une confession. Il n'y a ni responsabilité, ni liberté, ni décision, ni éthique, ni principe, sans aporie. Certes elle n'advient jamais comme telle, elle est impossible, et c'est ainsi, comme possibilité de l'impossible, qu'il aura toujours fallu, déjà, l'endurer. Sans la possibilité de s'adresser au tout autre qui brouille toutes frontières et limites, il y aurait danger de mal radical. Il faut donc penser l'aporie, cet au-delà inconditionnel de la pulsion de mort, de la cruauté, de la souveraineté.

Cette focalisation irréductible, démontrable mais soustraite à toute discussion, sur des principes inconditionnels qu'on peut aussi interpréter comme des commandements, cela n'atteste-t-il pas, chez Derrida, d'une croyance messianique? Le seul dieu qui puisse nous sauver, dit-il pour se dissocier de Heidegger, serait détaché du pouvoir, sans souveraineté. On ne pourrait ni l'appeler, ni invoquer sa puissance, mais il serait toujours possible de le saluer. Ce serait un dieu fragile, divisible, voire mortel, qui déconstruirait jusqu'à son ipséité. Il aura fallu une longue tradition, grecque et juive, qui remonte à Platon (Khôra) et aux sources abrahamiques, pour en appeler aujourd'hui, inconditionnellement, à l'ouverture à l'avenir ou à l'exigence d'une responsabilité infinie. Pour s'adresser à l'autre comme tel, on peut difficilement se passer de mots connotés du côté de la foi, comme pardon ou grâce. Jacques Derrida acquiesce à cet héritage. Mais la messianicité sans contenu, sans messianisme, pour laquelle il lui arrive peut-être de prier, se dissocie aussi de cet héritage.

 

 

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Propositions

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Aucun pouvoir ne saura jamais justifier en raison le questionnement critique, hyperrationnel, inconditionnel, de la déconstruction

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Axiome de la justice : elle est inconditionnelle et indémontrable, elle engage au-delà du droit, de la norme, du temps

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"Répondre à l'autre", c'est l'acquiescement le plus originel, le plus fondamental, et aussi le plus inconditionnel

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L'hospitalité inconditionnelle n'est ni juridique, ni politique, ni éthique : elle est transcendante et ne dépend même pas d'une décision

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L'hospitalité inconditionnelle lève l'immunité qui nous protège contre le tout autre; elle est impossible à vivre et incompatible avec quelque statut que ce soit

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Le pardon inconditionnel est fou : c'est une surprise, une révolution, un événement hétérogène à la politique et au droit, une éthique au-delà de l'éthique

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Pour qu'arrive un pardon effectif, concret, il faut que reste irréductible l'idée d'un pardon pur, inconditionnel, dépourvu de sens, de finalité et d'intelligibilité

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Le plus intempestif aujourd'hui, l'inconditionnel, c'est ce qui permet de se soustraire à l'espace de l'autorité théologico-politique

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Les deux hospitalités sont hétérogènes et indissociables : conditionnelle, car il faut bien déterminer ce qu'on donne; inconditionnelle, car sans elle, on ne donnerait rien

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L'hospitalité inconditionnelle (visitation sans invitation) est un principe à maintenir; ce n'est pas un concept politique ou juridique

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Entre un pardon effectif, qui suppose quelque pouvoir souverain, et un pardon digne de ce nom, inconditionnel, sans pouvoir ni souveraineté, l'aporie est irréductible

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On ne peut penser les inconditionnalités (hospitalité, don, liberté d'engendrer des oeuvres) que hors souveraineté; mais la souveraineté se donne comme absolue, indivisible, inconditionnelle

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"Il faut" que le moment et la structure du "Il faut", de la décision responsable, reste hétérogène au savoir

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[Derrida, l'événement]

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[Derrida, le juste, la justice]

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[Derrida, le secret]

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[Derrida, l'aporie]

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[Derrida, l'hospitalité]

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[Derrida, le don]

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[Derrida, responsabilité(s)]

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[Derrida, le pardon]

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[Derrida, aimance, amour, amitié]

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[Derrida, liberté, libertés]

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L'université moderne, qui fait profession de vérité, doit par principe se voir attribuer une liberté inconditionnelle de questionnement, de proposition et de déconstruction

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Le motif de l'amitié fraternelle, souveraine, inconditionnelle, exceptionnelle et indivisible, se retrouve avec ses paradoxes dans toute la tradition gréco-chrétienne

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L'amitié n'est pas réductible à ses conditions de possibilité : elle a lieu, c'est un événement

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L'ami-citoyen, raisonnable et vertueux, est partagé entre la loi de l'amitié, qui commande un secret inconditionnel, et la loi de la cité, qui unit dans la conjuration du secret politique

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En déconstruisant le schème généalogique de la démocratie, on réaffirme la force inconditionnelle qui, ici et maintenant, prend en compte les singularités anonymes et irréductibles

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La dignité incalculable, dont le seul exemple chez Kant est la personne humaine - à la fois fin en soi, universelle et exceptionnelle - reste l'axiomatique des discours des droits de l'homme

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La déconstruction est du côté de l'affirmation inconditionnelle de la vie, d'une survie qui soit la vie plus que la vie, la vie la plus intense possible, au-delà de la vie

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Une vie qui vaille d'être vécue, une vie plus que la vie, c'est une vie qui s'affirme inconditionnellement, sans rien devoir à une économie, pas même celle de la vie

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Le mot "oui" a toujours la forme, le sens et la fonction d'une réponse; cette réponse a parfois, peut-être, la portée d'un engagement originaire et inconditionnel

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Le miracle ordinaire, c'est l'acquiescement au "Crois-moi!" de l'autre - inconditionnellement, sans confirmation, ni garantie, ni preuve, ni accès à son for intérieur

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Par sa structure même, un événement est inconditionné : nulle part il n'est possible "comme tel", il doit s'annoncer "comme" impossible, imprésentable, monstrueux

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Quand le génie a lieu, c'est trop tard pour en décider; l'oeuvre aurait pu être liée autrement, mais c'est ainsi qu'elle l'aura été, inconditionnellement

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Dès que j'entre en rapport avec l'autre absolu, unique, ma singularité entre en rapport avec la sienne sur le mode de l'obligation inconditionnelle, du devoir

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"Me voici", moment originaire de la responsabilité, répond à une demande, une imploration qui exige l'amour inconditionnel de l'unique

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"Avouer - l'impossible", c'est peut-être la seule mesure du "Il faut", la seule définition du commandement

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Il faut négocier et inventer un compromis au nom d'un inconditionnel qui ne souffre pas la transaction - c'est la difficulté

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La responsabilité de la raison, c'est d'exiger une transaction chaque fois inouïe et impossible entre ses deux sources : conditionnel / inconditionnel, calculable / incalculable

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L'hospitalité infinie, inconditionnelle, c'est l'éthicité même, le tout et le principe de l'éthique

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La tâche de tout citoyen, c'est de prendre en compte la discontinuité radicale entre un savoir sur les pulsions de mort et de cruauté, et un saut dans l'éthique, le droit ou la politique

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[Derrida, l'éthique]

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L'impératif inconditionnel de toute négociation serait de laisser ouverte la possibilité de l'avenir

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A la hauteur de l'éthicité, d'une exigence déconstructrice qu'on peut interpréter comme "le devoir même", le discours éthique n'est pas tenable comme tel

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Il faut penser une hyper-éthique, une hyper-politique où une liberté passive, sans autonomie, se porte inconditionnellement au-delà du cercle économique du devoir ou de la tâche

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[L'œuvre d'Emmanuel Lévinas "aura obligé" Jacques Derrida à mettre en oeuvre, par son Oeuvre, l'inconditionnalité comme telle]

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Une oeuvre, il ne faut rien lui rendre, il faut la lire sans dette, sans faute, au-delà de toute restitution possible, dans l'ingratitude absolue

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Ce qui aura fait oeuvre dans l'oeuvre d'Emmanuel Lévinas, c'est qu'"Il aura obligé" à penser une autre manière de penser l'obligation du "Il faut", une autre manière de penser l'oeuvre

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C'est en laissant faire la stricture que l'écriture de Levinas aura fait son oeuvre : une obligation qui oblige

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D'où tire-t-on l'axiome : "Il faut continuer à vivre", "Il faut survivre"? De la structure itérative, inachevable, inarrêtable, du procès de nomination, traduction, écriture

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Une oeuvre se donne et se rend au-delà de l'échange, en supplément, par-dessus le marché, comme on rend la justice

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La responsabilité commence avec la renonciation à tout échange, tout sens et toute propriété - sans espoir de réponse, de communication, ni de promesse

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L'oeuvre d'E.L. aura donné à penser une Oeuvre qui, avant même ce qu'elle en aura dit, aura obligé à une dislocation absolue de tout contrat, endettement ou circularité

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Un "principe" se manifeste comme une tendance générale qui ne cesse de parler; les obstacles qui l'empêchent de s'accomplir ne font que le confirmer

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Par habilitation d'un "Je peux", une pulsion de pouvoir annonce et organise, en-deça et au-delà de tout principe ou pouvoir institué, l'ordre symbolique

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Ce qui arrive au-delà du performatif, c'est une inconditionnalité faible, fragile, vulnérable, sans pouvoir, qui contraste avec la force d'une souveraineté indivisible

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Il faut soustraire la démocratie, seul système qui accueille en lui-même, dans son concept, l'auto-immunité, l'autocritique et la perfectibilité, à toute onto-théo-téléologie

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La pure hospitalité (accueil sans condition), c'est accepter que l'autre fasse loi chez moi

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Une amitié inconditionnelle, indivisible, serait gouvernée par un échange sans mesure ni réciprocité, un don sans don

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D'elle-même et en elle-même, la philosophie ne se connaît aucune limite : elle doit affirmer de l'inconditionnel, de l'intraitable, du non-négociable

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[Il n'est d'avenir démocratique que pour un souverain (le peuple) inconditionné, indéterminé, hétérogène, ouvert]

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[Il faut penser un "autre" concept de tolérance, un principe fondé sur l'hétérogénéité irréductible de l'autre]

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La non-violence absolue dont Derrida dénonce, en 1963, l'impossibilité, fera retour plus tard dans son oeuvre comme don ou hospitalité inconditionnels

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Partir sans laisser d'adresse est la bénédiction ultime : laisser l'autre survivre sans la surcharge d'un héritage, sans le poids d'un deuil

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Tous les rationalismes sont souverains : leur moment inaugural est un pouvoir de connaître qui s'accorde, par principe, inconditionnellement, au-delà de l'être, à l'idée de Bien

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Du point de vue de la raison calculatrice, l'alliance entre exigence de souveraineté et exigence inconditionnelle de l'inconditionné paraît indissociable, irréductible, absolue

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Dans le telos européen, un mal transcendantal est inscrit : la tâche infinie, inconditionnelle, de faire de la raison une totalité organisée, contrevient à l'effectivité des savoirs

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Dans l'idéalisme transcendantal de la raison (Kant, Husserl), l'association essentielle entre vérité et inconditionnalité atteste que l'inconditionnalité est la vérité de la vérité

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Il n'y a pas "la" souveraineté, mais des formes de souveraineté qui entament et déconstruisent déjà le concept pur de souveraineté, indivisible et inconditionnel

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Quand arrive l'autre scène, indéchiffrable, elle excède tout énoncé performatif, tout principe de plaisir et de réalité, toute pulsion de pouvoir et peut-être toute pulsion de mort

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L'à-venir de la raison ne peut se penser que comme événement, exception, singularité absolue, inconditionnalité incalculable, non réappropriable par un pouvoir souverain

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Une assurance qui détruirait d'avance la possibilité de s'adresser à l'autre comme tel, ce serait le mal radical; c'est ce sur quoi, avant tout, on ne désire ni ne doit pas vouloir compter

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Sans la possibilité du mal radical, du parjure et du crime absolu, aucune responsabilité, aucune liberté, aucune décision

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Il faut endurer l'aporie : c'est la loi de toutes les décisions; mais jamais l'aporie ne peut être endurée "comme telle"

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Les figures de l'inconditionnalité s'affirment à partir d'un "au-delà de l'au-delà" des pulsions et principes freudiens : de plaisir, de réalité, de mort et aussi de pouvoir souverain

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L'oeuvre promet la rédemption; elle accomplit son oeuvre d'oeuvre par grâce, quasi machinalement, sans travail de l'auteur ni assistance vivante du signataire

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Il faut, pour sauver l'honneur de la raison, inventer des "maximes de transaction" : préférer la justesse du raisonnable, saluer sa différence fragile avec la raison calculante

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Il faut saluer le seul dieu qui puisse encore nous sauver, un dieu sans souveraineté

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Sous le nom de Dieu, on peut donner à penser une non-souveraineté vulnérable, souffrante, divisible, mortelle, qui se déconstruit jusque dans son ipséité

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Penser un Dieu vulnérable, retiré, détaché du pouvoir, cela implique de dissocier l'inconditionnalité de la souveraineté

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Avec l'épreuve d'Abraham, il y va de l'engagement à rester fidèle à une alliance inconditionnellement singulière, sans autre objet, ni contenu, ni sens, que cette alliance

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Une affirmation inconditionnelle et ineffaçable, soustraite à toute discussion, rend la judéité absolument unique : "Être juif, c'est être ouvert à l'avenir"

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Dans la tradition juive, l'"élection" est une techouva inconditionnelle : "Je déclare devoir faire l'impossible pour une responsabilité sans fin"

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Le messianique, ou messianité sans messianisme, est une structure irréductible, une expérience de la croyance qui fonde tout rapport à l'autre dans le témoignage

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Le messianique en général (sans contenu) est la structure formelle, indéconstructible, de la promesse émancipatoire, qui conditionne un autre concept du politique et de la démocratie

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