Pourquoi Abraham doit-il absolument garder le secret de son alliance avec Dieu dans son rapport avec ses proches? Pourquoi cette obligation n'est-elle pas seulement circonstancielle mais fondamentale, essentielle, un axiome absolu? Dieu ne s'adresse qu'à Abraham, et celui-ci répond : Me voici. Dans ce face-à-face entre deux singularités, le monde ne compte plus. Abraham est mis à nu, comme Noé l'a été peu après la conclusion de son alliance. S'il garde le silence, ce n'est pas pour cacher quelque chose. Il n'est pas pris dans une problématique de savoir, mais dans un engagement exclusif. Ce qui se passe entre lui et Dieu ne peut pas être dit avec les mots du langage courant. L'essentiel n'est pas la mise à mort de son fils, aussi horrible soit-elle, mais l'appel de Dieu, qui met en suspens les significations usuelles du discours. Abraham répond dans l'amour, dans la folie. Il jure qu'il ne rompra pas cette relation qui n'a pour lui aucun contenu, aucun sens, aucun précédent. L'héritage de cette alliance qui viendra après lui, son testament, sa descendance, œuvres et littérature comprises, prolongeront cette alliance - mais sa pureté restera unique, singulière.