Derrida
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TABLE des MATIERES :

                            NIVEAUX DE SENS :

 DERRIDEX

Index des termes

de l'oeuvre

de Jacques Derrida

Un seul mot - ou un syntagme.

         
   
Derrida, le nom                     Derrida, le nom
Sources (*) : La pensée derridienne : ce qui s'en restitue               La pensée derridienne : ce qui s'en restitue
Pierre Delain - "Les mots de Jacques Derrida", Ed : Guilgal, 2004-2017, Orlolivre : comment ne pas babéliser?

[Derrida, le nom, la nomination]

Orlolivre : comment ne pas babéliser? Autres renvois :
   

Derrida, date et signature

   

Derrida, marque, remarque

   

Derrida, écriture et archi-écriture

Derrida, l'innommable

                 
                       

1. Archi-inscription, archi-violence.

Dans le système de la langue, un nom associe un signifiant à un référent, une lettre à un sens. L'association semble aléatoire et arbitraire. En linguistique, on appelle conventionnel ce rapport dont on se souvient en faisant jouer la mémoire, en s'en rappelant par coeur. Mais on peut présenter les choses autrement. La question du nom dit "propre" est celle de l'unique, de l'irremplaçable, de l'irréductible. Comment inscrire les choses singulières, comment les stabiliser dans une structure, dans un système d'écriture et de pensée? Jacques Derrida suppose qu'au "premier matin du langage", une inscription originelle ou archi-originelle a eu lieu. Il la nomme archi-écriture. Avant même que le système ne s'instaure, en une seule fois, une violence s'inscrit dans le nom. Par ce geste, cet événement, le langage efface cela même qu'il désigne : la chose, le référent unique. D'un seul coup, en s'écrivant, ce qui est propre et présent à soi est détruit. Cet effacement originaire laisse d'un côté une trace, le "graphein" - trait, pictogramme, idéogramme, phonème -, et d'un autre côté ce qui reste secret, innommé, dans sa singularité absolue. C'est un arraisonnement, une appropriation violente et aussi un don généreux, inaugural. L'acte de langage réduit en cendres l'événement même qu'il commémore. Lorsqu'on énonce une date, on recourt au même mode de nomination. La date est un nom qui, associée à une signature, garde la mémoire de ce qu'il efface.

On peut oublier cette exappropriation originelle - c'est le cas le plus général. Mais on peut aussi la vivre autrement : en tant que généalogie, origine de la communauté ou de la famille, ou bien à l'inverse, comme dans le cas d'Artaud, on peut la vivre comme un scandale insupportable, un vol.

 

2. Le pouvoir souverain de nommer.

Dans le second récit de la Genèse, Dieu charge l'homme de nommer les animaux. En lui déléguant (et à lui seul) le pouvoir de nommer, en lui abandonnant ce pouvoir, en libérant en lui le langage, il en fait le dépositaire de cette violence toute autre, souveraine, qui ne se justifie que par elle-même. Avant même la chute et l'émergence de la culpabilité, ce don légitime la logique sacrificielle, la croyance en une supériorité qui rendrait l'humain ontologiquement différent des animaux. Nommer, c'est entrer dans une logique d'échange, c'est sacrifier du vivant à Dieu. Mais l'animal lui-même n'est pas impliqué dans cette logique. Il ne répond à son nom qu'en renvoyant son existence unique, irremplaçable, rebelle à tout concept. Ainsi se met en place la structure coloniale de toute culture. Nommer, c'est imposer une langue.

Tout langage est hanté par le pouvoir de nommer. C'est un spectre sacré, transcendant et plus puissant que nous. S'il n'y avait pas de nom, la langue ne serait rien, il n'y aurait pas de revenance en elle, elle n'aurait pas de contact avec le monde.

Les noms hantent nos phrases, mais le nom de nom, nous ne le voyons pas, nous ne le connaissons pas, c'est l'abîme, la place de la langue sacrée indissociable du nom de Dieu, ce nom qui dans certaines traditions serait fait uniquement de noms singuliers. La langue courante, séculaire, garde toujours quelque chose de la langue sacrée. Elle se méfie à juste titre du pouvoir qui la fait sur-vivre. En renouvelant la langue, en laissant venir d'autres contenus imprévisibles et incontrôlés, la prolifération des noms peut favoriser l'invention mais aussi conduire à une perte de maîtrise, à une catastrophe, au mal radical. Il vaut mieux la refouler, limiter dans la langue le pouvoir des noms.

Dans le récit biblique de la Tour, par un seul coup de nom propre (Babel!), Dieu interdit aux humains l'usage de l'unique langue en lien direct avec la nomination (la langue sacrée). Il instaure un contrat qui passe par la multiplicité des langues. Désormais, il faut traduire. Il y aura toujours une dette à l'égard de l'autre langue où ce qui est à traduire, inaccessible, reste caché. Grâce à l'affinité entre les langues, la traduction sera possible, mais à cause de l'écart irréductible qui les sépare, l'intraduisible sera préservé, on ne pourra que le lire et le déchiffrer. C'est ce qui arrive à chaque événement de nom propre, qu'il soit littéraire, poétique ou simplement textuel : ça sacralise, ça produit du texte sacré.

Pourquoi fallait-il que ce soit Dieu qui délègue à l'homme le pouvoir de nommer? Pourquoi ce pouvoir n'appartient-il pas directement à l'humain? Sans un témoin, une ultime instance qui garantit ce qui doit être, la légitimité du coup de force n'est pas assurée. Celui qui signe de son nom doit produire en même temps la contresignature qui le légitime. Ce témoin, on peut l'appeler, on peut le nommer la Nature, le Juge suprême, la Divine Providence. Le "nommé de ce nom" (Dieu), absent ou inexistant, quoique imprononçable ou innommable, peut seul nommer à son tour une nation et conclure avec elle une alliance qui la chargera d'une mission exemplaire, irremplaçable, singulière.

 

3. Le nom comme sépulture.

Signer, ce n'est pas seulement écrire son nom. C'est se désigner, s'authentifier. Chaque fois, par cet événement unique, je me donne à moi-même un nom, une naissance et une mort. Mais en faisant acte ou archive, je laisse disparaître sous mon nom, en mon nom, un secret.

Le nom garantit l'identité et l'unité de la chose (un objet, un texte, une personne). Il est comme un titre qui fait respecter ses limites, son intangibilité. Mais cette chose, dont le nom assure la garde (le porteur du nom), ne peut plus répondre. Contaminée par une extériorité indisponible, elle est irréductible à ce qui est désigné par son nom. Elle résiste contre ce nom qui l'a enterrée et viole sa sépulture.

Si je prononce le nom d'un mort, je pense à lui, je l'appelle, je l'invoque, je désigne une pensée qui dépasse la simple mémoire. C'est une expérience de désir, une hallucination, un acte magique, énigmatique, qui dépasse le pouvoir de rappeler des images ou des signes du passé et joue de la structure même du langage. Dès le vivant du mort, je commence à me passer de lui. Dès que je prononce son nom, celui-ci porte sa mort. Rien ne revient jamais à du vivant, au porteur du nom - tout ce qui revient revient seulement au nom.

Le nom défie le discours, il agit mystérieusement. D'un côté, c'est la structure même de la survivance testamentaire; et d'un autre côté, chaque nom est arraisonné par une histoire déterminée, un héritage, une renommée.

 

4. Perte du nom, sans-nom.

Une oeuvre signée se fait gardienne d'un nom, mais elle est aussi le glas de ce nom. Elle le dissémine et l'encrypte, l'efface, le met au tombeau. Le jetant la fois dehors et dedans, elle joue de l'ambiguité de tout bord (ou parergon). Faire oeuvre, pour Derrida lui-même, c'est mettre en pièces son nom ainsi que son corps, son corpus et son seing. C'est laisser venir l'autre signature, plus puissante, plus vieille, la signature d'un autre ou d'une autre qui se dissimule derrière le nom entier.

Il faut, pour répondre à l'appel de l'autre, pour dire "oui" au "viens" qu'il énonce ou qu'il cite, laisser se perdre son nom - son propre nom, mais aussi celui de l'autre. Ainsi, pour répondre à Blanchot, Derrida se met-il en quête des traces de ce nom dans la langue, de ses semences dispersées. Comment l'accueillir sans en faire un monument? Comment laisser venir le sans-nom, sans imposer violemment un autre nom? Orphelins, affectés par l'absence de nom, nous cherchons dans l'oeuvre un nom nouveau, inconnu, qui ne remplacera pas le nom perdu. Blanchot lui-même signe en cachant sa signature dans le sans-nom, le pas-de-nom, l'oubli du nom. Depuis la place ainsi marquée du retrait, en-deça de toute détermination ou identification, il appelle en secret ce qui reste silencieux (elle, la différence sexuelle). Il espère se soustraire au pacte, s'extraire de l'échange et de la dette. Mais l'oubli de l'oubli ne laisse pas en paix. En hurlant, en criant son nom, il vomit ce poison.

 

5. L'héritage du nom, l'autre nom.

Recevoir l'héritage du nom, exige à la fois fidélité et infidélité. Fidélité par la reprise du patronyme, la filiation qui implique une langue, un lieu, une mémoire. Quand on donne un nom, on enchaîne l'autre, on le lie, on l'asservit, on l'engage. On lui prescrit une alliance qu'il ne peut pas refuser. On l'appelle à répondre de ce nom qui ne lui appartient pas. Infidélité quand ce nom dit "propre" est interprété, travaillé. Un nom ne peut être reçu, ou accueilli, que par une singularité. Il ne se transmet que de singularité à singularité, en fonction du contexte, du nom du mort certes, mais aussi de celui de l'héritier (prénom, surnom). Le nom de l'héritier n'est pas écrit à l'avance, il reste à découvrir, au-delà même du nom patronymique.

Comme dans la maladie du deuil décrite par Abraham et Torok, il arrive qu'il y ait en nous un nom avant le nom, un "pré-nom" secret qui travaille l'organisation psychique et réponde en nous sans que nous en ayons connaissance. Il peut même y en avoir plus d'un, plusieurs qui s'ajoutent, s'accumulent ou s'effacent tout au long de notre vie. Il arrive que l'autre s'adresse à nous par ces noms qu'il devine d'un mot, d'un geste ou d'un signe. Ces noms propres peuvent être détournés, transformés, décomposés, contaminés par d'autres mots ou noms communs. Plus d'un nom propre est gardé secret, encrypté, enfoui au sein du moi, associé à des scènes oubliées (inceste, trauma ou jouissance interdite). Ces noms exclus du système de la langue se transforment par la lecture (qui peut être, par exemple, celle de Glas), par l'écriture. Ils peuvent prendre une tout autre forme : phrase, son, emblème ou dessin. Le chemin qui conduit vers ces autres signatures ne peut pas être connu avant d'être produit.

 

6. Un nom qui promet.

La remémoration du nom implique un effacement du "je", une ellipse de l'intériorité. Elle exproprie, elle projette vers l'avenir. Par le sens qu'il porte, le nom promet le vrai, il ouvre l'imagination. Il peut toujours être investi ou réinvesti par la sémantique ou la phonétique. Souvent, dans ses analyses, Jacques Derrida joue de cette dimension du nom. Exemples : Jean Genet (le genêt, la syllabe "GL" et autres syllabes associées), Simon Hantaï (hanté par son nom, par l'entaille), Francis Ponge (qui est aussi éponge, pierre ponce, ainsi que franchise, fraîcheur), Dieu-Babel qui est aussi balal (confusion), etc.... Jouer de ces associations, en jouir, c'est sortir du manège courant de la langue, mais c'est aussi reconnnaître un effet de nom propre. Chacun peut le faire, y compris le scripteur, quand il fait observer que le nom Derrida redouble (non sans en rire) le "d" et le "r".

S'ils sont aussi des noms, des "justes noms", certains mots sont porteurs d'une promesse. Par exemple : amitié, démocratie, oeuvre. L'un porte la singularité irremplaçable, l'autre la justice, l'autre encore un "peut-être" sans contenu déterminé, mais dans un cas comme dans l'autre, la connotation de respect et de fidélité ouvre l'avenir. Comme le visage de Lévinas, il promet un accord, inouï mais jamais assuré, entre le fini et l'infini.

 

7. Le nom du rien.

Il arrive aussi que le nom qui fait irruption soit inapte à nommer. Il nomme, mais ce n'est jamais d'un nom juste. Ainsi en est-il de khôra, ce nom qui résiste aux opérations du discours, ne désigne rien, ne donne lieu à rien, n'a ni sens, ni référent. En nommant l'abyme, l'espacement ouvert entre les mots, il dit plus et autre chose que le nom : il dit le lieu, anachronique, où recevoir les noms, sans qu'ils aient été donnés. Ce lieu de l'ingratitude, c'est celui auquel Derrida renvoie dans son Essai sur le nom. Quand les penseurs de la théologie négative donnent un nom à Dieu, le nom donné n'appartient ni à celui qui donne, ni à celui qui reçoit. Ce Dieu qui n'a ni qualité, ni détermination, ce Dieu qui n'est rien, n'a pas à répondre de ce don. Peut-être en est-il ainsi du récit de Babel où Dieu clame son nom (Confusion), qui est aussi le lieu d'un texte sacré inaccessible : le nom propre de tous les noms propres, intraduisible comme tel mais qui exige d'être traduit, lu, interprété. C'est le nom d'un rien, d'une clameur, d'un acte de langage, d'un Je me déconstruis irréductible, d'une violence divine qui oblige à la pluralité des langues.

 

 

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Propositions

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Penser l'unique dans le système, l'y inscrire, tel est le geste de l'archi-écriture

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La marque ne va jamais sans son redoublement : re-marque qui répète le premier mot, le signe et le nomme

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Par essence une signature est toujours datée, et l'inscription d'une date ne va jamais sans une espèce de signature

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Dans la crypte, plus d'un nom propre est tenu secret; des mots idiomatiques qui n'appartiennent pas au système de la langue interdisent de signer d'une seule identité

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La signature du nom propre entier peut dissimuler une autre signature, plus puissante, plus vieille, la signature d'un autre ou d'une autre

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La date partage avec le nom sa destinée de cendre : elle efface cela même qu'elle désigne

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Nommer est un don généreux, inaugural, mais c'est aussi arraisonner, identifier, s'approprier violemment ce qu'on nomme

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Donner le nom, c'est encore sacrifier du vivant à Dieu

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Artaud dit la vérité contre laquelle il proteste avec violence : tout moi, en son nom propre, est appelé à l'expropriation familiale du nouveau-né

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"Rien ne revient jamais à du vivant", au porteur du nom : tout nom est un nom de mort, et tout ce qui revient revient seulement au nom

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On ne peut séparer le nom et la mémoire, car le nom est toujours "en mémoire de", il survit d'avance à ce dont il garde la mémoire

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Le nom, qui est la structure même de la survivance testamentaire, est arraisonné par une histoire, un héritage, une renommée

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En signant, je me donne à moi-même mon nom : c'est un vol par lequel je viole la sépulture où la signature est gardée

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Quoique pris dans la présence à soi du logos, le nom propre renvoie toujours à une figuration, une inscription idéogrammatique irréductible à la différence phonétique

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Ami ou ennemi, c'est le même respect pour le nom, la même fidélité à la singularité irremplaçable

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Un titre est le nom propre d'une oeuvre ou d'un texte qui, en étant dedans et dehors, garantit conventionnellement son identité

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C'est toujours l'autre qui signe, le tout autre - cette violence divine qui a donné à l'homme seul le pouvoir de nommer

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Tout langage est hanté par un spectre sacré : le pouvoir de nommer, et nous fait vivre au-dessus d'un abîme : le nom de nom, transcendant et plus puissant que nous

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Le monolinguisme de l'autre, c'est d'abord le pouvoir souverain de nommer, qui témoigne de la structure coloniale de toute culture

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Le nom propre agit mystérieusement, sa force défie le discours

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[Une langue qui garderait le pouvoir de nommer - langue sacrée ou fantasme de langue maternelle - pourrait précipiter dans l'abîme : folie, catastrophe, apocalypse, mal radical]

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Une langue sacrée faite uniquement de noms singuliers - ni conceptuelle, ni formalisable, ni instrumentalisable - serait indissociable du nom de Dieu

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En tout langage, une structure d'archi-promesse est irréductible : c'est le moment du nom, de la parole ou du titre qui depuis son insignifiance promet le sens ou le vrai

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En déclarant le vrai nom, le juste nom, d'"amitié" ou de "démocratie", on affirme sa fidélité et son respect pour ce nom, même s'il n'en revient que des spectres

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Il n'est d'héritage que singulier : un héritage ne peut être ni anonyme, ni universel

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Chaque animal vient à moi comme un vivant irremplaçable qui me regarde nu, répond à son nom d'une existence mortelle, rebelle à tout concept

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Le discours sur khôra nomme une béance, un chasme, un abîme ouvert entre tous les couples institués et un autre qui ne serait même plus leur autre

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Khôra, on ne peut jamais l'appeler, elle-même, d'un nom ou d'un mot juste; mais il faut la nommer

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Avant toute autre détermination et identification, un "Viens" sans pacte ni dette, depuis le sans-nom, appelle en secret la différence sexuelle en la neutralisant

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Le don de Blanchot, c'est qu'il se donne au-delà de l'être, dans l'oubli de l'être - SAUF que cet oubli de l'oubli est aussi un poison qu'il lui faut vomir en criant son nom

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Blanchot signe en cachant sa signature dans le sans-nom, le pas-de-nom, l'oubli du nom ou le retour d'un son : par exemple (o) dans eau, zéro, il faut, dehors, bord, mort

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Ecrire, c'est produire un nom propre sans rapport avec le nom patronymique, c'est amorcer un chemin vers un autre nom qui ne peut pas être connu avant d'être produit

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En lisant "Glas", le lecteur est appelé à lire son for crypté, son idiome, enfermé en lui, son nom même

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Peut-être faut-il, pour répondre "Oui" au "Viens" de Blanchot, laisser se perdre son nom, appeler - comme une oeuvre ou un enfant perdu - un tout autre nom, un nom sans nom

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Il y a en nous un nom avant le nom, un prénom absolument secret à quoi (à qui) l'autre s'adresse, et qui répond en nous

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[Ce qui s'écrit, illisible, en travaillant le nom patronymique "Jacques Derrida", c'est le secret de son autre nom]

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Si la psychanalyse avait été reconnue comme science, Freud l'aurait payé de son nom - mais c'est comme "oeuvre" qu'elle opère, inséparable d'un effet de nom propre

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Ce que Lévinas nomme "visage" ou "otage", il faut le lire comme un nom propre qui compose un nouvel accord, inouï, entre le fini et l'infini : à-Dieu, l'appel du nom par le nom

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Le nom Khôra en appelle à un X où la loi du propre n'a plus aucun sens, et qu'il faut garder, qu'il nous faut lui garder

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Khôra annonce l'irruption du nom; inapte à nommer, elle arrive comme le nom

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Le discours sur khôra s'inscrit en un lieu qui excède ou précède les oppositions du mythe; il y ouvre un abyme, a-logique et anachronique, où recevoir son nom

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Les chaussures de Van Gogh sont le support anonyme, vidé, d'un sujet absent dont le nom revient hanter la forme ouverte

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La hantise du peintre : laisser venir la coupure ou l'entaille qui hante son nom

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Francis Ponge est une éponge, un subjectile équivoque, aussi indécidable qu'un hymen

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Il y a deux "r" dans le nom de Derrida, comme dans "rire", et deux "d", comme dans "dédoubler"

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Dieu est le témoin absolu que, même en son absence, on prend à témoin; le nommer, même d'un nom imprononçable, c'est l'appeler

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Dieu est le nom de l'ultime instance, l'ultime signature qui garantit ce qui doit être - et qui doit être un nom propre

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Aucun "schème" médiateur ne peut donner à une nation singulière une mission exemplaire, à la fois irremplaçable et singulière, ce ne peut être qu'un "shem", un nom propre

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Le nom donné au-delà de l'être n'appartient ni à celui qui donne ni à celui qui reçoit - telle est l'essence ou l'inessence du don

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En laissant à l'homme solitaire et souverain la liberté de nommer les animaux, Dieu s'abandonne à la radicale nouveauté de ce qui va arriver : le pouvoir de l'homme à l'oeuvre

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La supériorité inconditionnelle et sacrificielle de l'homme s'éveille depuis un temps d'avant la chute, d'avant la honte de la nudité - quand l'animal est nommé pour la première fois

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Il y a du Babel partout : chaque fois qu'il y a du nom propre, de l'intraduisible, chaque fois qu'on crée une oeuvre, ça sacralise, ça produit du texte sacré

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Le contrat de traduction est exceptionnel, unique, absolument singulier; en engageant des noms, il exhibe, avant le langage, l'affinité a priori entre les langues

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En se donnant un nom supplémentaire, à la fois nom propre et nom commun, Dieu-Babel déconstruit la langue unique (la Tour) et (inter-)rompt la lignée des Sémites

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En clamant la division de son nom (Babel), Dieu produit une "disschémination" : il brise l'unité de la langue sacrée

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Dans le texte sacré, le nom de Dieu (Babel) est le nom de tous les noms propres; ils sont intraduisibles, et pourtant exigent la lecture, l'interprétation, la traduction

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Nécessaire et impossible, la performance de Babel instaure, d'un coup de nom propre, la loi de la traduction, et aussi une dette dont on ne peut plus s'acquitter

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Comme le Dieu de Babel, l'oeuvre pleure après la traduction; elle exige que le nom qu'elle donne, intraduisible, soit lu et déchiffré

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Il revient au nom de Derrida, au secret de son nom, de pouvoir disparaître en son nom

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Jacques Derrida déclare que, dans Glas, son nom, son corps, son corpus et son seing sont mis en pièces

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Il s'agit pour Derrida de montrer que, pour lui aussi, l'oeuvre est le glas du nom propre : elle est le lieu où le nom résonne, se dissémine, s'encrypte et se met au tombeau

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["Il faut sauver le nom, au-delà de l'être", laisse entendre Derrida dans son triple essai sur le nom (1987-1993)]

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