Derrida
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TABLE des MATIERES :

                            NIVEAUX DE SENS :

 DERRIDEX

Index des termes

de l'oeuvre

de Jacques Derrida

Un seul mot - ou un syntagme.

         
   
Derrida, le langage                     Derrida, le langage
Sources (*) : La pensée derridienne : ce qui s'en restitue               La pensée derridienne : ce qui s'en restitue
Pierre Delain - "Les mots de Jacques Derrida", Ed : Guilgal, 2004-2017, Page créée le 12 décembre 2005 Orlolivre : comment ne pas faire système?

[Derrida, le langage]

Orlolivre : comment ne pas faire système? Autres renvois :
   

Derrida, la langue

   

Derrida, la voix

   

Derrida, le signe

Derrida, signifiant : signifié

                 
                       

1. Linguistique et phonocentrisme.

On ne peut séparer la conception derridienne du langage du contexte intellectuel où elle est née : un structuralisme fortement marqué par la linguistique. Il lui fallait, comme à toute sa génération, se situer par rapport aux deux grands genevois, Jean-Jacques Rousseau et Ferdinand de Saussure. Sa thèse est claire depuis le départ : tous deux, dignes successeurs d'une lignée métaphysique qui remonte à Platon, accordent un privilège à la parole vive, à la voix et au mot en tant qu'unité sémantique, lien indissociable entre la conscience et le langage. Dans cette tradition, qu'il qualifie de logocentrique ou phonocentrique, la langue et la société sont supposées émerger ensemble par une décision arbitraire et extérieure, avec le discours et le langage articulé. Tout cela s'ordonne en un tout qui structure la société, détermine les croyances et institue la différence comme système. Une telle unité, si elle était tenable, permettrait au langage de garantir la normalité dans tous les domaines, y compris sexuel. Elle donnerait une consistance à la place du père, garantirait pour toujours le privilège de l'être.

 

2. Le langage, c'est le nom.

"Sprache ist Namen'" (Le langage, c'est le nom), dit Gershom Scholem dans une lettre adressée à Franz Rosenzweig, qui reprend les thèses défendues par Walter Benjamin. En déclarant que tout langage est hanté par un spectre sacré, le pouvoir de nommer, Jacques Derrida se situe dans cette lignée. En une fois, une seule, au premier matin du langage, la violence s'inscrit dans le nom. Cette violence destructrice, qui efface et fait disparaître cela même qu'elle désigne, laisse une trace : le graphein - un trait qui rature le propre. On garde, dans la langue dite maternelle ou dans la langue dite sacrée, le souvenir de cette trace unique, insubstituable, qui peut toujours redevenir productive (la différance). D'un côté, à chaque traduction d'un idiome à l'autre, il faut, pour réconcilier les langues, engager des noms d'en-deçà ou d'avant le langage; et d'un autre côté, ce passage par les noms peut nous précipiter dans l'abîme ou la folie. Pour parler dans la langue courante, avec son organisation binaire et stabilisée, il faut sacrifier cette langue sacrée - mais comme elle ne cesse de revenir, il faut aussi sacrifier ce sacrifice.

En un point fictif, insaisissable mais structurellement nécessaire, se croisent le mouvement de la différance et ce qui, dans le langage, n'est pas itérable (exemples : la naissance de la société, la prohibition de l'inceste). En ce point, "pré-originaire", qui oriente toute signification sans signifier lui-même, il faut répondre à l'autre, répondre de l'autre. Le langage nous y oblige. Cette responsabilité qui met le langage en mouvement est son essence. L'injonction est double : dès qu'on parle, on est engagé dans le sens commun, les évidences partagées, le groupe, l'éthique (au sens courant). On risque de perdre la singularité, la liberté ou la possibilité de décider. Mais dès qu'on parle, on prend le risque de déclencher une autre dynamique gardée secrète, une puissance linguistique démesurée, inarrêtable, celle du nom ou, comme la tradition l'a nommée, du nom de Dieu.

 

3. Langage, écriture, archi-écriture.

Le système du langage n'est pas indéconstructible. Avant l'écriture phonétique, dans le langage même (et avant même le langage), une autre écriture opère déjà, l'écriture proprement dite ou archi-écriture. Elle se caractérise par une rupture de l'horizon de sens qui vaut aussi pour toute expérience et tout signe. Le langage est porteur d'un autre genre de différence (ou différance) qui n'habite pas le monde, mais d'abord en lui-même. Les lignes de séparation du discours, qu'on suppose intangibles, sont des artefacts. Toutes peuvent être mises en question, y compris, par exemple, celle qui est supposée séparer l'homme de l'animal - comme si les animaux n'avaient aucun langage.

Le tissu de différences qui caractérise la langue est instable. Il ne peut pas supprimer le mouvement qui la constitue, ce mouvement incontrôlable qui faisait tellement peur à Jean-Jacques Rousseau. L'écriture surgit (et ne cesse de surgir) tout contre une folie dont elle ne se sépare jamais complètement, dans la brisure du miroir. Elle ne promet le sens et le vrai qu'à partir d'une insignifiance (une marque) qui menace de la détruire et ne cesse de produire des répétitions, des citations et des parasitages qui ne sont pas des accidents, mais sa loi.

Il fut un temps où de grands penseurs envisageaient la possibilité d'une langue universelle - en tous cas pour la philosophie. Ce qui arrive est assez différent : que ce soit en science, en musique, en cinéma, en danse, dans le dessin ou la peinture, c'est l'écriture qui déborde le langage, efface ses limites, excède la parole et délégitime tout signifié transcendantal. La domination du mot est contestée par l'infini pouvoir de substitution du langage (supplémentarité).

 

4. Indication, motivation : de l'être du référent à l'au-delà de l'être.

Jacques Derrida pose un axiome : Il n'y a que du bord dans le langage. Par essence, il nomme le monde tout en restant au bord du monde, en-dehors du monde. Cette nomination est un acte. Au mot traditionnel, référence, il préfère la férence : une énonciation, un acte de langage qui nomme l'innommable [le réel]. Il n'y a dans le langage ni savoir, ni compétence, mais débordement : il se déborde lui-même pour aller vers l'impossible (le hors langage). Ce débordement est aussi un dérobement, car en visant le monde, il ne peut que se jeter de l'autre côté du monde. Toujours inadéquat, instable, divisé, il est excessif, démesuré.

Impliqué dans tout rapport à l'autre, le langage manifeste irréductiblement un rapport paradoxal au corps, au monde, au vécu. Le référent ne lui est pas extérieur (il n'est pas hors texte) car il hante déjà le langage (le texte). Dans les mots de la tradition linguistique, on peut dire que la langue n'est pas seulement signifiante, elle est motivée, indicielle. Depuis l'origine et avant l'origine, le langage est déjà contaminé par l'extériorité.

Le langage n'est donc pas, pour l'essentiel, constatif, il est performatif. Les penseurs de ce qu'on nomme la théologie négative ont poussé très loin cette analyse. S'interrogeant sur quelque chose qui n'a pas de référent (Dieu), ils ont mis à l'épreuve les limites constatives du langage. On ne peut pas constater Dieu, mais on peut en parler, on peut affirmer, déclarer. En écrivant dans le langage et au bord du langage, on ne dit rien sur la substance de Dieu, mais on sauve son nom. Le référent est tout sauf le nom, mais le désir se porte vers le nom. Pourquoi faudrait-il se rendre en un certain lieu qui dépasse l'être, un lieu dépourvu de détermination, de contenu, de qualité (le lieu du sans)? C'est le lieu principiel du Il faut, prescrit par le langage.

 

 

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Propositions

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Axiome : "Il n'y a que du bord dans le langage"

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Le langage est d'abord écriture

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[Derrida, acte de parole ou de langage, performatif]

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En tout langage, une structure d'archi-promesse est irréductible : c'est le moment du nom, de la parole ou du titre qui depuis son insignifiance promet le sens ou le vrai

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Un point de non-remplacement dans le système des significations est le point fictif d'origine des langues, de prohibition de l'inceste et de naissance de la société : la différance

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La différence n'habite pas le monde, mais seulement le langage, dont elle est l'origine et la demeure

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La rupture de l'horizon de sens qui vaut pour l'écriture vaut aussi pour tous les langages et tous les ordres de signes, et aussi pour toute expérience

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Aujourd'hui l'avènement du jeu déborde le langage; il révèle l'écriture première par-delà la liaison phonocentrique du langage et de la voix

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L'articulation du langage introduit la différence comme une institution

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Le logocentrisme structure tout comme un langage - sauf ce qui, arbitraire et violent comme un cri informe, n'a rien à voir avec lui

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Les ruptures et hétérogénéités qui séparent l'homme de l'animal sont irréductibles à une limite oppositionnelle binaire, indivisible ou linéaire, comme "le langage"

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La science linguistique détermine le langage comme l'unité de phonè, glossa et logos

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Vouloir distinguer le mouvement du langage et l'auto-affection sexuelle est le voeu logocentrique par excellence

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Le parasitage ou le non-sérieux que John L. Austin cherche à exclure des actes performatifs, c'est ce qui constitue la loi même du langage

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Le langage humain se distingue du langage animal par le pouvoir de substituer un organe à un autre, c'est-à-dire la faculté d'articulation ou de supplémentarité

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Tout langage est hanté par un spectre sacré : le pouvoir de nommer, et nous fait vivre au-dessus d'un abîme : le nom de nom, transcendant et plus puissant que nous

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Le contrat de traduction est exceptionnel, unique, absolument singulier; en engageant des noms, il exhibe, avant le langage, l'affinité a priori entre les langues

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Il faut, pour parler, sacrifier la langue sacrée - et sacrifier aussi ce sacrifice

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L'indication couvre presque toute la surface du langage

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[Derrida, Dieu, le nom de Dieu]

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La folie, cette "absence d'oeuvre", est la part de silence irréductible contre laquelle le langage peut surgir - et il ne peut surgir, par essence, que contre elle

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Pour Rousseau, l'origine métaphorique du langage renvoie nécessairement à une situation d'angoisse, de déréliction et d'effroi devant la rencontre d'un autre menaçant

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Le miroir est une invention du mot : en dissociant Eros et Psychè (corps/âme), il obéit à la loi du langage

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Le champ linguistique émerge, dans l'oeuvre de Rousseau, comme la langue et la société : par une initiative absolue, une décision arbitraire et extérieure

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[Le champ linguistique unit les genevois Rousseau et Saussure : tous deux accordent un privilège éthique à la parole vive et à la voix, auxquelles ils subordonnent l'écriture]

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L'écriture phonétique a pour principe fonctionnel de répondre à l'exigence de système interne de la langue, que des forces extérieures ne cessent d'altérer

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S'il y avait une langue universelle de la philosophie, elle limiterait d'avance le discours à une combinatoire, dont toute invention serait exclue

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Dès qu'on parle, dès qu'on entre dans le milieu du langage, on perd la singularité et avec elle la liberté, la responsabilité et la possibilité de décider

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La voix est l'énigme qui répond à l'indiscernabilité de la conscience et du langage

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Le "mot" [vox en latin] est une unité factice du sens et du son, du concept et de la voix, du signifié et du signifiant

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Le mot est l'unité de la phonè et du sens; il fonde le privilège de l'être, qui ne résiste pas à sa déconstruction

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L'être, qui se produit dans la métaphysique occidentale comme domination d'une forme linguistique (le mot), n'est pas irréductible

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Remettre en question le signifié transcendantal, c'est reconnaître que tout signifié est aussi en position de signifiant; c'est déconstruire, avec le signe, tout ce qui lie notre culture

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L'essence de la maternité tient à la langue maternelle, tandis que le père occupe la place intenable d'une langue formelle ou d'un métalangage, impossible et monstrueux

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La responsabilité (éthique) qui répond (à) / de l'autre comme un passé qui n'aura jamais été présent, c'est l'essence du langage

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La différance est le mouvement selon lequel la langue, ou tout code ou système de renvois, se constitue historiquement comme tissu de différences

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Notre époque est celle où l'écriture déborde le langage, efface ses limites et excède la parole

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La lettre, dans le dessin, fait événement : elle troue l'espace du tableau, l'articulation du discours et aussi le langage

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La peinture se passe de langage, demeure hétérogène au discours et lui interdit tout surplomb

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La théologie négative, cet idiome qui est aussi un langage, met à l'épreuve les limites constatives du langage; elle garde leur raréfaction, elle l'archive et l'institutionnalise

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La théologie négative prescrit un "Il faut" exemplaire de tous les "Il faut" : dans le langage et sur le langage, dans le nom et au-delà du nom, il tend vers l'au-delà de l'être

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