Selon Montaigne vers 1580, repris par Pascal dans ses Pensées, Il n'y a pas de droit sans la force, mais il n'y a pas non plus de droit sans la croyance en la légitimité des lois. Si on leur obéit, ce n'est pas parce qu'elles sont justes, mais parce qu'elles sont lois. Leur autorité a un fondement mystique. Dans ce séminaire sur La bête et le souverain, Jacques Derrida soutient que l'essence du pouvoir politique, de la force qui donne le droit, tient à la structure de la fable, qui n'est autre que celle de la parole. De même que le souverain tient sa puissance de la simple proclamation de son nom (son ipséité), la fable fait la vérité en parlant d'elle-même. En énonçant le récit fabuleux de sa propre proclamation, le souverain légitime sa violence, il se donne raison à lui-même. C'est un simulacre, une fiction qui suffit pour entretenir la peur et la croyance.

Il n'y a pas qu'une fable. Il y en a plusieurs, plus d'une, au moins deux, qui peuvent se rencontrer, se croiser, pour que se décide ce qu'aura été, par exemple, le souverain ou l'art.