Derrida
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TABLE des MATIERES :

                            NIVEAUX DE SENS :

 DERRIDEX

Index des termes

de l'oeuvre

de Jacques Derrida

Un seul mot - ou un syntagme.

         
   
Derrida, vérité                     Derrida, vérité
Sources (*) : La pensée derridienne : ce qui s'en restitue               La pensée derridienne : ce qui s'en restitue
Pierre Delain - "Les mots de Jacques Derrida", Ed : Guilgal, 2004-2017, Page créée le 9 septembre 2005 Orlolivre : comment ne pas transmettre?

[Derrida, la vérité]

Orlolivre : comment ne pas transmettre? Autres renvois :
   

Derrida, la métaphysique

   
   
                 
                       

1. Vérité légitime.

Nous héritons du discours "logocentrique" (celui de la tradition occidentale). La vérité y repose sur une double légitimité :

- pour être crédible, il faut qu'elle provienne d'une autorité : par exemple un père ou un Dieu. Cette vérité s'impose alors inconditionnellement, dans son évidence. Tout témoignage, adresse ou promesse engendre, par-delà toute preuve, ce lieu d'autorité. Qu'il se présente comme Dieu (religions), comme place vide (athéisme), qu'il soit nommé ou innommé, que ce lieu soit justifié par une logique (le logos, la raison), par un raisonnement hypothétique ou par la loi, c'est toujours le désir ou la certitude de vérité qui le produit.

- on suppose que cette vérité, qui existe déjà, ne s'est pas encore révélée. Si elle se dévoile, ce ne peut être que dans la parole, la présence vivante de la voix. Sa norme est la présence du présent, son modèle est l'imitation, la mimesis.

On ne peut pas se passer de cet héritage, mais on peut le déconstruire. Il n'est pas irréductible.

 

2. Errance.

D'une part, Jacques Derrida réaffirme la valeur de vérité. Il faut la vérité, c'est la loi déclarait-il en 1972. Sans elle, il ne peut y avoir ni argumentation, ni discussion rigoureuse, ni justesse. Mais d'autre part, il ne la dit que du bord des lèvres, en la déconstruisant. La "vérité" (avec des guillemets) dont il se dit l'ami ne s'accorde ni à la chose, ni au référent, ni même à un dispositif technique, comme on le croit aujourd'hui. Elle est un événement, une aventure, une errance.

Il n'y a nulle part de lieu propre de la vérité. On ne la dévoile pas (comme, peut-être, Freud le croyait). On ne la fait pas revenir - ou alors seulement par morceaux, à travers des spectres. Soit on la raconte par la parole (comme dans la fable qui "fait" la vérité en la présentant), soit on la promet sans la dire, comme Cézanne (mais elle restera toujours intraduisible), soit on la met en abyme, comme Ponge, soit on la défie par des performances, soit encore on la tourne en dérision, comme Jean Genet.

A certains concepts, comme la lettre, on ne peut associer aucune vérité. A d'autres, comme les larmes, il n'est pas non plus de signifié qui puisse être associé, mais une adresse ou une valeur, laquelle ne peut être que supplémentaire (la supplémentarité, dans le système derridien, fonctionne comme un indice de vérité). Dans les pratiques non discursives, on fait signe vers la vérité, mais ce n'est pas celle de l'objet.

Comme philosophe, le philosophe doit se faire le gardien de la vérité - mais dans le même mouvement il doit aussi se faire le gardien de la non-vérité. L'important pour lui est de penser la garde, la mémoire, même si, en définitive, il ne garde rien, ou seulement le rien.

 

3. Une vérité-événement, plus vieille que la vérité classique.

Avec la clôture - ou la déconstruction - du logocentrisme, en-deça ou en-dehors de l'histoire, surgit un autre âge, celui du jeu de la trace, plus vieux que l'être. Une vérité étrange, indécidable, "unheimlich", s'y dit au coeur de la parole, en-dehors de la logique, des structures, des contraires, des frontières. Cette vérité ne se donne pas comme telle, elle ne s'énonce pas, elle arrive, elle s'impose comme pulsion de vérité, et alors elle travaille, elle fait œuvre. On ne peut pas l'empêcher de transformer, de faire advenir le monde. On peut la qualifier d'œuvrance ou d'ouvrance, un mouvement qui désidentifie tout concept, défie toute opposition, ne s'oppose ni au mensonge, ni à l'erreur, ni à l'illusion. Elle est vérité, et aussi non-vérité. Ce n'est pas dans le logos qu'elle nait, mais dans la folie - voire dans la bêtise.

Le modèle de la vérité dans l'art est celui de l'hymen. On peut le déchirer, rien ne se dévoile derrière lui. Il se recoud, se replie sur sa texture et son secret. Aucun cadre, limite ou parergon ne peut rassembler l'œuvre, empêcher sa dislocation. Ni la vérité, ni la réalité, ni la libre souveraineté d'une fiction ne peuvent y faire autorité.

 

4. Sur-vérité.

L'universitaire d'aujourd'hui fait profession de vérité. Il exige pour cela une liberté inconditionnelle de critique et de questionnement. Mais cela n'implique pas qu'on attende de sa part l'expression d'une vérité, ni même la révélation d'une vérité déjà existante. Par son travail performatif, quelque chose pourrait arriver au concept de vérité. Quoi? L'universitaire qui ne se pose pas en maître de vérité ne répondra pas à cette question - ce serait enseigner un contenu, alors que ce qu'il cherche (enseigner à philosopher) n'est possible que si ce maître n'existe pas, n'est pas présent, ne se trouve nulle part.

Et pourtant il faut répondre à la demande de vérité. Sur une scène d'origine, des forces ou des instances l'exigent. Elles insistent, elles nous mettent en demeure de rendre compte de la cause, de l'origine, de rendre visible ce qui ne peut que rester invisible. Pour répondre, il faut d'abord un temps de retrait, accepter la possibilité de l'erreur ou du mensonge. Il faut un récit pour faire advenir, à partir de rien, une vérité aussi originaire que la non-vérité, qui restera toujours inachevée et débordée, excédée par le récit. Venant en plus, cette vérité ou sur-vérité ne peut se raconter que dans la langue de l'autre. Inaccessible, indicible, effrayante, terrible, jamais présente, elle se réinvente, et quand elle arrive, c'est sans arriver.

 

5. Au-delà des limites de la vérité.

Selon certains commentateurs, il y aurait eu un tournant dit éthique dans l'oeuvre de Derrida (vers 1990). Il se serait alors réconcilié avec la vérité. On peut douter à la fois du tournant et de la réconciliation. D'une part Derrida ne s'est jamais tenu à l'écart d'un certain horizon de vérité. Il n'a jamais démenti son énoncé de 1972 : Il faut la vérité, c'est la loi. Il aura toujours fallu et il faut encore cette vérité-là, confinée dans les frontières des champs où elle fait loi. Mais d'autre part il faut s'attendre à se laisser emporter en d'autres lieux impossibles, aporétiques. Ce sont les lieux d'une autre expérience de la vérité, dont par exemple :

- la femme. Après le moment inaugural de l'idée, celui d'un Platon qui dirait : "Moi, je suis la vérité", Nietzsche repère un autre moment, celui du devenir-femme de l'idée. Quand la femme "se donne", ce n'est pas seulement dans la séduction ou l'échange, c'est par un don de rien, un don sans dette. Cette donation qui ne s'intéresse plus à la vérité est inaccessible au philosophe. C'est un écart par rapport à soi-même, un espacement. Détachée de la castration dont elle ne joue que pour séduire, ouvrir le désir, à distance des fétiches de la féminité (dont elle use pourtant), elle n'est plus tenue de croire en la vérité phallique pour affirmer une puissance (dionysiaque) de vérité-non-vérité.

- la prière, qui ne montre pas, ne fait rien savoir, ne saurait être ni vraie ni fausse.

- le mourir, dont le secret est séparé, coupé, infiniment éloigné.

 

 

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Propositions

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La vérité du logocentrisme, c'est le discours qui revient au père, en refoulant la différance séminale

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La vérité a pour norme, ordre et loi la présence du présent, soit comme dévoilement de la chose, soit comme accord entre la chose et la représentation

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Dans l'idéalisme transcendantal de la raison (Kant, Husserl), l'association essentielle entre vérité et inconditionnalité atteste que l'inconditionnalité est la vérité de la vérité

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Pour celui qui exige la raison, la vérité, la science, une hypothèse absolue ou "anhypothèse" s'impose : "Une économie générale de l'esprit, logocentrique, unifie la culture"

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Tout témoignage, serment, attestation ou adresse engendre et invoque un dieu auquel promettre la vérité

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Le jeu de la trace, qui appartient à l'âge de la différance, est "plus vieux" que la vérité de l'être

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La voix s'entend au plus proche de soi, comme l'effacement absolu du signifiant, qui est la condition de l'idée même de vérité

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Il y a vérité quand ça arrive, quand ça fait oeuvre, ça transforme, ça travaille, ça doit être avoué : alors la pulsion de vérité fait advenir et changer le monde

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Au coeur de la parole, le silence est l'un des modes essentiels de l'"ouvrance" à la vérité - une vérité "unheimlich" qui désidentifie tout concept, défie toute opposition

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À la lettre, on ne peut associer avec certitude ni un destinataire, ni un expéditeur, ni un sens - ni une vérité

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A travers la rencontre des spectres, une semence de vérité indestructible, irréductible, revient par morceaux

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Quand des valeurs incompatibles coexistent, la folie guette et, d'urgence, elle appelle la pensée; de cette provenance monstrueuse, elle fait naître une vérité

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La vérité de l'enfant se pense au-delà de tout héritage, elle ne s'invente ni comme dévoilement, ni comme création, mais comme événement, traduction et allégorie

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"Il faut la vérité", c'est la loi - disséminatrice et fétichiste

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La déconstruction ne conteste ni ne détruit jamais la valeur de vérité; elle la réinscrit dans d'autres contextes interprétatifs et différantiels

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Le philosophe, c'est celui qui pense et désire la garde : il garde la garde pour garder la mémoire, pour se faire le gardien de la vérité - et aussi de la non-vérité

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L'époque de l'opposition de la vérité et de l'apparence est un temps historique déconstructible

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La femme, comme figure de la castration ou de la vérité, fait revenir, en sa demeure, le phallus ou le signifiant

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La chose qui fait loi est au plus proche, et aussi toute autre - en elle jouit la vérité, comme en la serviette-éponge de Ponge

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S'"il faut la vérité" - comme "il faut du langage" et comme "il faut parler" -, c'est pour la déconstruire

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Jacques Derrida propose des textes dont la performance défie les valeurs et limites oppositionnelles - ce qui soulève la question de la vérité, sans tomber sous sa juridiction

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La non-vérité est aussi originaire que la vérité; il faut la possibilité de l'erreur, du mensonge, de la dissimulation ou du retrait pour dire le vrai

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Un récit répond à une demande de vérité : il faut raconter ce qui a eu lieu, une scène de sur-vision qui touche à l'aveuglement, à l'origine invisible de la visibilité

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La sur-vérité de la sur-vie, c'est qu'il faut la raconter dans la langue de l'autre, que j'invente à chaque instant, pour dire sa cause

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La vérité de la vérité, c'est cette folie, ce fond sans fond qu'il vaut mieux ne pas savoir ni avouer - pour rester, "peut-être", sans l'avoir ni l'être, l'ami de la vérité

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En marquant l'aventure du sens, détaché de la chose et de la vérité qui l'accorde à son référent, la métaphore ouvre l'errance du sémantique

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Les larmes révèlent que la vérité de l'oeil humain est l'imploration plutôt que la vision

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Chose par excellence, impossible, interdite, qui arrive sans arriver, la sur-vie n'aura jamais été présente : telle est sa sur-vérité, son hypertopie

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Le témoignage est à la confluence des deux sources de la foi : en promettant la vérité par-delà toute preuve, il atteste de l'indemne (sacralité) et du fiduciaire (croyance)

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Dans la religion comme dans la raison, un "Je promets la vérité" est toujours à l'oeuvre, où déjà la place de Dieu - celle du témoin - est invoquée ou convoquée

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Avec la structure du "déjà-pas-encore", la singularité s'efface (déjà) pour que se dévoile ou se révèle la vérité métaphysique (pas encore)

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Entre les motifs du voile et de la voix, il y a une complicité structurelle

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Il n'y a pas de vérité du dévoilement : seulement un clin de l'hymen, une chute rythmée, une cadence inclinée

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La mimesis doit suivre le procès de la vérité, sa seule référence

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Le philosophe est un maître de vérité qui n'existe pas, ne se trouve nulle part, n'a pas lieu, n'est pas présent

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L'université moderne, qui fait profession de vérité, doit par principe se voir attribuer une liberté inconditionnelle de questionnement, de proposition et de déconstruction

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Les "quatre vérités" en peinture, c'est que toutes les quatre (et d'autres encore), elles ouvrent à l'abîme

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[Rien, dans l'oeuvre performative, ne fait autorité : ni la Vérité, ni la Réalité, ni la libre Souveraineté d'une Fiction]

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On trouve dans des formes de signification non discursives (musique, art) des ressources de sens qui ne font pas signe vers la vérité objective

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La vérité de la bêtise tient à son étrangeté indécidable : à chaque auto-proclamation de son contraire, c'est un supplément de bêtise qui s'ajoute

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Le texte de Freud redouble fictivement celui qu'il explique, en prétendant dévoiler une vérité "nue" qui aurait déjà été en lui

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Pas plus que la castration, la dissémination ne peut devenir un signifié originaire, le lieu propre de la vérité

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Dans le texte de Genet, la toison pubienne (erion), érigée en tissu d'écriture, tourne en dérision tout ce qui se dit de la vérité ou du phallus

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L'"invention" moderne comme production, proposition, dispositif technique ou machinique tend à prévaloir sur la "découverte" comme dévoilement de la vérité

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La fable est parole; en parlant d'elle-même, elle "fait" la vérité

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L'essence du mensonge, de la fable ou du simulacre, c'est qu'ils se présentent comme la vérité

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Il s'agit, dans l'université, par l'événement de pensée que constituent des oeuvres singulières, de faire arriver quelque chose au concept de vérité et d'humanité

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Un acte performatif, en peinture, ne saurait être intentionnel ni traduisible en discours : il agirait, comme un passe-partout, sans endetter ni promettre de vérité

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"J'ai fait de l'eschaton le bord des lèvres de ma vérité"

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Tous les concepts qui déterminent une non-supplémentarité (nature, animal, primitif, enfant, ...) n'ont aucune valeur de vérité

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Dans l'oeuvre d'art, la vérité du cadre est sa parergonalité : il construit (fixe les formes et les oppositions), mais il est fragile (supplémentarité)

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S'il faut s'attendre à la mort, il faut aussi s'attendre à se laisser emporter au-delà des limites de la vérité

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Après le moment inaugural de l'idée "Moi, Platon, je suis la vérité" vient le devenir-femme de l'idée - qui la rend insaisissable, écarte la vérité, la met à distance

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En tant qu'ils ne donnent rien, la donation de l'être ou le "se donner" de la femme ne se laissent pas penser à partir du sens de l'être, de son horizon ou de la vérité

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Il n'y a ni essence, ni vérité de la femme : elle écarte et s'écarte d'elle-même, elle engloutit toute identité, toute propriété, dans un écart abyssal

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La femme est la vérité, mais en tant que femme elle n'y croit pas, elle ne se laisse pas prendre aux fétiches de la féminité

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Pour la femme, la castration n'a pas lieu; elle ne croit pas en sa vérité mais elle en joue pour séduire, ouvrir le désir

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Nietzsche tient trois discours sur la femme : il la condamne (phallogocentrisme), la redoute (comme puissance de vérité), l'aime (comme puissance affirmative)

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Ce qui se passe chez Derrida vers 1990 - un tournant de la générosité - est un déplacement du primat de la non-vérité vers celui de la vérité

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La prière ne montre pas, ne fait rien savoir, ne saurait être ni vraie ni fausse

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Le judaïsme est une loi révélée, vide de tout contenu, qui n'apporte ni connaissance, ni vérité, dont le secret est séparé, coupé, infiniment éloigné, exproprié

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