Derrida
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TABLE des MATIERES :

                            NIVEAUX DE SENS :

 DERRIDEX

Index des termes

de l'oeuvre

de Jacques Derrida

Un seul mot - ou un syntagme.

         
   
Derrida, le deuil                     Derrida, le deuil
Sources (*) : La pensée derridienne : ce qui s'en restitue               La pensée derridienne : ce qui s'en restitue
Pierre Delain - "Les mots de Jacques Derrida", Ed : Guilgal, 2004-2017, Page créée le 13 décembre 2006 Orlolivre : comment ne pas se projeter?

[Derrida, le deuil]

Orlolivre : comment ne pas se projeter? Autres renvois :
   

Derrida, la remémoration

   

Derrida, l'héritage

   

Derrida, la mort

Derrida, la crypte

                 
                       

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1. La théorie de l'écriture, une pensée du deuil.

Jacques Derrida s'est fait connaître par sa théorie de l'écriture, qui est aussi une théorie du deuil. Dès la première apparition d'un langage, en un lieu inaccessible, avant même tout ce qu'on peut imaginer de l'origine (l'origine de l'origine), une trace a disparu. C'est cette disparition, qu'il nomme aussi oblitération du propre, qui serait la racine commune de la parole, du langage et de l'écriture. Le "propre" est ici pris dans un sens large : dès qu'il y a écriture (ou plus exactement archi-écriture), l'unique disparaît, il est remplacé par la différence classificatoire (le discours). D'un côté, cette disparition est absolue, radicale, irréversible, si radicale que jamais on n'aura pu saisir comme phénomène ni la trace, ni même son jeu. La trace n'est plus rien : ni savoir, ni présence. Avec elle s'effacent la proximité, la présence à soi, la propriété. Mais d'un autre côté, le processus ne cesse de recommencer, de se réitérer. La trace n'est pas détruite, elle va disparaissant. Elle n'arrive qu'à s'effacer, c'est-à-dire qu'en s'effaçant, elle arrive, et qu'en arrivant, elle s'efface. L'effacement est sa façon d'arriver. C'est là qu'intervient la notion de deuil. Il aura fallu qu'elle soit morte pour que, en prenant acte de son effacement et du retrait de tout ce qui l'a produit (sa filiation, sa paternité vivante), on puisse en hériter. Nul ne peut garantir qu'une trace ne reviendra pas, nul n'est à l'abri du souvenir, du symptôme, du spectre, du monstre, etc.. C'est la structure testamentaire, qui vaut pour tout écrit, tout graphème, y compris les images, et sans doute aussi pour tout rapport au passé (histoire, dette, culpabilité). Le paradoxe de la trace, c'est qu'elle est coupée de toute assistance, orpheline, perdue, abandonnée à sa dérive, sans lieu, ni sens, ni référent, mais qu'elle peut toujours faire retour. Elle reste hétérogène, irréductible, inexpugnable, scellée, innommable - mais tout autre peut la porter, elle aura toujours pu rester à l'abri dans une crypte inconnue.

La question se pose alors, selon la formule convenue, de faire son deuil. De quoi? De la trace, de l'absence, des morts et des disparus, ou de l'effacement lui-même. Mais quel deuil?

 

2. Deuil originaire.

Freud définit l'héritage mortifère comme celui où l'objet aimé, par identification narcissique, est incorporé comme mort. Incapable de s'en détacher, le mélancolique perd tout intérêt dans le monde extérieur. Il peut se dire : "Je suis mort". Dans les écrits derridiens, la même formulation, "Je suis mort", prend un sens complètement différent. Un vivant ne connaît jamais sa "propre" mort, il ne connaît que la mort de l'autre. La mort, pour lui, est à la fois imminente, possible, et impossible. Comme telle, elle n'apparaît jamais, elle n'arrive qu'à s'effacer. L'ipséité se constitue dans l'accueil d'un autre qui s'efface. Dans cette auto-hétéro-affection, la spectralité est irréductible. Pour vivre, il faut survivre à ce mouvement. C'est le deuil originaire, indissociable de l'hospitalité.

Contrairement à Marx, Heidegger ou Levinas, Derrida n'hésite pas à faire son deuil du propre de l'homme. S'il écrit "Je suis mort", c'est pour en faire un geste théorique, stratégique, politique. Il faut se retirer de la présence dans l'être, en appeler au lieu d'une non-présence radicale de la subjectivité, pour déconstruire la métaphysique. Prendre acte du deuil originaire, c'est prendre acte d'un deuil impossible. L'endeuillé, comme l'ami, fait l'expérience de la perte (sans incorporation, ni introjection, ni idéalisation, ni identification). Dans ce travail-là du deuil, tout texte chute, toute signature chute elle aussi. Ça tombe.

 

3. Fétichisation.

Cette trace qui s'efface et s'absente, qui disparaît, ne laisse pas un vide mais un désir de présence. Un appel est lancé pour s'y substituer. En ce lieu où l'on cherche à entendre la vérité, des voix parlent, elles continuent à parler sans qu'il soit possible de les arrêter. Leurs déguisements sont variés : l'injonction paternelle, l'idéal, l'idéologie, l'appel du plaisir, voire la parole poétique, quand elle se soumet au jugement de goût ou aux valeurs dictées par les Beaux-Arts. Il faut acquiescer, dire "oui" à ces mises en scène. En se débarrassant de l'hétérogène (la trace), on efface l'hétéro-affection qui donne son mouvement à l'auto-affection. C'est le premier échec du deuil. Ne pouvant faire taire les spectres, on les conjure, on les narcissise.

Aujourd'hui, la technique permet de reproduire ces voix en leur donnant l'apparence du vivant. Il faut sans cesse leur dire "oui", acquiescer à la gramophonisation de ces quasi-traces qui ne sont que des doubles mimétiques. Les médias sont envahis par ces fétiches, ils laissent proliférer les images qui généralisent ce type d'assentiment. On espère que cette logique spectrale envahissante contribuera au deuil. Mais c'est l'inverse qui arrive. Nous intégrons ces images dans un savoir, nous les ontologisons. Invisible et inaudible, la trace revient dans l'image.

 

4. Le travail du deuil.

C'est ici, pour réparer cette béance, qu'intervient le travail du deuil. Comment supporter la disparition d'un autre, d'un objet investi ou aimé? Les voix spectrales sont dangereuses. Elles peuvent vous parler, vous persécuter, elles peuvent introduire de la confusion ou du doute. Il s'agit, avec ce travail, de localiser les morts, les identifier, de s'assurer qu'ils restent bien à leur place, stabilisés dans une lignée dont il ne bougeront pas. C'est la fonction des obsèques, des funérailles, qui dans toutes les sociétés sont étroitement régulées, ritualisées. Une des particularités de la modernité occidentale, c'est qu'elle offre le choix entre inhumation et incinération. Dans les deux cas, on prétend respecter le fantasme du disparu, qui est de mourir vivant, et dans les deux cas, on échoue. Soit on laisse pourrir le cadavre, ce qui ouvre le risque de retour spectral; soit on l'escamote, on disperse les cendres, mais alors on infinitise le deuil. Quoi qu'il en soit, c'est le survivant qui dispose du cadavre.

En parlant avec les morts, en prenant leurs noms, en tenant leur langage, en s'identifiant à certaines de leurs particularités, en détachant d'eux certains de leurs traits, on les chasse. Hospitalité et exclusion vont de pair. Un spectre est innommable, immaîtrisable, anachronique. En rendant présents ses restes, on arraisonne sa puissance de transformation, on le sémantise, on le fige dans une incantation qui supprime son altérité. Porter le deuil d'un mort, c'est refouler son mystère, l'incorporer, le subordonner, mais c'est aussi prendre la responsabilité de ce qu'il porte.

Cette ambivalence se retrouve dans d'autres modalités du lien social. Quand, dans une communauté, s'unissent les frères ou des congénéres qui héritent du même père, on rend honneur à ce père, on fait le serment d'être fidèle à sa mémoire - et l'on cherche aussi à s'en protéger. Quand, au cinéma, certaines images sont magnifiées, la mémoire est mise au service de cette réduction. Ces dispositifs promettent une certaine sécurité, mais ne la garantissent pas. Les spectres reviennent sur un mode imprévisible, incontrôlable. Les voix du passé, du discours, des médias ou de l'inconscient ne cessent d'entretenir l'inquiétude généalogique. Ne faut-il pas, pour survivre, détruire définitivement la trace, l'autre qui est mort? Ne faut-il pas l'effacer dans son altérité irréductible? Qu'il soit possible ou impossible, le deuil est une trahison. Et pourtant il le faut.

 

5. Le choix du fils illégitime.

S'il y a plusieurs types de deuil, il y a aussi plusieurs façons d'hériter. Freud explique que, dans le deuil dit "réussi", l'endeuillé retire sa libido de l'objet disparu, et la reporte sur certains traits auxquels il peut s'identifier. C'est ainsi que le fils légitime fait circuler la semence du père. Tout ce qui n'est pas récupérable dans la personnalité du père est définitivement abandonné. Jacques Derrida s'appuie sur les thèses de Nicolas Abraham et Maria Torok pour ouvrir une autre possibilité : garder le mort en soi, en un lieu crypté, sans le détruire comme autre, garder en soi le secret d'un lieu étranger, clandestin, où ce que nous ignorons de lui ne serait pas assigné à résidence.

C'est ce qu'il a tenté d'accomplir dans son œuvre, ou plutôt dans son rapport à l'oeuvre de l'autre, à plus d'une oeuvre de plus d'un autre et pas seulement à celles pour lesquelles il a écrit un discours d'adieu ou un éloge funèbre. Comment laisser l'autre survivre dans son altérité? Comment ne pas conditionner cette survie à une introjection ou une incorporation? Comment laisser s'inventer une survie à travers laquelle l'autre reste l'autre en moi? C'est la tâche impossible, infinie, de la déconstruction. Pour reconnaître l'hétérogénéité de l'autre, il faut qu'une hantologie, toujours intempestive, remplace l'ontologie. On ne saura jamais si Derrida est le successeur de Lévinas ou de Schmitt, de Freud ou de Heidegger, de Joyce, Jean-Jacques Rousseau ou de Gershom Scholem, car il faut que sa signature soit hantée par tous ces noms, et encore beaucoup d'autres. Il faut que le deuil échoue, qu'il ne puisse qu'échouer. En acquiesçant à la disparition de l'autre, je me fais le gardien de ce qui me perturbe ou me contrarie (de ce à quoi je ne peux pas m'identifier). L'autre qui apparaît comme autre en-dehors de nous apparaît aussi en nous; mais quand son absence est irrévocable, alors sa trace revient en excès, elle s'impose à nous, il faut que nous nous en souvenions. Cette expérience d'une mémoire endeuillée par essence, c'est l'expérience même de l'autre comme l'autre. Ce qui n'est plus rien, nous devons l'intérioriser, mais comme nous ne pouvons qu'échouer, nous sommes voués à la séquence : infidélité, culpabilité, pleurs.

Apposer sa signature sur une œuvre, la contresigner, c'est acquiescer fièrement, triomphalement, à une perte irrémédiable. C'est affirmer la survie de l'irremplaçable.

 

6. Demi-deuil.

L'aporie du deuil, c'est que d'un côté, en tant qu'héritiers, nous devons être fidèles; mais d'un autre côté, nous sommes toujours déjà infidèles, nous ne pouvons pas incorporer toutes les traces, le deuil ne réussit jamais. Il ne saurait y avoir de vrai deuil (Mémoires pour Paul de Man, pp49-50). Au-delà de la pratique courante du deuil, il s'agit de laisser ces voix (re)devenir des traces, des marques laissées par un tout autre, irréductible. Il en résulte un deuil d'un autre style, derridien par excellence, celui du spectre lui-même. Jacques Derrida aurait imposé à ses écrits la tâche épuisante d'apprendre à vivre avec eux, sans les incorporer. En se désidentifiant, en ne conservant que ce qui doit rester étranger à lui (l'exappropriation), il aurait scellé une alliance secrète. Il aurait dit Oui à cet autre, il l'aurait gardé, il aurait observé ce qui reste de Psychè, pas tout à fait morte mais déjà posthume. Cette posture qui est aussi une fatalité, une terrible fatalité, il l'a nommée demi-deuil. C'est encore du deuil, au sens le plus classique, et c'est aussi, en même temps, le deuil du deuil.

Celui qui ne pense le sens du monde que dans une relation à la mort d'autrui; celui qui accepte, en son monde intérieur, la responsabilité du "sans monde de l'autre", de l'ami disparu; celui qui, par la lecture du poème salue l'autre et le porte comme on porte un enfant, se tient sur cette position, ou plutôt sur cette crête. Cela, c'est l'éthique même, dit Derrida. Et l'on pourrait ajouter : une éthique inconditionnelle, une archi-éthique.

 

7. La mort inconditionnelle.

Ne laisser aucune trace, aucun linceul, aucun voile, aucune adresse. C'est le deuil de la vérité, de l'ipséité, mais sans faire porter le deuil à personne, sans en escompter le moindre bénéfice. Cette ultime position est celle du suicide absolu. Il ne s'agit pas de la tenir car elle est inaccessible, elle est absolument exclue, elle nous répugne, elle nous dégoûte. Mais elle n'est pas sans rapport avec ces positions dites "éthiques" que Derrida nomme : inconditionnalités. Après tout, la mort définitive, absolue, n'est-elle pas, elle aussi, inconditionnelle?

Peut-être, à l'extrême de l'extrême, au point dont on ne peut pas parler, vient le deuil de la Shoah, l'expérience du deuil impossible.

 

8. Au-delà du deuil, plus que la vie.

Revenons à Jacques Derrida, qui après tout est le scribe de cette affaire de deuil qui n'a cessé de l'occuper depuis son enfance, sa naissance même, son travail inlassable et sa disparition. A travers son activité d'écrivain, de lecteur et d'ami, il a été confronté au deuil. Avec sa théorie de l'écriture mise en oeuvre dans Glas, il n'a cessé depuis le départ de l'évoquer dans une profusion de vocables, d'analyses et d'apories. D'un côté, il fallait qu'il soit orphelin, mais d'un autre côté, il fallait qu'il n'oublie jamais les noms hébraïques reçus le jour de la circoncision, la sienne (Elie, le prophète) et celle de son père (Haïm, la vie). Depuis toujours endeuillé, il devait quand même faire survivre ce prénom. C'était sa tâche. Il l'a fait par une certaine modalité de l'oeuvre, au-delà du présent vivant, qu'on peut appeler ici plus que la vie. Pour faire une oeuvre, il faut jeter, sacrifier, exclure. Il faut accepter le deuil. Mais l'oeuvre ignore ses destinataires. Elle ne peut ni les anticiper, ni les décrire, ni les attendre. Sans rien savoir, elle dépasse l'aporie, elle déborde les réciprocités et les identifications. Elle n'invite pas à la normalité, mais à un état d'exception quasiment messianique, rétif à la reproduction circulaire ou généalogique du deuil usuel.

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Propositions

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Dans son ipséité, la mienneté se constitue à partir d'un deuil originaire, dans un rapport à moi qui accueille en moi la mort de l'autre, aporétique, incalculable

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Deuil, spectralité ou sur-vie sont des catégories irréductibles, car il n'est pas d'auto-affection sans accueillir l'autre en soi - ce qui engage le politique en son essence

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La mort, seule impossibilité ou aporie qui puisse apparaître comme telle, n'"arrive qu'à effacer" toute délimitation anthropologique, problématique ou conceptuelle

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La terrible fatalité du deuil, c'est qu'il ne faut renoncer ni à la fidélité, ni à l'infidélité : demi-deuil, double deuil et double folie

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Aporie du deuil : il faut préserver la mémoire de l'autre, mais il faut aussi l'oublier pour "réussir" son deuil

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Qu'il soit possible ou impossible, le deuil est une trahison

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On ne fera jamais son deuil ni d'un fantôme, ni de la singularité unique, irremplaçable, d'un mort

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Dès lors que l'autre résiste, qu'il apparaît comme autre en-dehors de nous et en nous, nous sommes voués à la mémoire

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Le deuil est l'essence même de l'expérience de l'autre comme autre

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Il ne saurait y avoir de vrai deuil, car la trace de l'autre est déjà irréductiblement en nous

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Les discours sur l'amitié appartiennent à l'expérience de la perte, du deuil impossible - car réussir le deuil du frère ou de l'ami, cela pourrait faire revenir un père

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Un des critères de la modernité occidentale est la possibilité du choix entre inhumation et incinération, où se joue chaque fois autrement le fantasme du "mourir vivant"

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Aporie de l'inhumation : elle donne un lieu au cadavre, ce qui permet le travail du deuil, mais le laisse pourrir et ouvre le risque de retour spectral

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Aporie de l'incinération : en escamotant le cadavre, elle favorise l'intériorisation du mort, elle infinitise le deuil

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Pour être fidèle à l'autre disparu, je dois porter en moi son monde sans l'intérioriser ni l'idéaliser, en respectant son altérité singulière : c'est l'éthique même

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Un deuil dans lequel "Je garde le mort en moi, en un lieu cryptique, sans le détruire comme autre", brouille la limite entre introjection et incorporation

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Une mort n'est pas que la fin d'un monde, c'est la fin "du" monde; il reste à l'endeuillé la responsabilité de porter seul et son monde, et le "sans monde" de l'autre

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L'amitié projette au-delà de la vie, elle conditionne la survie de l'autre, par-delà la mort

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Une injonction archi-éthique, qui résiste au deuil, ordonne de faire justice au mort, de respecter son altérité, de l'accueillir comme autre en soi

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Comment faire le deuil du deuil? C'est la chose la plus terrible, la plus secrète

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"Je posthume comme je respire" - le pressentiment de ce qui ne va pas manquer d'arriver : la scène de l'après-coup, post-mortem

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Le travail du deuil, c'est rendre présents les restes, les ontologiser, identifier les dépouilles pour savoir qui c'est et où il est

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Unis par un lien testamentaire (fidélité à la mémoire des morts et aux spectres des pères), les frères ne peuvent penser une vérité qu'en oubliant le "peut-être"

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Tous ceux qui sont occupés par les spectres ne les accueillent que pour les chasser ou les conjurer : hospitalité et exclusion vont de pair

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Il y a trois choses dans le spectre : l'identification des restes (deuil), la nomination des générations (voix), la puissance de transformation (travail)

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["Il faut mourir vivant", une prescription qui peut s'entendre comme fantasme, commandement, compensation, réparation - ou encore : mise en oeuvre]

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Une conjuration fait son propre deuil : ceux qui font peur se font peur à eux-mêmes et conjurent le spectre qu'ils représentent

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Il faut, pour résister au mal radical, être en deuil de tout autre, "penser" le sens du monde dans une relation à la mort d'autrui

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Autour d'une bouche parlante, le poème salue l'autre, il le bénit, il le porte

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Le texte r(est)e - tombe, la signature r(est)e - tombe - le texte. La signature reste demeure et tombe. Le texte travaille à faire son deuil. Et réciproquement

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Il y a trois types de deuils qui sont aussi trois façons d'hériter : l'héritage mortifère, l'introjection symbolique et le choix incalculable du fils illégitime

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Une tâche derridienne : "Vis-à-vis du spectre, aller au-delà du travail de deuil"

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Au-delà du deuil, une désidentification intempestive fait craquer les signes, les modèles et les figures de la croyance

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L'ex-appropriation est la condition du sens, du désir, de l'amour, du deuil

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Pour que l'autre reste l'autre en moi, il faut que le deuil soit impossible : ni incorporation, ni introjection

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Une alliance est scellée par un "Oui, oui" qui garde, en secret, une mémoire endeuillée où vient l'autre

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Partir sans laisser d'adresse est la bénédiction ultime : laisser l'autre survivre sans la surcharge d'un héritage, sans le poids d'un deuil

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On ne peut pas faire son deuil du dégoûtant : on ne peut que le vomir

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Déjà, depuis le commencement, je suis en deuil de moi-même; tous mes plaisirs sont d'hier, déjà passés d'avance, teintés de nostalgie

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Il faut, aujourd'hui, faire son deuil de Psychè - c'est-à-dire du sujet en tant qu'il reste - car elle est expropriée, elle n'est plus un principe de vie

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Signer, c'est affirmer de façon fière, triomphante, quelque chose dont on a déjà fait son deuil

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De la Shoah, on ne peut parler qu'en silence, sans en parler, dans l'expérience extrême d'un deuil impossible

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La mémoire est endeuillée par essence

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Le secret de la responsabilité, c'est qu'elle donne la mort à des mystères plus anciens qu'elle refoule, incorpore, subordonne; elle les veille, elle en porte le deuil

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La parole poétique est l'équivalent analogique général des Beaux-Arts, la valeur des valeurs : en elle s'effectue le travail de deuil qui transforme l'hétéro-affection en auto-affection

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En se faisant, une oeuvre s'endeuille elle-même : il faut jeter, sacrifier, exclure

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Le cinéma est un travail du deuil où les mémoires endeuillées magnifient les moments tragiques ou épiques de l'histoire

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La logique spectrale envahit tout, partout où se croisent le travail du deuil et la tekhnè de l'image

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Marx prend peur devant le caractère spectral de l'humain, il renonce à faire son deuil du propre de l'homme

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Peut-être la prévalence de la question du deuil dans l'œuvre derridienne est-elle liée au nom de son père, "Aimé Haïm Derrida", dans lequel la vie est inscrite

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[On ne peut faire le deuil du deuil, en dépasser l'aporie, que par un nom inouï : celui du messie]

 


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