Derrida
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de Jacques Derrida

Un seul mot - ou un syntagme.

         
   
"Mourir vivant", un fantasme et plus                     "Mourir vivant", un fantasme et plus
Sources (*) : Derrida, la mort               Derrida, la mort
Jacques Derrida - "Séminaire "La bête et le souverain" Volume II (2002-2003)", Ed : Galilée, 2010, p243

 

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Derrida, le deuil

Aporie de l'incinération : en escamotant le cadavre, elle favorise l'intériorisation du mort, elle infinitise le deuil

Derrida, le deuil
   
   
   
Derrida, l'aporie Derrida, l'aporie
Derrida, la cendre               Derrida, la cendre  
Derrida, la Shoah                     Derrida, la Shoah    

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Une des singularités de la modernité occidentale, peut-être unique dans l'histoire, c'est qu'au moment des funérailles, il est possible de choisir entre inhumation et incinération. Chacun peut, de son vivant, exprimer sa préférence, comme s'il disposait encore de son corps après la mort. Cette possibilité de choix peut lui faire croire que, même mort, sa décision lui survivra. C'est ce que Derrida nomme le fantasme du "mourir vivant" : oublier que mon corps ne sera plus à ma disposition mais à la disposition d'un autre, un semblable. Avec l'incinération, le cadavre est annihilé, il disparaît. Les technologies utilisées rendent le feu infaillible, efficace et même invisible. Pendant la cérémonie, on escamote le cadavre, et aussi le feu lui-même. Soit les cendres sont dispersées, et alors elles sont privées de lieu, de terre, de territoire, et aussi de temps et d'espace, soit elles sont conservées dans une urne, mais l'urne peut être déplacée, elle n'a pas de lieu propre. Même si un nom propre est inscrit quelque part, sur l'urne ou dans un columbarium, il est peu fréquent qu'on vienne se recueillir devant elle comme on pourrait le faire devant une tombe. L'histoire du mort est finie, achevée, il n'a plus de temps ni d'avenir. Par l'incinération, on s'assure que la mort est irréversible, que le mourant ne sera pas enterré vivant et aussi qu'il ne pourra pas revenir - bien que l'incinération soit, dans certaines cultures, compatible avec des récits de métamorphose ou de métempsycose. Un corps incendié peut sembler plus léger, céleste et glorieux, qu'un corps inhumé.

Des funérailles bouddhistes, dans Oncle Boonmee (Apitchatong Weerasethakul, 2010).

 

 

L'incinération évite le pourrissement de l'inhumation, les horreurs de la décomposition du cadavre, mais elle n'évite pas la violence de l'annihilation, de la suppression du corps. En détruisant les traces de la forme humaine, on prive le mort de survie dans le temps et l'espace. Le travail de deuil ne peut plus se rassembler en un lieu qui lui soit propre. Il ne reste que l'image du mort intériorisée qui envahit tout l'espace. Le mort est partout et nulle part, hors du monde et dans le monde. Dématérialisé, il peut être idéalisé, spiritualisé. Dans le même geste, on garde l'autre et on s'en débarrasse, sans médiation, sans support. Entre le survivant et le mort, le rapport est purifié, sans monde (weltlos). Ce qui se révèle alors, dit Derrida, c'est la difficulté ou l'impossibilité du travail de deuil. En l'intériorisant, on le prive de son altérité, on le trahit; et si l'on respecte son altérité infinie, on ne peut pas s'y identifier (incorporation, introjection).

Il est significatif que ce soit dans son analyse de l'incinération, et non pas de l'inhumation, que Derrida introduit deux thématiques essentielles pour lui : le deuil comme essence de l'expérience de l'autre comme autre; et dès lors qu'il n'y a plus de monde, le devoir de porter l'autre en s'adressant à lui, en le tutoyant, selon la formule issue de Paul Celan, Ich muss dich tragen. Puisqu'il n'y a plus de trace physique de l'autre, c'est à moi de le porter dans mon corps. Dans la séance suivante du même séminaire, à propos de la mort de Maurice Blanchot (qui avait demandé à être incinéré), Derrida écrit : "Le posthume devient l'élément même, il se mêle partout à l'air que nous respirons" (p255). L'air que nous respirons, c'est celui que les morts - ceux que nous portons en nous et les autres - ont déjà respiré. Deux fois (pages 236 et 255), il associe l'incinération aux fours crématoires. Avant de citer Paul Celan dans Aschenglorie à la suite de Blanchot, il insiste. "Quant à l'incinération, donc, et aux cendres qui, désormais, dans l'histoire moderne et ineffaçable de l'humanité, ne peuvent plus ne pas métonymiser, dans la conscience et l'inconscient de chacun, les fours crématoires, n'oublions rien". Chaque fois que "je posthume comme je respire", je partage l'air avec celui des morts et des assassinés.

 


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