Derrida
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de Jacques Derrida

Un seul mot - ou un syntagme.

         
   
Derrida, le deuil                     Derrida, le deuil
Sources (*) : Derrida, la folie               Derrida, la folie
Jacques Derrida - "Points de suspension, Entretiens", Ed : Galilée, 1992, p161

 

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"Mourir vivant", un fantasme et plus

La terrible fatalité du deuil, c'est qu'il ne faut renoncer ni à la fidélité, ni à l'infidélité : demi-deuil, double deuil et double folie

"Mourir vivant", un fantasme et plus
   
   
   
               
                       

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Derrida nomme demi-deuil une oscillation entre deux pôles : fidélité et infidélité. L'endeuillé est divisé, partagé entre ces pôles, il ne peut pas choisir ni tenir définitivement l'un ou l'autre. L'expérience du deuil est celle d'une double contrainte, un double bind, une tension entre deux postures :

- fidélité : intérioriser l'autre mort en soi, le garder au-dedans, ne pas le perdre ni le trahir.

- infidélité : laisser l'autre en-dehors de soi comme autre sur le mode d'une impiété filiale, d'une indifférence.

Les deux sont nécessaires. Si l'endeuillé reconnaît l'altérité de l'autre, la respecte, il ne peut pas le réduire à un trait particulier qu'il incorporerait ou introjecterait, comme le recommande Freud (deuil réussi); mais il ne peut pas non plus l'ignorer complèrement. Le demi-deuil évite à la fois la mélancolie (se laisser envahir, s'identifier à la mort de l'autre) et l'ipséité (laisser choir l'autre, le laisser disparaître comme s'il n'avait jamais existé), il laisse coexister les deux postures sans abandonner ni l'une, ni l'autre. Non seulement il les garde, mais il les pousse toutes deux à l'excès. Selon Derrida, les deux sont folles, frénétiques, intenses, mortelles. Il faut être absolument fidèle et absolument infidèle bien que ni l'une ni l'autre de ces postures ne soient tenables, et il ne faut renoncer à aucune de ces deux exigences. Il veut assumer cette terrible fatalité, c'est son choix - un choix qui s'impose à lui, qui vient d'ailleurs, qui vient de l'autre. Son deuil ne sera jamais réussi, il ne sera pas non plus infini (mélancolique), il sera entre les deux, moitié l'un moitié l'autre, l'un et l'autre (double deuil). Et en plus, en outre, la responsabilité venue à lui par décision de l'autre le conduit à concilier ce choix avec une certaine légèreté. Autre oscillation entre la contrainte et le jeu, entre le laisser-venir et le laisser-partir. Le deuil, c'est terriblement sérieux, mais il faut aussi ne pas trop le prendre au sérieux - en même temps.

J'aime toujours ce que j'ai aimé dit-il (p162). Il ne peut pas lâcher l'amour de ce qu'il a aimé même si la chose a disparu, ce qui l'oblige à exiger beaucoup de sa mémoire, bien qu'une telle exigence soit mortifère; et en plus il faut aussi oublier ce qu'on aime, encore une autre façon de mourir. Cette double obligation qu'il se commande à lui-même, c'est une position éthique et même morale dit Anne Berger qui l'interroge. Il ne confirme pas ces mots, mais ne les conteste pas non plus. Il y a de l'éthique, de la morale, mais pas seulement : c'est aussi une question de survie, car pour survivre, il faut rassembler la vie et la mort.

Vibrato (Sébastien Laudenbach, 2017).

 

 

Citation : "Il n'y a pas d'équilibre, il y a deux postures aussi folles l'une que l'autre; chacune séparément est une espèce de folie, de mort, et donc le désir frénétique que j'affirme, c'est de ne renoncer ni à l'une ni à l'autre, parce que toutes les deux sont mortelles. La simple fidélité pure, c'est la mort, l'infidélité aussi. Donc il s'agit d'affirmer une différence la plus tendue, la plus intense possible entre les deux extrêmes. Est-ce qu'il s'agit là de deuil ? Est-ce que la fidélité c'est le deuil ? C'est aussi le contraire. Donc l'impossibilité de faire son deuil, et même la volonté de ne pas faire son deuil, c'est aussi une forme de fidélité. Si faire son deuil et ne pas faire son deuil sont deux formes de fidélité et deux formes d'infidélité, la seule chose qui reste - c'est là que je parle de demi-deuil - c'est une expérience entre les deux; je n'arrive pas à faire mon deuil de tout ce que je perds, parce que je veux le garder, et en même temps, ce que je fais de mieux, c'est le deuil, c'est le perdre, parce qu'en faisant le deuil, je le garde au-dedans de moi. Et c'est cette terrible logique du deuil dont je parle tout le temps, qui m'occupe tout le temps, qu'il s'agisse de Fors ou de Glas, c'est cette terrible fatalité du deuil : demi-deuil ou double deuil Le discours psychanalytique, même s'il est subtil et nécessaire, se tient en deçà de cette fatalité, de cette nécessité. C'est la double contrainte du deuil" (Dialangues, in Points de suspension, p161).

Ce développement sur le demi-deuil est à situer dans l'ensemble que forment les deux entretiens de septembre 1983 avec Catherine David et Anne Berger publiés sous les titres Desceller ("la vieille neuve langue") et Dialangues, dix ans après Glas où surgit la question du deuil. Avant Glas, publié en 1974, malgré la hantise de la mort, on ne trouve presque aucune mention du deuil dans les textes derridiens. Après Glas, il y a eu Fors, La vérité en peinture, La carte postale : le mot et ses variantes (deuil, demi-deuil, double deuil, deuil du deuil) se sont imposés dans sa langue. Le philosophe-écrivain exposé à la perte, à l'oubli, est aussi celui qui doit lire des livres, des textes, les garder, prendre la responsabilité de les réécrire, les regénérer, en garder la garde. Mais pour écrire ces livres (ceux qui sont effectivement publiés), il faut aussi qu'une voix idiomatique, inouïe, dissimulée en lui, reste cachée. Il y a toujours un autre livre qu'il n'écrit pas.

 


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