Derrida
Scripteur
Mode d'emploi
 
         
           
Lire Derrida, L'Œuvre à venir, suivre sur Facebook Le cinéma en déconstruction, suivre sur Facebook

TABLE des MATIERES :

                            NIVEAUX DE SENS :

 DERRIDEX

Index des termes

de l'oeuvre

de Jacques Derrida

Un seul mot - ou un syntagme.

         
   
Derrida, ses livres                     Derrida, ses livres
Sources (*) : "Glas", texte en double colonne               "Glas", texte en double colonne
Jacques Derrida - "Glas", Ed : Galilée, 1974, Derrida, la colonne

Glas (Texte de Jacques Derrida, présenté en double colonne, publié en 1974)

Derrida, la colonne
   
   
   
                 
                       

Pour l'acquérir, cliquez

sur le livre

 

Table

Pour quelques conseils de lecture, voir ici.

Ce texte, qui reprend en partie un séminaire sur "La famille de Hegel" tenu à l'Ecole Normale Supérieure de la rue d'Ulm en 1971-72, se présente en deux colonnes, dans lesquelles sont parfois incrustés des éléments textuels supplémentaires. Cette présentation n'est pas sans précédents. On peut la comparer au texte de Jean Genet paru en avril 1967 dans Tel Quel n°29, intitulé "Ce qui est resté d'un Rembrandt déchiré en petits carrés bien réguliers, et foutu aux chiottes", lui aussi présenté en double colonne, par lequel Glas commence (p7, deuxième colonne) avant d'en proposer une analyse (pp53-55) et d'en mimer l'entrelacement. On peut aussi la comparer à une page du Talmud (ce texte ignoré par Hegel dans "L'esprit du judaïsme", et auquel Derrida renvoie dans Glas, autour des mêmes pages 50s), à la lettre latine Y, à la lettre grecque χ (le chiasme) ou à une double échelle - sans parler de la figure derridienne du double bind, la double bande. Dans le Prière d'Insérer, Jacques Derrida en décrit la structure :

- une colonne "Hegel", dialectique [quelque chose qui peut se discuter, de l'ordre du discours] (le savoir absolu).

- une colonne "Genet", galactique [entendre dans ce mot la blancheur de la syllabe GLAS] (l'Immaculée Conception).

- ce qui se passe entre ces colonnes ou colosses (phalliques), toutes deux tronquées (par le haut, par le bas, par les côtés) est l'enjeu du livre (ou de ce qui n'est peut-être déjà plus un livre). C'est un autre livre, une autre logique, d'autres mots décalés ou inventés, qui mettent en jeu ou en pièces le nom, le corps et le corpus de Derrida lui-même. Ainsi deux colonnes dressées l'une contre l'autre peuvent-elles sonner le glas du sens, de la signification, du signifiant [et aussi des auteurs et des oeuvres, en tant qu'elles sont signées et supposées distinctes les unes des autres]. En multipliant les renvois à ce texte-ci et à d'autres, ces colonnes signalent aussi l'absence radicale de hors-texte.

Une méditation sur le langage, la mort, le reste, le nom propre, passe par un étrange rapport à l'autre texte qu'il faut laisser intact - et aussi infecter, parasiter, co-signer. L'autre texte n'est ni expliqué, ni traduit. Il sonne comme un glas (ou GLAS) - en laissant se déployer, dans leur ambiguité, les significations et non-significations de ce mot, avec ses sonorités et ses lettres. GL, cette syllabe difficile à prononcer, évoque la peur, l'angoisse, l'affect. Transmutée en fleur chez Genet, elle ne signifie plus rien (le coup de glas).

En 1996 (in SDD), commentant sa reparution, Jacques Derrida fait remarquer qu'à part quelques exceptions, ce livre n'est pas lu. Il y a en lui une difficulté particulière, qui ne tient pas qu'au contenu ni à la présentation, mais au rapport texte / autre texte, à leur interpénétration. [Hegel et Genet sont étrangers l'un à l'autre, hétérogènes, et pourtant ils ne le sont pas. Sous un autre mode, Glas répète qu'il n'y a pas de hors-texte].

Il faut peut-être, pour lire Glas, en passer par quelques détours. C'est ce qu'a fait Valerio Adami avec son dessin d'après Glas rebaptisé (par Derrida lui-même) "Ich". En s'y noyant, la peinture ajoute ses flaques de silence à l'océan du texte.

 

 

  ----------------------------

Formulations à partir de ce texte (les têtes de chapitre sont entre crochets) :

 

[Dans les deux portées des colonnes de Glas, le savoir absolu (Sa) et l'Immaculée Conception (IC) se représentent l'un l'autre]

L'ontologie ne peut pas s'emparer du crachat, du rot ou du pet : un reste qui ne reste pas

La généalogie ne peut pas commencer par le père - car il n'est d'éducation que dans la loi

L'amour, noyau essentiel de la famille telle que décrite par Hegel, est aussi ce qui la divise, la partage, la travaille du dedans (auto-affection) et la conduit à sa perte

Dans la "Sittlichkeit" hegelienne, l'amour chrétien "relève" le droit et la moralité abstraite - qui sont associés au judaïsme

D'avance, l'érection est contrée par son contraire : elle est anthérection et aussi anthérection de l'anthérection, habitée par la contrebande; elle est castration de la castration

L'art, c'est espacer, circuler : accoler en décolant plutôt qu'en exhibant la nécessité d'une rhétorique discursive

La gloire du chef d'oeuvre, son habitat colossal, c'est qu'il fait bander devant un cadavre décapité, devant des fleurs, devant sa propre signature, devant rien

Par échange infini entre deux colonnes qui s'entrelacent, s'auto-affectent, les significations se multiplient, les contraires s'équivalent, jusqu'à la sépulture des noms propres

Dans la lutte à mort hegelienne pour la reconnaissance, il faut détruire violemment, exterminer, mettre à mort, anéantir sans reste, la singularité de l'autre comme telle

L'esprit répète son propre souffle, en déployant l'infinie liberté d'une auto-affection

Le lieu de l'anthérection, ce lieu clos et gardé qui est aussi celui de l'être (ce qui bande et dans quoi il est bandé) s'habite toujours comme une province détachée de la mère

Dans sa logique, son onto-théologie, sa détermination du droit, de la politique et de la "Sittlichkeit", le moment familial est inséparable de la structure du système hegelien

L'oeuvre féminine, c'est d'ériger dans la nuit la sépulture où la singularité pure, le nom propre et le cadavre du mort sont inscrits, gardés et protégés de la destruction

Il faut que le funambule risque la mort et la chute, qu'il s'érige, qu'il fascine, pour que la gloire revienne au fil qui l'aura porté

Avec la rhétorique des fleurs (Genet), le surgissement du phallus érigé et la cérémonie mortuaire sont pensés ensemble

Jacques Derrida décline le rêve d'Harcamone comme son livre, sa Genèse, son nouveau testament, son colpos, le labyrinthe ou la crypte du "Je m'éc"

Comme un collier ou une toison, "Glas" fait proliférer les marges où se dissimulent coupure, domination, castration, au prix d'un "Je m'écarte", "Je m'écrase", qui est aussi castration

La contre-épreuve de "Glas", qui ne tient qu'à un fil, c'est que le sujet du texte (signataire ou contresignataire) est porté à risquer la mort, pour sa gloire ou pour le grand art

L'objet de "Glas", c'est le mors, ce morceau qui se détache avec les dents : GL

Il suffit d'écrire "je suis" et déjà, d'avance, sans que rien ne soit annoncé par personne, "je suis" a signé son glas, son arrêt de mort, cette mort qui a déjà eu lieu

Avec l'écriture colossale de "Glas"; il y va du glas de la signification, du sens et du signifiant

Ce que je cherche à écrire - gl - ce n'est pas une structure quelconque, c'est ce qui passe, plus ou moins bien, par la stricture rythmée d'un anneau

Pour Hegel, aucune ontologie n'est possible avant l'Evangile ou hors de lui; l'être ne peut pas être ce qu'il est sans l'unité du père-au-fils, la famille spéculative

Chez Hegel, ce qui semble le plus dégoûtant est relevé, tandis que chez Genet, ce qui semble le plus relevé est habité par l'inassimilable

Hegel en appelle au plérôme de l'amour, cette "belle oeuvre" de Marie-Madeleine la pécheresse, dont la surabondance peut seule briser le cercle de la loi

Avec la dialectique spéculative (Hegel), la mort des parents et l'effacement de la différence sexuelle sont pensés ensemble

En écrivant "Je suis déjà (mort)", en se retranchant d'avance de lui-même, Jacques Derrida repousse, derrière, une menace encore pire

Selon Hegel, la tragédie juive est laide, abominable, elle ne peut éveiller que l'horreur ou le dégoût - qui sont ceux du même Hegel devant la castration

Pour le logos hegelien, l'universelle puissance du concept se joue dans la résonance d'un "Klang" qui se déclenche sans rien vouloir dire, comme son fou ou son muet

En contaminant tout le système de la langue, les effets de nom propre et de signature dérobent les critères rigoureux de cadrage proposés par la linguistique

Nommer est un don généreux, inaugural, mais c'est aussi arraisonner, identifier, s'approprier violemment ce qu'on nomme

Penser l'être comme vie dans la bouche, dans l'unité du père et du fils, c'est le logos

La mère fascine depuis l'absolu d'un "déjà" qui produit l'excès, le terrible, la jalousie - depuis un passé absolu pire que la pire scène imaginable

Quand on laisse résonner le mot absent ou l'imprononcé comme un métalangage, on fait vivre le langage mais on aboutit à l'agonie interminable du métalangage

Je ne cesse de décapiter le métalangage ou plutôt de lui replonger la tête dans le texte pour l'en extraire régulièrement, l'intervalle d'une respiration

Logique de l'obséquence : "Je suis la mère qui survit toujours à ce qu'elle aura engendré"

La double opération de la fleur chez Genet ("Le miracle de la rose"), plus naturelle et plus artificielle que toutes, indéchiffrable et imprenable, c'est l'oeuvre d'art

La peine de mort échappe à tout calcul qui chercherait à établir une équivalence entre elle et le registre du crime : elle n'innocente pas, ni ne compense, ni n'annule la dette

Assumer ou dénier la castration, cela revient au même : c'est donner un sens au phallus, lequel n'a ni lieu, ni trajet, ni signification, ni aucune possibilité de relève

Il faut, pour assurer l'espace de possibilité d'un système, un élément exclu, abyssal, absolument irrecevable, qui joue le rôle d'un quasi-transcendantal

Dans le mouvement rythmique des moments hegeliens, un moment de "striction" - arrêt, inhibition ou retrait - conditionne le progrès ou le déploiement des puissances

Il n'y a pas plus de pur arbitraire du signe que de pure motivation : les deux se contaminent l'un l'autre

On peut penser le savoir absolu, mais on ne peut ni le signer ni en écrire le texte

L'enjeu de la signature est la filiation; mais celle-ci se perd, et ce qu'il en reste n'est qu'un excrément échangeable contre un revenu : le droit d'auteur

Dans la guerre à mort pour la signature, le texte, qui ne reste à personne, bat dans un lieu nourricier, une cavité utérine (colpos)

Un texte ne se laisse lire ou écrire que s'il est travaillé par l'illisibilité d'un nom propre; que si, en touchant à la signature, le nom résonne et se perd

La logique du signe, basée selon Saussure sur l'arbitraire du signifiant, relève selon Derrida d'une autre logique : celle du mors et de l'anthérection

La "striction" (ou stricture) derridienne traduit la relève hegelienne (Aufhebung) : reconnaître la liberté du criminel qui, en glorifiant la peine de mort, s'assujettit à la loi

La double bande de Glas met en jeu deux désirs inconciliables : délinéariser ("J'érige pour que vous ne puissiez pas me châtrer") / linéariser ("Je me châtre moi-même")

Dans le texte de Genet, la toison pubienne (erion), érigée en tissu d'écriture, tourne en dérision tout ce qui se dit de la vérité ou du phallus

Antigone, la figure de la soeur, est pour Hegel l'inassimilable, l'indigeste absolu, inclassable et irrecevable dans le système transcendantal de la famille

Quand je signe "J.D.", je suis déjà mort - ce "déjà" est la signature d'un autre

Dans le mot "Derrière", Jacques Derrida reconnaît, en lettres dorées sur sa tombe, le nom de son père

Jacques Derrida déclare que, dans Glas, son nom, son corps, son corpus et son seing sont mis en pièces

Dans la lecture hegelienne du judaïsme, sa loi et ses coupures, on peut lire la structure conceptuelle de la castration

Selon Hegel, le Juif circoncis est comme la tête de Méduse qui transforme en pierre tout ce qu'elle regarde ; une pure castration, sans relève possible

Sous le texte de l'alliance, sous la pierre du temple, sous la tente du Tabernacle, le propre du Juif est un espace vide qui lui est infiniment étranger : la loi

Le texte r(est)e - tombe, la signature r(est)e - tombe - le texte. La signature reste demeure et tombe. Le texte travaille à faire son deuil. Et réciproquement

Dans la "fleur" de Genet - qui, d'un coup de glas, ne signifie plus rien -, la déconstruction pratique de l'effet transcendantal est à l'oeuvre

Par un labeur minutieux et compulsif, Jean Genet a tout affecté de ses signatures, y compris les objets manquants; il a fait de son texte son glas et son propre enterrement

Dans le "Ceci est mon corps" de la Cène christique, ce qui se mange et se consume, ce supplément incalculable qui "est" "comme" rien, c'est l'esprit

Abraham est si attaché à la séparation qu'il impose la circoncision, ce signe ou ce simulacre de castration, à lui-même et à ses descendants

Le judaïsme est une loi révélée, vide de tout contenu, qui n'apporte ni connaissance, ni vérité, dont le secret est séparé, coupé, infiniment éloigné, exproprié

Entre maison, sculpture et architecture, les colonnes phalliques de Hegel, lisses ou entaillées, occupent une place indéterminable, "avant" la famille ou l'Etat

Le michkan (Tabernacle, ou Demeure du Saint des Saints) est fait de textures (ou tentures, ou tapis, ou étoffes, ou bandes) dont il faut sans cesse remployer l'excédent

Glas (Texte de Jacques Derrida, présenté en double colonne, publié en 1974)

 


Recherche dans les pages indexées d'Idixa par Google
     
 
 

 

 

   
 
     
 
                               
Création : Guilgal

 

 
Idixa

Marque déposée

INPI 07 3 547 007

 

Sources
DerridaBiblio

1974_GLASAA

DerridaGlas

AA.BCB

DerridaColonne

YG.KKG

YYA.1974.Derrida.Jacques

Rang = ZZB_Derrida_Glas
Genre = -