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Un seul mot - ou un syntagme.

         
   
Derrida, ses livres                     Derrida, ses livres
Sources (*) :              
Jacques Derrida - "La carte postale, de Socrate à Freud et au-delà", Ed : Flammarion, 1980,

La carte postale de Socrate à Freud et au-delà (Jacques Derrida, 1980) [LCP]

   
   
   
                 
                       

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Table

p5 : Envois (courriers envoyés entre le 3 juin 1977 et le 30 août 1979, introduction datée du 7 septembre 1979).

Il y a une étrange concomitance entre la publication de ce livre composé de cartes postales envoyées entre 1977 et 1979 et ce qu'on appelle le "Mail Art", un courant de l'art dont l'apogée se situe à peu près dans la même période, entre 1965 et 1975. Comme Ray Johnson (fondateur plus ou moins autoproclamé du "Mail Art"), Jacques Derrida met à l'épreuve les statuts d'auteur, de destinataire et de cosignataire d'une "oeuvre". Comme Ray Johnson, son attitude est paradoxale. D'une part, il exalte l'"adestinerrance" de la carte postale, qui pourrait n'atteindre jamais aucun destinataire, et d'autre part, par la publication même, il force la carte postale à faire retour à son auteur.

On trouve dans ce livre trois fois reproduite la même image : Socrates et Plato, détachée d'un "livre de sort" (fortune-telling book) du 13ème siècle, une fois en couleur, entre les pages 262 et 263, une fois dessinée, p268, et une fois dépliable à la fin, présentée comme une sorte de décalque.

 

p275 : Spéculer - sur "Freud" (Reprise de la troisième "boucle" du séminaire de 1975 intitulé "La Vie la Mort", correspondant aux quatre dernières séances).

p277 : 1. Avertissements, avec les sous-parties : L'athèse (p277), Je nous écrit (p292), Un deux trois - La spéculation sans terme (p303)

p313 : 2. Legs de Freud, avec les sous-parties : Le "même toit" de l'autobiographie (p314), Le conjoint des interprétations (p327), "La séance continue" (retour à l'envoyeur, le télégramme et la génération des gendres (p341). Ce texte a été publié dès 1978 dans la revue Etudes Freudiennes (n°13-14). On trouve dans le tapuscrit du séminaire un autre titre éventuel, écrit en couleur : Fortsein, Auto - bio - thanato - etero - graphique.

p359 : 3. La paralyse, avec les sous-parties : La zone, les postes, la théorie porteuse du nom (p359), Courriers de la mort (p376), Trafic d'héritage : la dette de Platon (p393)

p413 : 4. Sept : Post-scriptum, avec les sous-parties : L'insolvable - effet de poste (p413), Platon derrière Freud (p422), Fort : Da, le rythme (p433). [Avec ce titre "Sept : Post-scriptum", Derrida imite le plan en sept parties d'Au-delà du principe de plaisir, comme il le fera en 1996 pour Le mot d'accueil, texte consacré à Emmanuel Lévinas, publié dans Adieu].

Spéculer - sur "Freud" est une analyse serrée du livre de Freud, Au-delà du principe de plaisir (1920). Il est composé de quatre parties, contenant chacune trois sous-parties, ce qui, en comptabilité simple, devrait faire douze. Mais curieusement la quatrième partie est intitulée "Sept : Post-scriptum". Ce titre étrange ne renvoie pas au septième chapitre du livre de Derrida, mais au septième chapitre du livre du Freud, qui est précédé (à la fin du sixième chapitre) par un passage que Derrida qualifie de "post-scriptum" - comme si le livre de Freud était déjà terminé, quelques pages avant la fin de cet avant-dernier chapitre. Mais "sept" vient ici pour le nombre de jours de la semaine. A un moment donné, d'un seul coup, Freud arrête sa spéculation. Il dit "Ça suffit!" et laisse, sans conclure, au lecteur le soin d'interpréter ce qu'il a écrit. Ce geste est celui du dernier jour de la création biblique, le jour du retrait, du repos, quand Dieu laisse à l'homme la responsabilité du dernier mot. Derrida répond à cette injonction, il interprète le texte de Freud. Selon lui, on ne peut écrire sur la plus silencieuse des pulsions, la pulsion de mort, qu'en s'interrogeant sur un commencement qui, irréparablement, s'est retiré. Le souci freudien de restaurer l'origine ne peut qu'échouer. Mais Freud n'en reste pas à ce souci. En reprenant à son compte le jeu de son petit-fils, il jette à son tour une bobine, il l'éloigne, créant ainsi le mouvement de retrait qui spécifie sa scène d'écriture.

Pour l'oeuvre marquée par le retrait, Jacques Derrida a introduit, dans Glas, le mot stricture. Dans Spéculer sur Freud, il propose une autre présentation, encore plus bouleversante car elle touche à la pulsion de mort comme entrée dans l'oeuvre freudienne et dans la sienne propre, l'oeuvre derridienne. Ce qu'il nomme graphique de la différance, découvert dès L'Ecriture et la différence (1967) dans la scène d'écriture freudienne, est introduit par une sorte de triplement des modalités de l'oeuvrance à partir de l'oeuvre-jeu de son petit fils : le oooo-aaaa de Ernstl, le Fort/Da de Freud et le Fort:Da de l'hymen derridien s'organisent dans Spéculer - pour "Freud" en stricture qui se lie elle-même (1, 2, 3 en un). Ils sont désormais tous trois réécrits, indissociables. On peut analyser ces trois oeuvres, mais pour aucune des trois, on ne peut s'arrêter à une thèse. En tant qu'oeuvres dignes de ce nom, athèses, spéculations obliques hantées d'avance, comme le principe de plaisir, par le tout autre, elles excluent toute délimitation sur le mode académique et induisent, selon Derrida, une déconstruction générale. Pas plus que certains concepts freudiens comme le refoulement, un principe ne se démontre. On ne peut que le mettre en oeuvre. C'est le cas du principe de l'oeuvre comme des autres principes.

Les pulsions de mort s'écrivent en silence, elles sont inaudibles, mais toujours déjà à l'oeuvre. Dans toute oeuvre, elles parlent en se liant à elles-même. Pour que l'oeuvre s'érotise, pour qu'elles attirent l'intérêt, il faut qu'elles échouent, et alors ça parle. Il ne s'agit pas seulement de l'effacement de l'auteur, de l'intention, etc., dans la trace écrite, il s'agit du cheminement des pulsions de mort en tant qu'elles sont indissociables de la vie (car toute organisation vivante ne veut mourir qu'à sa façon), la-vie-et-la-mort. Il faut que Freud raconte l'histoire du principe de plaisir, son autorité, sa souveraineté absolue - car c'est de là que la psychanalyse est partie, cette histoire est aussi son autobiographie; mais il faut aussi qu'il consente à faire cet aveu : avec les pulsions de mort, le principe de plaisir se retire, lui aussi. Il faut préserver à la fois la capitalisation de la jouissance par l'appareil psychique (maîtrise, autorité), son retour dans la famille, et l'étrangeté incontrôlable de la compulsion de répétition. D'un côté, l'auto-institution de la psychanalyse se noue comme un hymen, mais d'un autre côté, elle est menacée, ruinée. Partout revient la modalité stricturale qui, comme le plaisir, joue sur les tensions pour les perdre. Qu'adviendra-t-il alors du nom du Freud?

Je m'en fiche, répond Freud en substance dans son septième chapitre. Et c'est à partir de là, de ce je m'en fiche, que son oeuvre s'écrit. Il se sait condamné à mort, mais en faisant oeuvre, il garde la vie. Quoique testamentaire, inséparable d'un effet de nom propre, l'oeuvre résiste à l'esthétique fonctionnelle guidée par le principe de plaisir. Quand l'avenir semble se refermer (mort de son petit-fils, cancer de la bouche), Freud se laisse aller à pleurer. Il peut enfin implorer, acquitté de toute dette, sans avoir à se justifier. Implorer, c'est laisser l'autre s'immiscer dans un travail qu'on ne maîtrise plus tout à fait. Dégagé de son obligation de payer son écot à la science, libéré de toute promesse de guérison, à l'écart des pulsions de pouvoir et des motifs quasi-transcendantaux qui vont avec, devenu insolvable, il pourrait enfin se retirer jusqu'au bout, renoncer même à sa signature. Cette tentative de franchir la limite du principe de plaisir aurait-elle pour lui opéré comme un vaccin le protégeant contre une certaine maladie, celle qui le poussait à inscrire les phénomènes psychiques dans une doctrine, un système conceptuel héritier de la métaphysique? Et cette oeuvre-là, datée de 1920, loin d'être ultime, montrerait-elle la pointe extrême, la ligne de rebroussement du faire-oeuvre?

 

p439 : Le facteur de la vérité (première publication in Poétique 12, 1975 dans le numéro spécial composé par Philippe Lacoue-Labarthe sous le titre Littérature et philosophie mêlées).

Plus tard, Jacques Derrida rapprochera ce texte de quatre conférences données sous le titre Donner le temps.

 

p525 : Du tout (à partir d'une discussion qui a eu lieu le 21 novembre 1977, publié une première fois dans Confrontation 1, 1978).

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Formulations à partir de ce texte (les têtes de chapitre sont entre crochets) :

 

[La lettre derridienne est disséminante, tandis que celle de Lacan est indivisible, toujours identique à elle-même, quels que soient les morcellements de son corps]

La structure disséminale, c'est qu'il n'y a pas de retour possible de la lettre

Pour construire la scène du signifiant et du signifié, la logique du signe doit exclure le problème du cadre, de la signature et du parergon

Par sa théorie du symbolique, Lacan tente de contrôler l'affolement angoissant que provoquent les renvois de simulacre à simulacre, de double à double

La structure restante de la lettre, c'est que sans la menace de ne pas arriver à destination, son circuit n'aurait même pas commencé

La structure des effets d'encadrement est telle qu'aucune totalisation de la bordure ne peut s'en produire

Entre les motifs du voile et de la voix, il y a une complicité structurelle

Le phallogocentrisme est une chose qui parle d'elle-même : elle a toujours raison quand elle s'entend

La structure (ou stricture) principe de plaisir / principe de réalité / pulsion de mort (1, 2, 3 en un) est celle de la différance : si elle s'interrompait, ce serait l'arrêt de mort

[Jacques Derrida] voulait, avant tout, faire un livre, pour [52] raisons qui restent secrètes, obscures, encryptées - détruites

Avec le Fort/Da, par un contrat étrange qui lui est propre, Freud institue une nouvelle charte pour toute autobiographie possible

La scène d'écriture freudienne reste irrésolue, sans bord, sur la ligne de plus haute tension, sans franchir la limite de l'"Au-delà du principe de plaisir"

Freud spécule sur une "graphique de la différance" qui n'appartient ni à la science, ni à la philosophie, et qu'il ne peut interroger pour elle-même

Le jeu du Fort/Da, c'est aussi celui de l'écriture freudienne qui s'auto-institue en donnant à lire la structure formelle de ce qu'elle fait : une proximité qui s'éloigne en abyme

En jetant et faisant revenir la bobine, l'enfant du Fort/Da - ou Fort:Da - associe dans un hymen la dissociation et la conjonction, la séparation et la dissémination

Par le jeu du Fort/Da, Freud s'assure du retour du principe de plaisir dans sa maison (la psychanalyse), sa famille (son petit-fils), il reproduit sa marque dans l'institution

L'hypothèse de l'"athèse" chez Freud, c'est que la structure de son texte, sa spéculation, ne correspond à aucun genre, aucun concept concevable, aucun modèle préétabli

Le "pas au-delà" de Freud dans "Au-delà du principe de plaisir" tient à l'impossibilité de s'arrêter à une thèse ou une conclusion posée comme théorique ou scientifique

Freud parle depuis une scène d'écriture auto-hétéro-thanato-graphique où son bon plaisir a le dernier mot; en ce non-lieu, il est acquitté de toute dette

A chaque "pas de plus", la scène d'écriture freudienne, auto-bio-thanato-hétéro--graphique, se retire, suspend ou paralyse le "pas au-delà" qu'elle engage

La lettre lacanienne, comme le signifiant, est unique, indivisible et indestructible; son trajet propre la reconduit toujours à son point de départ

Un ensemble travaille silencieusement à se lier lui-même; plus il y a de forces encore libres, plus il se sexualise et s'érotise

Freud a connu la pire expérience : la mort d'un enfant, la perte irrémédiable d'une filiation, la crainte d'un avenir clos, sans alliance, et alors il a pleuré

Dans ce qui fait oeuvre, il y a ce dont on n'hérite pas et à qui rien ne revient (le narcissique, l'immortel) et ce dont on hérite (ce qui, condamné à mort, garde la vie au-delà de la mort)

Au-delà du principe de plaisir, le "pas au-delà" resté interdit pour Freud, insaisissable par une esthétique du plaisir mais déchaîné, désentravé, délié, "fait-oeuvre"

Le système de la "parole vraie et authentique" s'appuie sur la responsabilité dans son sens le plus humaniste : s'acquitter adéquatement de ce qu'on doit (devoir et dette)

La femme, comme figure de la castration ou de la vérité, fait revenir, en sa demeure, le phallus ou le signifiant

Le plaisir, Freud ne sait pas ce que c'est : concept inconcevable, passage qui n'arrive qu'à s'effacer, hymen qui revient à son point de départ, stricture qui se lie elle-même

Entre nous, tout n'a-t-il pas commencé par une reproduction? [Devant Platon, qui montre la voie, c'est Socrate qui écrit]

Les pulsions de mort, toujours déjà à l'oeuvre, s'écrivent en silence, elles se laissent entendre comme inaudibles

Le motif du pouvoir joue à l'égard de la pulsion de mort le rôle de prédicat quasi-transcendantal : il permet de la définir, mais il est débordé par elle

Le principe de plaisir revient toujours à lui-même, mais une hétérogénéité différantielle, une supplémentarité, un tout autre hantent ce retour à soi

La maîtrise du principe de plaisir, c'est la maîtrise en général, celle qui, par idéalisation, capitalise la jouissance

Si le principe de plaisir est un principe premier, il faut raconter son histoire, croire en sa souveraineté, son autorité absolue, mettre les pulsions au service de ce maître qui parle haut

Dans la spéculation freudienne sur le principe de plaisir, la possibilité du tout-autre est d'avance inscrite à même ce principe, en tant qu'ininscriptible

Un "principe" se manifeste comme une tendance générale qui ne cesse de parler; les obstacles qui l'empêchent de s'accomplir ne font que le confirmer

Si la psychanalyse avait été reconnue comme science, Freud l'aurait payé de son nom - mais c'est comme "oeuvre" qu'elle opère, inséparable d'un effet de nom propre

Les pulsions aident l'organisme à mourir de sa propre mort : une force qui garantit le retour au plus proche de soi, plus forte que "la-vie-et-la-mort"

La pulsion d'emprise ou de pouvoir est irréductible à aucune autre : c'est elle qui règle le principe et l'économie du plaisir

Le refoulement n'est concevable qu'à partir d'un acquis psychanalytique supposé irréductible - qui suspend le contrat minimal de la signification

La compulsion de répétition freudienne, cette force démonique, appartient à la structure du testament

Le système du signifiant entretient un effet de cadre, une logique du quart exclu où se dérobe la restance du texte

Pour Freud, la fonction de stricture la plus originelle de l'appareil psychique est le lien (binden) : serrer, bander, maîtriser, poser, suppléer, substituer, envoyer un représentant

"Au-delà du principe de plaisir", Freud transgresse l'économie même; ne pouvant s'acquitter de ce qu'il promet, devenu insolvable, il choisit de se retirer

En lisant des textes autobio- ou autothanato-graphiques, on peut repérer des lieux ouverts à la traversée de suppléments parergonaux - vers l'hétérothanatographie

Le vivant n'est rien d'autre qu'un réseau de différences de forces - qui conduisent toutes à l'inorganique, la mort

Emphase de la parole, la logique lacanienne du signifiant appartient au système logocentrique de la vérité

La voix est le lieu idéal du phallus - sur sa présence s'édifie le "phallogocentrisme"

Chez Freud, il n'y a jamais "la" répétition, mais une stricture différantielle qui enserre le principe de plaisir, comme un lacet de chaussure, et induit une déconstruction générale

Il y a dans le texte de Freud "Au-delà du principe de plaisir" sept chapitres - comme dans le récit biblique de la création

Le texte de Freud redouble fictivement celui qu'il explique, en prétendant dévoiler une vérité "nue" qui aurait déjà été en lui

La carte postale de Socrate à Freud et au-delà (Jacques Derrida, 1980) [LCP]

 


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