L'esprit du judaïsme et L'esprit du christianisme et son destin sont des textes de jeunesse, écrits en 1797-99 et jamais publiés du vivant de Hegel. On peut les lire comme une matrice conceptuelle de l'oeuvre à venir (la philosophie de la religion, celle du droit, la Phénoménologie de l'esprit). C'est déjà la question ontologique qui est posée. Le "est" (la copule) ne peut se dire que dans une unité, une conciliation entre le père et le fils, une présence du père dans le fils. Dans toute proposition, il faut concilier le sujet et le prédicat, les enlacer l'un autour de l'autre pour ne former qu'un seul être. La division originaire (de l'infini, de l'homme, de l'homme avec Dieu) ne peut se penser que dans une filiation. L'être selon Hegel ne peut se déterminer que comme subjectivité (ou liberté), et doit pour cela traverser le destin du christianisme. Il ne peut se penser que dans le Christ. Or la question du christianisme, sa mise en scène (ou en cène) est inséparable du familial. Hegel rejette l'objectivité de la loi ou des commandements (le rituel juif), il récuse l'universalité formelle et l'hétéronomie kantienne (la loi morale). Tout ce qui vient de l'extérieur ne peut être que pathologique, ou tyrannique.

Le Christ prêchant selon Rembrandt (1643).

On ne peut accomplir la loi que dans le mouvement de la vie, par l'amour, la réconciliation proposée par Jesus dans le Sermon sur la montagne, cet événement qui pose les bases d'un autre génie, d'un autre monde dans lequel les opposés ne s'opposent plus, d'un mouvement de synthèse et de débordement que Hegel désigne sous le nom de plérôme.