Derrida
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TABLE des MATIERES :

                            NIVEAUX DE SENS :

                     
                     
Le judaïsme, indéfinissable                     Le judaïsme, indéfinissable
Sources (*) : L'hébreu vient d'au - delà du fleuve               L'hébreu vient d'au - delà du fleuve
Pierre Delain - "Miqra, plus d'une lecture", Ed : Guilgal, 2016-2020, Page créée le 9 octobre 2005

 

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Toujours audible? La voix hébraïque

[L'"être juif" est étranger à toute définition]

Toujours audible? La voix hébraïque Autres renvois :
   

Sur la shoah

   

Derrida et le judaïsme

   

Art et judaïsme

Autres controverses du Quai Autres controverses du Quai
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Le judaïsme comprend au moins trois éléments. 1/ Le Juif est celui qui respecte les préceptes de la tora, une posture qu'on peut résumer par la formule traditionnelle : Nous ferons et nous entendrons. C'est le facteur religieux. 2/ Les juifs sont un peuple. Certes ses limites sont variables. Selon les époques, le nom du père, la religion de la mère et d'autres facteurs généalogiques ou juridiques (par exemple l'acte de mariage, la ketouba) ont été pris en considération. 3/ Avec l'élément supplémentaire commence la difficulté. Dire Moi, je suis juif, implique autre chose : une injonction, un commandement, un appel, une décision qui, pour chaque Juif, vient avant lui et l'engage de manière irrécusable, indéniable, irrévocable. Le Juif est porteur d'un secret, d'une élection, d'un passé, d'une expérience ou d'un je ne sais quoi énigmatiques, que l'on qualifie de judéité faute de meilleur mot et pour désigner le fait qu'on peut être juif sans se reconnaître dans la religion ni dans la communauté. Selon Freud, ce troisième facteur est l'essentiel du judaïsme. Il l'assume avec fierté, mais ne se risque pas à en donner une définition.

 

Disparité, disjonction, étrangeté.

Bien que "Juif" soit une désignation collective, les juifs s'assemblent difficilement. Ils sont différents les uns des autres par leur culture, leur histoire, leurs choix, etc... et en plus ils sont différents d'eux-mêmes. L'identité juive reste un mystère. Rechercher un dénominateur commun à tous ceux qui se reconnaissent dans ce mot, juif, est voué à l'échec. Le Juif est attaché à son origine mais il s'en arrache volontiers. Il admet souvent être étranger à ce qu'il est, ce qui implique aussi qu'il soit étranger aux autres (mais c'est plus difficile à assumer). On le croit différent, essentiellement et originairement différent, mais on ne sait pas en quoi consiste cette différence. Cette étrangeté qu'il représente ou symbolise, qui est inscrite en lui, ne lui est pas spécifique. C'est une Chose qu'on peut dire juive mais qui est aussi commune à tous les hommes, à l'humain. Si l'authentique ne se sépare plus de l'inauthentique, ce sont toutes les distinctions conceptuelles qui sont déconstruites. A chacun, il faut un étranger, et le Juif occupe la place de cette disparité.

S'il apparaît comme illégitime, c'est parce qu'il a déjà renoncé à son unité. Peut-être cette singularité illimitée, qui n'est pas une singularité puisqu'elle est partagée par tous, explique-t-elle la démesure de l'antisémitisme. La haine anti-juive est toujours incohérente, elle repose sur une série d'accusations paradoxales. Peut-être la Shoah elle-même ajoute-t-elle à cette démesure un terrible et incommensurable poids de réel.

 

Peuple, nation, religion.

On peut dire que les Juifs sont un peuple, en ce sens qu'ils sont le produit d'une suite de générations (qui n'est certainement pas homogène sur le plan ethnique, mais qui fait la preuve d'une certaine continuité). Le Juif se pense porteur d'une mémoire, prétend transmettre un message universel, mais il est rarement capable d'en définir le contenu. Les athées étant innombrables parmi les Juifs, ce message peut difficilement être purement religieux. On s'appuie alors sur d'autres généralités : le judaïsme comme parole de libération, le Dieu qui dit "je" (à l'opposé d'une puissance abstraite) et procure ainsi à l'homme son libre-arbitre, la divinité qui se confond avec l'être (sous des modes qui, entre Spinoza et Lévinas, peuvent être très différents les uns des autres), un enracinement dans le Soi le plus profond. Il y a dans tout cela et bien d'autres considérations une part de vérité, mais rien qui puisse épuiser le sujet.

On reproche souvent aux Juifs de se prendre pour le peuple élu. Mais eux-mêmes ignorent ce que signifie cette "élection". Le sens de Am Segoula en hébreu est plus complexe et plus obscur : peuple-trésor, peuple-médicament, peuple de la distinction. En se nommant ainsi, ils peuvent imaginer qu'ils se retirent d'une humanité dont pourtant ils font partie. Ils ont payé cher cette croyance et y ont renoncé, de facto, quand ils ont créé une nation moderne sous le nom d'Israël. Cette nation est légitime, c'est l'exercice d'un droit, mais son comportement ressemble à celui de n'importe quelle autre nation. Sous cet angle le projet sioniste est un succès : la nation israëlienne et le peuple juif ne peuvent pas être confondus.

 

Loi.

Le Juif est attaché à la loi. Mais quelle loi? Elle n'est jamais univoque. Il y a la loi écrite, la loi orale, la troisième loi (athée), et encore d'autres lois au-delà de la loi, qui s'imposent avec d'autant plus de force qu'elles n'apportent aucune connaissance, aucune vérité définitive. L'interrogation étant inapaisable, les questions viennent en série. Par exemple :

- "Qui était Moïse?". Comme le talmud le raconte, Moïse n'a jamais su comment évoluerait la loi. Il y a toujours en elle du surplus, des éléments à découvrir, des inattendus.

- S'il est impossible d'appliquer tous les commandements, lequel est le plus important? Pour un Juif irreligieux, la réponse est claire : écrire un livre.

A chaque fois que je parle avec un autre (Juif ou non), ma place est redéfinie.

 

Nom.

Pour Sartre, "Juif" est un nom spécial, sans contenu. Est désigné comme Juif celui qui se trouve dans une certaine situation. L'accent sur le nom rejoint la mystique juive traditionnelle du Nom. N'est-il pas imprononçable?

Est Juif celui qui, à la question "Qui es-tu?" répond : Je suis Juif.

 

De la dette à la réparation à venir.

Le judaïsme a beaucoup donné (par exemple aux chrétiens, qui entretiennent avec lui une relation quasi-oedipienne), mais ce qui lui a été prêté (la tora ou la terre) ne lui appartient jamais définitivement. Cela peut lui être repris, et il en sera ainsi jusqu'à la fin des temps. Le peuple juif n'a rien en propre, sauf cet endettement originaire qui l'assigne à une certaine place et à un certain mouvement historique orienté vers l'avenir. Car la loi ne se met pas en place par la causalité, mais par la prescription.

 

Voix, invocation, affect.

Pourquoi les Juifs sont-ils haïs et méprisés par les autres peuples? Ils rappellent qu'il y a eu une voix, mais qu'elle s'est tue. Pour tous les peuples, la voix s'est perdue, sauf peut-être pour eux. Ils l'ont encore, cette voix fragile qui s'est retirée. Ils sont le symbole du manque, de l'incapacité et de l'impuissance de tous les autres.

Mais comment se fait-il que même les Juifs sans religion occupent cette place? Il y a en eux une construction psychique inaccessible à l'analyse, qui ne peut pas être dite par des mots, qui semble s'interposer quelque part entre cette voix perdue et une dimension inconnue. Ce peuple du retrait de la voix semble posséder l'étrange faculté d'entendre l'inaudible et d'être entendu de lui [même s'il n'y croit pas]. Il est aussi celui de la présence de la voix.

 

Modernité.

Avant même la première Renaissance, la modernité aura commencé avec le Talmud, ce montage baroque de droit, de rigueur, de littérature et d'incertitude. Depuis le début, par sa complexité, sa liberté absolue, sa tendance à la surenchère, le judaïsme de la diaspora était prédestiné à la postmodernité. Ce n'est pas un hasard si, dans les mondes modernes, les Juifs ont si souvent occupé les premières places dans la pensée, la vie sociale, l'économie et l'art. Ils étaient, depuis le départ, des spécialistes du basculement, et leur alliance plus récente avec la théologie négative a accentué ce phénomène.

 

 

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Propositions

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Tout essai de ramener la définition du juif à un dénominateur commun échoue devant la réalité de la division

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L'élection juive est suspendue à une incertitude qui affecte aussi la réponse : "Je suis Juif"

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La source la plus pure de l'étrangeté du peuple juif est qu'au coeur de son identité, il ne peut pas être identique à lui-même

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L'existence juive inscrit structurellement l'étrangeté dans la vie des peuples de l'humanité

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Il est difficile et vertigineux de dire "Moi, je suis Juif", en sachant et en voulant dire ce qu'on dit, car l'expérience de l'être-juif témoigne d'un non-savoir

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Les juifs sont l'irreprésentable différence originaire

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La démarche juive est un arrachement à l'origine, afin de retrouver le aleph

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Le judaïsme a été une création de l'exil, en un siècle où naissaient la philosophie et de nouvelles formes d'installation de l'homme dans le monde

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[L'antisémitisme repose sur une série d'accusations paradoxales : en-plus et en-moins, en-trop et pas-assez (de plénitude, de faille, d'identité, de limite, d'avoir, etc...)]

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L'enracinement dans le Soi le plus profond est le secret de l'éternité du peuple juif, et l'expansion au-dehors le secret du christianisme

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Les juifs sont un peuple mais pas une nation, car la souveraineté ne leur appartient pas

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Le peuple juif échappe à la définition usuelle du peuple : il ne peut ni s'assembler ni être co-présent à lui-même

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On peut interpréter l'être juif, alliage d'un peuple singulier et d'un message universel, comme une promesse et un avenir pour la modernité

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Il faut que perdure la différence entre "nation" israëlienne et "peuple" juif

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La distinction moderne entre peuple juif et nation israëlienne reprend la distinction biblique entre "eda" (le témoin) et "am" (la cité)

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Un Juif peut être athée sans renoncer au judaïsme

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On ne peut pas séparer le judaïsme (culture, religion) de la judéité (essence juive)

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"Nous ferons et nous entendrons" (Naassé ve nichma)

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Le judaïsme n'est pas une religion, il est une compréhension de l'être

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Le 613ème commandement, c'est que chaque Juif doit écrire un livre

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Les Juifs sont le peuple du retrait de la voix

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La destinée du peuple juif est de s'interposer entre la voix et le chiffre

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Le juif est méprisé car il rappelle que la voix est perdue pour toujours

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La prière "Ecoute ma voix, Eternel notre dieu" exprime l’essence du désir juif

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Ce qui est commun à tous les Juifs d'aujourd'hui est la Chose juive

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Le propre du Juif est "un je ne sais quoi de miraculeux - jusqu'ici resté inaccessible à toute analyse", auquel Freud n'a jamais voulu renoncer

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Qu'est-ce qui est encore juif chez celui qui a renoncé à tout le patrimoine de ses pères? Beaucoup de choses, et probablement l'essentiel

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L'idée d'un être-endetté originaire (culpabilité, responsabilité), avant tout contrat, est inexplicablement couplée avec celle du juif

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Qu'est-ce qui, pour un Juif, rend irrésistible l'attrait du judaïsme? Le "sentiment intime d'une même construction psychique", qui ne se laisse pas saisir par les mots

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"Être juif", c'est l'expérience d'une proximité irrécusable, indéniable, décidée pour nous, avant nous, mais sans que soit jamais assurée une appartenance stable au judaïsme

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Une élection secrète voue le Juif au silence

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Le nom de Juif est un nom spécial (unheimlich) : à la fois chez soi et dehors, intime et étrange - comme la révélation de l'acte sexuel

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[Avec le Juif va son nom, l'imprononçable]

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Le concept "Juif" n'existe pas; seul existe le groupe de ceux qui, à la question "Qui es-tu?" répondent : "un juif" (comme Jonas)

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Une surenchère hyperbolique gouverne le rapport du Juif non communautaire au judaïsme : "Moins tu es juif, plus tu l'es"

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[Dans la pensée juive, la place de l'autre (celui qui me parle) n'est jamais occupable par moi]

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Tu aimeras Dieu de tout ton surplus

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La spécificité de l'identité juive est d'avoir maintenu le souvenir de l'étrangeté humaine dans la civilisation

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L'"être-juif" déconstruit la distinction entre authentique et inauthentique, voire toute distinction conceptuelle

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"Avec quoi l'antisémitisme n'est-il pas compatible?" - Qu'on ne puisse compter sur aucune réponse positive et déterminée annonce la démesure essentielle de cette chose

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[La question ultime de toute recherche sur la religion juive restera toujours celle-ci : Qui était Moïse?]

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Le judaïsme est une loi révélée, vide de tout contenu, qui n'apporte ni connaissance, ni vérité, dont le secret est séparé, coupé, infiniment éloigné, exproprié

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Le judaïsme dit "Il y a une loi"; refusant l'ontologie, il ne peut penser la prescription qu'en termes d'avenir

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On ne peut arrêter en soi l'obscure et incertaine expérience de l'héritage juif

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On ne peut expliquer la prédilection de Freud pour le lamarckisme que par l'énorme force d'attraction du passé juif, vécue comme héréditaire ou indélébile

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Le judaïsme n'est pas une religion, mais une parole de libération

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Le juif maintient son être en étant autre que lui-même

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Le projet de faire converger la nation israëlienne et le peuple juif repose sur la notion fallacieuse d'un être juif adéquat et reconnu comme tel

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[Freud n'est juif ni par la religion, ni par le nationalisme, ni par la langue - et pourtant il se sent profondément juif et le revendique avec fierté]

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Le Juif, que possède-t-il qui soit vraiment à lui, qu'il n'ait emprunté, reçu en prêt et non restitué?

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La pierre, le bâton, la langue et la bouche parlent, avec qui? Personne, ils ne parlent pour personne

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[Le peuple élu (Am Segoula) est ce peuple-médicament auquel il a été révélé que tout n'a pas été dit]

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L'élection juive est un retrait qui unifie les peuples dans un même être face à lui : l'humanité

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L'existence du judaïsme athée invite à énoncer un 3è niveau de loi après la loi de Moïse (écrite) et la loi des pharisiens (orale)

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Aujourd'hui, un juif diasporique ne peut être qu'un fils illégitime du judaïsme

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"Art juif" est indéfinissable, car "art" est indéfinissable, et "juif" aussi

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[L'expression biblique "Ani Yhvh" signifie que l'être en devenir, en-dehors duquel il n'y a rien (Yhvh), est le "Je singulier" (Ani), la personne]

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Le christianisme, religion du Fils, entretient une relation oedipienne avec le judaïsme, religion du Père

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La pensée juive moderne est marquée, transformée par une alliance avec la théologie négative

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Israël, comme Rachel, se reconnaît dans la fragilité de la lune

 


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