Dieu ordonne d'obéir. On ne se préoccupe ni de savoir ce qu'est Dieu ni du contenu de la prescription. Il y a une loi. On ne sait pas qui parle, on ne sait pas ce que la loi dit, et on ne sait pas pourquoi est dit ce qui est dit. La loi est présentée comme faisant obligation, mais elle n'est pas justifiée. Elle n'ordonne pas d'être conforme à ceci ou cela, elle oblige à se décider, à se prononcer au coup par coup.

Quand Abraham entend qu'il faut qu'il aille sacrifier Isaac, il le fait mais il ne dit pas : "C'est pour mon bien", ou "C'est pour le bien d'Israël" (p140). L'obligation qui dérive de la loi ne se ramène pas à l'application d'une norme. Elle fait entrer dans un jeu pragmatique, un pur jeu de langage qui peut faire l'objet de toutes les sophistications justement parce qu'il est maintenu pur. S'il y a de l'humour dans la tradition juive, comme chez les sophistes, c'est à cause de cette propriété étrange : un énoncé d'ordre ne peut pas être déduit. Les ordres ne sont pas massifs. On peut jouer avec, raffiner l'obligation.

Sur la seule affaire qui compte dans le judaïsme : Soyez justes, il faut juger. Comme nous ne savons pas ce que c'est que d'être justes, nous ne pouvons le penser qu'en termes d'avenir [Tu jugeras en fonction du cas qui se présente]. La loi nous engage dans une histoire.