Un jeu de langage se joue avec quelqu'un. Il y a un énonciateur, un destinataire et des règles sur lesquelles je joue pour obtenir un certain effet. Aucun énoncé n'est séparable d'une situation dans laquelle il est "joué", et la situation est d'autant plus complexe que plusieurs jeux peuvent être joués simultanément. Les jeux sont hétérogènes. On saute de l'un à l'autre. C'est valable pour tout énoncé, même un énoncé philosophique. Par exemple, quand Lyotard dit : Il faut être païen et juste, cet énoncé est indissociable du contexte pragmatique dans lequel il figure. C'est un "coup" joué sur une certaine page pendant un certain temps, une instruction valable dans telle situation, pas un mot d'ordre universel.

Dans un univers païen, les différents jeux de langage sont incommunicables les uns avec les autres. On ne peut pas les synthétiser dans un métadiscours unifiant. Chacun de ces jeux est joué comme tel, il ne se donne pas pour le jeu de tous les autres. Aucun de ces jeux n'est privilégié par rapport aux autres (par exemple : la narration importe autant que la prescription). Ce qui est intéressant, c'est d'y faire des coups, par la ruse, par l'imagination ou par la volonté. Ces coups peuvent introduire des efficiences inattendues, inouïes. On peut inventer, combiner de nouveaux coups. C'est ce que fait un artiste.

Les jeux portent des messages de portées différentes, qui positionnent plusieurs tournures de réalité. Ces messages sont politiques, pas stratégiques. Ils peuvent être prescriptifs, comme Il faut être païen et juste, mais ils ne sont pas dérivés d'une ontologie.