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de Jacques Derrida

Un seul mot - ou un syntagme.

         
   
Derrida, ses livres                     Derrida, ses livres
Sources (*) :              
Jacques Derrida - ""Fors", Préface au Verbier de l'Homme aux Loups d'Abraham et Torok", Ed : Aubier-Flammarion, 1976,

"Fors, Les mots anglés de Nicolas Abraham et Maria Torok" - Préface à "Cryptonymie, le Verbier de l'Homme aux Loups" (Jacques Derrida, 1976) [Fors]

   
   
   
                 
                       

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Table

Ce texte d'environ 70 pages est une préface au livre de Nicolas Abraham et Maria Torok dont on trouvera la table des matières ici. Son titre, tel qu'il apparaît en page de garde, est Fors, mais on trouve un peu plus loin un sous-titre rarement cité : Les mots anglés de Nicolas Abraham et Maria Torok. Il est divisé en trois parties :

 

p12 : 1. Les lieux.

p25 : 2. La mort (l'atopique).

p53 : 3. Le chiffre (mortgage).

 

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On connaît les réserves de Jacques Derrida sur les préfaces. Il en a pourtant écrit deux pour Nicolas Abraham et Maria Torok, "Fors" et "Moi - la psychanalyse", publiée en 1979 à l'occasion de la traduction en anglais d'un article de Nicolas Abraham, "l'Ecorce et le Noyau", qui avait déjà été publié en français en 1978 dans un livre, lui aussi intitulé L'écorce et le noyau. Ces deux préfaces constituent à elles deux un hommage posthume et un témoignage d'amitié à l'égard de Nicolas Abraham, mort en 1975 à la suite d'une opération à coeur ouvert.

Fors est l'un des rares écrits où Derrida n'analyse pas le texte d'un auteur à partir d'un élément apparemment secondaire, d'un détail, selon sa stratégie habituelle de déconstruction. Il s'y livre au contraire à un commentaire direct, une "présentation" de l'oeuvre de Nicolas Abraham et Maria Torok, dont il semble reprendre à son compte la trame et plusieurs concepts : crypte, allosémie, anasémie, fantôme. Même s'il interroge certaines distinctions - par exemple l'opposition entre incorporation et introjection - il affirme une proximité et contiguité avec la pensée des auteurs. Cela fait de cet écrit une voie d'accès privilégiée à son rapport à la psychanalyse.

Derrida précise, dès le début du texte, que ses trois parties (les lieux, la mort, le chiffre) sont le même de la crypte. On ne peut ni les dissocier, ni les hiérarchiser. Toutes trois ont rapport au lieu selon une logique qu'on pourrait sous-titrer : le lieu/non-lieu, l'atopique, une tout autre topique. De quel lieu s'agit-il? On pourrait dire : le lieu de l'inconscient si ce mot, inconscient, ne présentait pas certaines résonances métaphysiques que le mot crypte, ou son concept, tel qu'il est présenté ici, permet d'éviter. Car la crypte requiert une autre topique, une topique toute autre par rapport à celles qui ont été proposées par Freud, une topique qui ne puisse pas se ramener à un système d'oppositions du type conscient / préconscient / inconscient ou moi / Ça / surmoi, mais dont les faces soient multiples, anguleuses et fracturées [ce qui explique le sous-titre choisi pour Fors]. Cette crypte se constitue par effraction, en enfermant l'autre [l'hétérogène, le refoulé, le mort, le mot-chose ou le fantasme interdit] dans un lieu interne, à la fois enclavé et exclu. C'est ici que le lieu rejoint le hors-lieu, le topique rejoint l'atopique. En ce lieu clos (for intérieur), la chose innommable qui est tenue secrète, gardée, mise à l'abri, est un dehors (for extérieur). Toutes les ambiguités du mot "for" sont mises à l'épreuve : instance judiciaire, tribunal externe, mais aussi conscience, autorité intérieure.

Comme l'incorporation, ce deuil raté, cette maladie du deuil qui a été le point de départ d'Abraham et Torok, la crypte est muette, silencieuse. En ce lieu de jouissance où la jouissance est interdite, des marques parasitaires, figées, ne peuvent se dire qu'en allosèmes (des mots associés ou cryptonymes), sous forme de tableau vivant [comme dans un rêve] ou de récit [comme dans la cure analytique]. Il faut passer par des homonymes et synonymes, un itinéraire anguleux, comme Abraham et Torok l'ont fait dans leur Verbier pour l'Homme aux loups de Freud. On y découvre des mots idiomatiques, plus d'un nom propre fétichisé, associé à des scènes d'inceste, de trauma ou de séduction, mais ces noms, qui semblent occuper la place d'un premier mot ou objet, ne se donnent pas comme tels. Ils restent introuvables, pris dans une structure anasémique - en rapport avec un impensé, un non-présent, un autre lieu auquel on ne peut pas avoir accès.

Avec tous les analystes de l'Homme aux loups qui les ont précédés ou les suivront, Abraham et Torok ont produit une oeuvre de langue, un poème. En s'intéressant aux fantômes qui, depuis l'autre (le parent d'une autre génération, le secret de famille inconnu) hantent le sujet, ils ont contribué à définir une autre sorte de deuil (impossible) où le mort ne serait pas détruit comme autre. Ce deuil-là ferait craquer les figures de la croyance, et aussi les frontières entre incorporation et introjection.

 

 

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Formulations à partir de ce texte (les têtes de chapitre sont entre crochets) :

 

L'introjection parle, elle nomme, tandis que l'incorporation se tait, elle ne parle que pour taire ou détourner d'un lieu secret

La structure anasémique appelle un récit mythique, poétique : celui d'un événement pré-originaire qui, sans avoir été, aurait eu lieu

L'orifice buccal ne cesse jamais d'être un lieu silencieux du corps; il ne devient parlant que par supplémentarité

Une crypte ne respecte pas l'ordre commun : à la place d'un premier mot ou objet, elle garde un lieu introuvable - qui n'est pas le premier

La structure de la crypte requiert une topique toute autre, polyédrique, qui multiplie les faces et les angles

Une crypte se constitue par effraction, en enfermant l'autre en un lieu interne, enclavé; elle se pénètre en forçant et fissurant ses parois

La topique de la crypte suit une ligne de fracture qui va d'un lieu où le mot-chose exclu, innommable, est gardé (non-lieu, hors-lieu, for) vers un autre lieu

Un deuil dans lequel "Je garde le mort en moi, en un lieu cryptique, sans le détruire comme autre", brouille la limite entre introjection et incorporation

Dans la crypte, il y a plus d'un for - ce lieu externe/interne, secret, où la chose est condamnée au silence

Il faut rigoureusement distinguer (1) l'étranger incorporé dans la crypte du moi (2) le fantôme qui vient hanter depuis l'inconscient d'un autre

Dans le fantasme d'incorporation, des forces muettes installent violemment dans le Moi des marques parasitaires, secrètes, encryptées

Dans la crypte, plus d'un nom propre est tenu secret; des mots idiomatiques qui n'appartiennent pas au système de la langue interdisent de signer d'une seule identité

Dans la crypte, une Chose inconnaissable, muette, traduite en allosèmes, se donne à jouir comme un tableau vivant

Les analystes de l'"Homme aux loups", connus ou inconnus, ont produit à plusieurs voix une traduction inventive, une oeuvre de langue, une oeuvre de vie, un poème

"Fors, Les mots anglés de Nicolas Abraham et Maria Torok" - Préface à "Cryptonymie, le Verbier de l'Homme aux Loups" (Jacques Derrida, 1976) [Fors]

 


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Sources
DerridaBiblio

1976_FORSAA

YYA.1976.Derrida.JacquesGenre = -