Derrida
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TABLE des MATIERES :

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 DERRIDEX

Index des termes

de l'oeuvre

de Jacques Derrida

Un seul mot - ou un syntagme.

         
   
Derrida, le sujet, le moi                     Derrida, le sujet, le moi
Sources (*) : La pensée derridienne : ce qui s'en restitue               La pensée derridienne : ce qui s'en restitue
Pierre Delain - "Les mots de Jacques Derrida", Ed : Guilgal, 2004-2017, Page créée le 10 octobre 2005

[Derrida, le moi, le soi, le sujet]

Autres renvois :
   

Le sujet

   
   
                 
                       

1. Le "sujet" dont nous héritons.

Jacques Derrida n'aime pas beaucoup le mot "sujet". Il tend à prendre ses distances avec lui, à éviter de s'en servir. Mais comme le mot insiste dans la langue, il finit par le prendre à bras-le-corps et à en proposer une définition : le sujet serait celui qui s'inscrit dans le cercle de la dette et de l'échange, qui ne donne jamais rien sans calculer. Ce sujet impliqué dans une économie symbolique, un système de réciprocité réglé par des identifications et des rituels, est poussé par la tradition européenne à son maximum objectivable. L'essence de l'Europe, son esprit, c'est que, par des procédés très puissants (accumulation de savoirs, de lois, de besoins, de capitaux), elle capitalise cette subjectivité.

Cette définition "économique" en prolonge une autre, issue de la phénoménologie. Depuis le 17ème siècle, le sujet se détermine comme présence à soi : c'est le sujet parlant de la vie courante, de la conscience, de la compréhension, du discours, du savoir et aussi (depuis Descartes) de la philosophie. Dans la parole vive, chacun entend sa voix comme intériorité et aussi comme extériorité. Par la répétition du "s'entendre-parler", un monde se produit, un rapport à soi qui est aussi différence d'avec soi. Quand ce mouvement d'intériorisation se fige en écriture phonétique, en différence sexuelle, il reçoit la garantie d'une voix divine portée par le père. C'est le sujet de la modernité ou du logocentrisme, dont la tradition remonte aux Grecs et aux écrits bibliques.

 

2. Le sujet souverain.

Peut-être y a-t-il une époque de la subjectivité : celle où le maître croit pouvoir dominer la nature, l'animal, la femme et l'enfant par son autorité ou son autonomie. Derrida nomme carno-phallogocentrisme cette époque où les mots, les choses, les phrases, et aussi le sein de l'autre, et aussi la chair qu'on mange, passent par la bouche, la langue et les lèvres d'une figure virile, carnivore, supposée posséder l'intégrité du phallus. Mais cette croyance en la possibilité d'une souveraineté toute-puissante, inconditionnelle, circulaire, c'est un fantasme, le fantasme même. On croit par ce fantasme maîtriser le risque qu'une force extérieure, encore plus puissante, nous menace, nous transforme ou nous détruise. En perfectionnant les techniques, en répétant les rites et les mécanismes sur lesquels cette maîtrise est supposée reposer, on met en place une autre machinerie qui retourne contre soi l'agression venue de l'autre. Mais ce retournenement ne fait que renforcer la terreur. Qu'arrivera-t-il si les défauts, les fragilités de cette maîtrise prennent le dessus ?

Il se pourrait qu'il faille, aujourd'hui, faire son deuil de l'époque du sujet.

 

3. Responsabilité.

Pour qu'il y ait eu du "moi", il aura fallu préalablement une parole plus vieille que le moi, une parole qui le précède et dise quelque chose qui sera resté secret. Il y aura déjà eu, avant toute autonomie possible du sujet, dans le texte ou l'écriture, un "Qui" : une instance qui engage, acquiesce, affirme, exige, porte en elle une responsabilité démesurée, irréductible à tout calcul subjectif. Il aura fallu cette instance qui témoigne d'une intériorité (une intimité à moi, autre que moi), ou cet appel de l'autre, pour qu'émerge, à partir de la parole vive, de l'auto-affection pure de la voix, la possibilité d'un lieu de retrait. Dans l'histoire de l'Europe, ce lieu advient comme instance de la liberté, de la singularité, de la responsabilité. En ce lieu, encore plus de secret peut toujours se loger. Le moi ne survit que comme restance active, productive, de ce lieu. Devant l'autre, devant la loi, il faut qu'il réponde de soi. C'est une obligation, un commandement.

 

4. Le sujet dérobé.

Dès le départ, le sujet est dérobé, il ne coïncide pas avec soi. Dès qu'il se représente, il se brise. Il ne peut se donner que dans un espacement, un devenir-absent ou devenir-inconscient. De même qu'on n'a jamais rencontré le moi nulle part - car il n'est ni stable, ni donné, ni constitué, on n'a jamais rencontré le sujet autrement que par ses traces (le "je", la signature, le nom propre). Il n'a ni visage, ni corps, et s'il se touche, c'est dans l'auto-affection de la bouche (la profération). On peut dire que l'ouverture articulée de la bouche est son origine - une origine qui arrive, de nouveau, à chaque parole, mais ne trouve son lieu que dans le remplacement, la prothèse.

Le moi est toujours équivoque, il ne peut revenir à lui que comme autre ou par une voie indirecte. Tout narcissisme s'expose à cette difficulté, cette blessure ou cette passion, et affecte le concept même de narcissisme (impossible, aporétique).

 

5. "Je" suis mort.

Quiconque (humain ou non) est capable de s'affecter soi-même, se marquer, s'organiser, se tracer, quiconque peut produire une signature de soi-même, un paraphe, se pose comme "je". Il s'ouvre un crédit à soi-même, signe avec lui-même un contrat secret, inouï, une alliance cryptée. Dans le même mouvement, la subjectivité consciente se constitue et s'efface. Elle s'approprie les traces et les dilue dans une réserve de gestes, de programmes, de systèmes inconscients ou machiniques - qui peuvent fonctionner par-delà la mort, dans l'écriture ou l'archi-écriture (cette dernière ne pourra jamais être pensée sous la catégorie de sujet). Dans son rapport à soi, le travail du "je" commence par l'énonciation impossible : "Je suis mort", à la fois passée (je suis déjà mort) et imminente (ma mort pointe, depuis le futur). Le "je" est à la fois mort et pas tout à fait mort. Seulement endormi, comme Psychè, il sur-vit. Peut-être un autre lira-t-il et contresignera-t-il son texte.

Et pourtant Derrida insiste, il en rajoute, son usage de la profération en première personne est exceptionnel, exorbitant. Son "je" est-il identique à soi ? S'il l'était, il serait innommable.

 

6. Œuvrer.

Aucune théorie du sujet ne peut rendre compte de la décision ni du jugement. Décider, c'est faire exception de soi, c'est laisser arriver le don de l'autre en soi. Oeuvrer, c'est laisser l'oeuvre se détacher de toute portée subjective.

Face à ce qu'on appelle l'animal, ce ne sont pas des "droits" qu'il faut proposer (car ce serait assigner le bénéficiaire de ces droits à une dépendance à l'égard de la vieille philosophie), c'est une autre éthique qui s'adresse à l'hétérogénéité du vivant.

 

 

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Propositions

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Il y a, dans le texte ou l'écriture, une instance qui engage, acquiesce, interroge, un "Qui" d'avant toute autonomie possible du sujet : ni subjectif, ni humain

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Un sujet n'est possible que par un double mouvement : une auto-affection qui, en lui, produit le monde - et la répétition immédiate en l'autre du "s'entendre-parler"

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Le sujet est un "Je" sans visage et sans corps, sauf au lieu de la pure auto-affection où ce "Je" se touche : la bouche

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L'auto-affection pure de la voix rend possible la subjectivité

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Quiconque dit "Je", s'appréhende ou se pose comme "Je", est un vivant animal capable de s'affecter soi-même, de s'autobiograparapher

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L'ennemi est déjà là, en moi, je peux l'identifier, le nommer, l'appeler, même s'il a déjà disparu

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La responsabilité, qui ne se règle ni sur le principe de raison, ni sur un calcul subjectif, porte en elle une démesure essentielle

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[La structure du "s'entendre parler" (quand le sujet parlant s'entend au présent) est l'essence de la parole]

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Le sujet est un mouvement d'intériorisation - idéalisation - relève - sublimation

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Innommable est la subjectivité absolue : un étant identique à soi, présent comme substance

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L'archi-écriture ne pourra jamais être pensée sous la catégorie du sujet

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L'espacement, comme archi-écriture, est le devenir-absent et le devenir-inconscient du sujet

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Le sujet ne se constitue, dans l'écriture, que par le mouvement violent de son propre effacement

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La réserve constitue et efface en même temps, dans le même mouvement, la subjectivité dite consciente, son logos et ses attributs théologiques

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Dans l'écriture, la place du sujet est prise par un autre, elle est dérobée

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L'écriture phonétique est un autre nom de la constitution des sujets, au-delà de la portée naturelle de la voix

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Tout signe qui fonctionne malgré l'absence totale de sujet, par (delà) sa mort, peut être dit "écriture"

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"Par l'acte performatif qui lit et écrit la différence sexuelle, tu es appelé à exister"

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A l'origine du sujet, "Je se touche" au lieu béant de la bouche : événement d'une loi de fiction qui ne trouve son lieu que dans le remplacement, la prothèse

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Le sujet est produit, comme rapport à soi dans la différence d'avec soi, dans le mouvement de la différance

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On n'a jamais rencontré le moi nulle part; il n'y en a pas de donné, de sûr, de stable, de constitué - c'est un mouvement dont émane la trace

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S'"il y a" du moi ou de l'objet, c'est par restance de la trace - au-delà de toute ontologie

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On pourrait aujourd'hui appeler "sujet" l'expérience finie de la non-identité à soi, de la non-coïncidence avec soi - si ce mot n'était pas lié au "propre de l'homme"

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Derrida fait un usage exceptionnel, exorbitant, de la profération en première personne - il met en scène une certaine folie de l'ego cogito

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Dans sa référence à soi, le travail du je commence par une énonciation impossible, un "Je suis mort" passé et aussi imminent, qui pointe depuis le futur

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Il faut, aujourd'hui, faire son deuil de Psychè - c'est-à-dire du sujet en tant qu'il reste - car elle est expropriée, elle n'est plus un principe de vie

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En Psychè étendue (intouchable, intacte, intangible), ce qui est insupportable est qu'elle n'a pas de rapport à soi : elle est un subjectile qui ne sait et ne voit rien à son propre sujet

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Le sujet en tant que tel (identifiable, bordé, posé) ne donne jamais rien dont il ne calcule la réappropriation, l'échange ou le retour circulaire

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Le cercle est un symbole, le symbole du symbolique même - qui se produit dès qu'un sujet arrête le don

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La structure de tout sujet se constitue dans la possibilité d'un retour devant la loi

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Europe est le nom singulier, absolument propre, de ce qui porte le sujet désirant ou volontaire à son maximum objectivable, sa dimension capitale

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Un schème domine le concept de sujet : la virilité carnivore, avec son carno-phallogocentrisme

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Une éthique qui reconnaîtrait aux animaux des "droits" analogues à ceux des humains resterait dogmatique et narcissique, dans la dépendance d'une philosophie du sujet

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Pour échapper au terrible fantasme "mourir vivant", il faut un autre fantasme, le fantasme même : une souveraineté toute-puissante, inconditionnelle, circulaire

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En retournant contre soi l'agression venue des autres, une force d'autodestruction automatique, machinique, compulsive, instaure l'ipséité souveraine

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[Dans le prolongement de la psychanalyse, la dissémination résiste indéfiniment à l'effet de subjectivité que Lacan appelle ordre du symbolique]

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Le démonique appartient à un espace de non-responsabilité où religion et subjectivité, comme injonction de répondre de soi, de l'autre et devant l'autre, n'ont pas encore résonné

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Structurellement, toute décision signifie l'autre en moi, c'est un commencement absolu qui fait exception de moi; aucune théorie du sujet ne peut en rendre compte

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"Plus de secret, plus de secret" : dès lors qu'il n'y a plus de secret pour Dieu, s'instaure pour le sujet un lieu de retrait où plus de secret encore, en supplément, peut se loger

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Le moi résiste à son effacement; sa restance préserve un "trait = X" pré-subjectif, pré-individuel, une marque qui donne lieu à la singularité d'un ego qui peut dire "je"

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Il est impossible de construire un concept non contradictoire du narcissisme, qui donnerait un sens univoque au mot "moi"

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Une oeuvre se détache de sa portée subjective

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Le philosophe est le sujet parlant par excellence

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Une coupure intervient au 17ème siècle dans la tradition logocentrique : on dénonce comme déchéance la non-présence à soi, l'éloignement de la voix et de la vie

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Dieu est le nom de la possibilité pour moi de garder un secret; il témoigne de cette invisible intimité à moi, autre que moi, qu'on appelle la subjectivité

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Le sujet se brise en se représentant dans le mouvement par lequel le livre, articulé par la voix du poète, se plie et se relie à soi

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