Derrida
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TABLE des MATIERES :

                            NIVEAUX DE SENS :

 DERRIDEX

Index des termes

de l'oeuvre

de Jacques Derrida

Un seul mot - ou un syntagme.

         
   
Derrida, date et signature                     Derrida, date et signature
Sources (*) : Derrida, le performatif               Derrida, le performatif
Pierre Delain - "Les mots de Jacques Derrida", Ed : Guilgal, 2004-2017, Page créée le 22 juin 2008 La pensée derridienne : ce qui s'en restitue

[Derrida, date et signature]

La pensée derridienne : ce qui s'en restitue Autres renvois :
   

Derrida, une fois, une fois unique

   

Derrida, le nom

   

Derrida, marque, re-marque

Orlolivre : Prétendre à l'art, sans art Orlolivre : Prétendre à l'art, sans art

Derrida, le temps

                 
                       

1. Un effet de croyance.

Analysant les énoncés performatifs, John L. Austin s'interroge sur le rattachement d'une énonciation comme La séance est ouverte à sa source (le locuteur). Il suppose qu'un énoncé oral à la première personne du présent de l'indicatif implique que la source soit présente. Mais quand il s'agit d'une signature, qu'est-ce qui atteste de cette présence? Une signature écrite implique, par définition, la non-présence actuelle du signataire. Certes, il a été présent, ici-maintenant, dans le passé. On suppose que cet avoir-été présent restera un maintenant futur : puisque cette signature est inscrite, il restera présent. Etrange et énigmatique évidence. Cette présence est impossible, et pourtant, les effets de signature sont courants. Qu'est-ce qui produit la croyance en la signature? A quelles conditions est-elle efficace? Jacques Derrida souligne deux aspects qui entretiennent une tension, une contradiction.

a. Certaines conditions doivent être remplies : la signature doit être une marque répétable, itérable, reconnaissable, un graphème. Sous cet angle, elle est détachée de l'instant de sa production, séparée de son référent d'origine. Mais il faut aussi qu'elle ait été produite dans un moment singulier. Pour qu'une signature soit valable, on exige la mention d'une date et d'un lieu déterminés, uniques. Elle ne sera crédible, ne produira un effet de performativité, que si elle est, à la fois, la reproduction à l'identique d'un modèle et un pur événement.

b. Si ces deux conditions (pourtant contradictoires) sont remplies, il peut y avoir un effet de croyance. C'est bien la signature d'Untel, qui a été présent à ce moment-là. Mais cette croyance n'est qu'un effet, que rien ne garantit. Ceux qui sont appelés à lire la signature peuvent toujours la récuser, considérer qu'elle n'est pas authentique, qu'elle a été imitée.

Il est impossible de prouver qu'une signature manuscrite a effectivement été écrite de la main du signataire [même si celui-ci jure que c'est le cas]. Quels que soient les éléments graphiques ou de contexte, même légitimée, même autorisée par un privilège légal, habilitée, même brevetée, elle restera imitable, son authenticité restera improbable.

 

2. Un acte.

La signature est l'acte performatif le plus typique, le plus paradigmatique, qui témoigne du caractère à la fois privilégié et instable de l'acte de langage.

Certaines signatures fondatrices ont un statut particulier. C'est le cas, par exemple, de la Déclaration d'Indépendance américaine. Avant elle, le peuple américain n'existait pas. Il s'invente en signant, ou plus exactement, c'est la signature qui invente le signataire et, par le même acte, s'invente elle-même comme signature du peuple, se donne un nom et se garantit elle-même (contresignature). Il en va ainsi pour toute démocratie, et aussi pour tout rejet de la démocratie, comme celui de Nietzsche.

Tout poème occupe cette place : il dit "je", il se produit en disant sa signature. Il engage et scelle en même temps, par un acte auto-déictique (un performatif), son secret.

 

3. Contre-signature.

Dans le cas le plus courant, celui qui arrive presque toujours, les discours que nous adressons se perdent, les lettres que nous écrivons n'arrivent pas à destination. Il n'y a ni lecteur, ni contresignataire - c'est une trahison du destinataire, un parjure pour lequel il devrait demander pardon. La pulsion qui travaille à détruire l'archive (pulsion anarchivique ou pulsion de mort), cette pulsion irréductible, originaire, qui opère en silence, sans laisser de traces, finit par prévaloir. Elle est insaisissable, inconsignable, sans retour, ni par anamnésie, ni par hypomnésie. En laissant une signature, le signataire reconnait la fragilité et l'incertitude du contrat de signature dans lequel il s'engage. N'étant pas sûr de trouver des oreilles qui l'entendent, il ne s'adresse qu'à des morts.

Quand il arrive qu'une lecture ait lieu, c'est un événement singulier qui répète la signature, mais autrement, dans un autre idiome (ce que le lecteur lit, ce qu'il entend, n'est pas ce que le signataire a voulu faire entendre). Il en résulte, pour le lecteur, une dette impossible à acquitter. Mais est-ce véritablement lui, le lecteur, qui contresigne? Le pouvoir qu'il a d'entendre et de nommer (y compris se nommer), il l'a lui aussi reçu d'un autre. Cela pose la question du signataire ultime, de l'instance ultime qui garantit ce que doit être un nom propre, que nous le nommions Dieu ou autrement. L'acte performatif de la signature ou de la contresignature ne suffit pas, il faut que la contresignature soit elle-même contresignée par un coup de force, une violence fondatrice, une autre signature qui soit à la fois une garantie et un acte de police, une violence et la ruine des distinctions sur lesquelles il s'appuie. Ce qui s'appelle Dieu est ce qui, en secret, nécessairement et souverainement, signe à ma place d'un sceau indéchiffrable. (C'est ainsi qu'aurait pu parler Emmanuel Lévinas, mais l'autre qui l'aurait contresigné, le tout autre, aurait été féminin). Si la défaillance absolue du lecteur et du destinataire est un mal, un mal radical, on ne peut le contrer sans le commandement : Sois souverain.

James Joyce irait jusqu'au bout de cette logique dans Finnegans Wake. Ce qui ferait oeuvre chez lui, au-delà de tout calcul, ce serait la signature de Dieu (Ulysse gramophone, pp52-53). En la contresignant par des syntagmes inaudibles et incompréhensibles, du style He war (p258 de l'édition française de Finnegans Wake), il l'effacerait. Dieu a signé par le tétragramme indicible, illisible? Eh bien me voici, je signe et je contresigne. Je m'engage en approuvant, en disant oui à une autre signature plus vieille encore que le savoir, une signature à laquelle des générations d'héritiers et de lecteurs ont dû consentir. Certes cette signature n'est pas, pour Joyce, la seule - car il y a toujours plus d'une identité, plus d'une signature, plus d'un nom propre. Mais ces signatures en réserve ne renvoient-elles pas, elles aussi, à la signature de Dieu? Et Derrida lui-même n'aura-t-il pas greffé le nom de Dieu dans sa signature? Et la possibilité de cette contresignature n'opère-t-elle pas comme vaccin contre le mal radical?

 

4. Date et signature sont indissociables.

"Par essence une signature est toujours datée, elle n'a de valeur qu'a ce titre. Elle date et elle a une date. Et avant d'être mentionnée, l'inscription d'une date (ici, maintenant, ce jour, etc.) ne va jamais sans une espèce de signature : celui ou celle qui inscrit l'année, le jour, le lieu, bref le présent d'un "ici et maintenant" atteste par à sa propre présence à l'acte de l'inscription" (Schibboleth, pp33-34).

La date est une incision dans la mémoire et dans le temps. En rassemblant des éléments disparates, pour lesquels il n'y a plus de témoin, elle manifeste qu'il y a de la singularité chiffrée, irréductible au concept et au savoir. Le poème peut encore être lu, mais comme un mot de passe incompréhensible, un schibboleth, qui scelle et descelle à la fois.

cf : Qu'on le sache ou non, une parole est toujours datée - et un discours parle à sa date §1.

Désigner une date selon un code objectif, c'est préparer la possibilité de sa commémoration. On retrouve cette structure, répétée sous la forme d'un anneau, dans les anniversaires, les horloges, les cadrans solaires, et aussi le retour des rituels. En tant qu'objets idéaux, la date ou l'heure reviennent toujours à la même place. Mais il faut pour cela qu'ils aient préalablement réduit en cendre l'événement indéchiffrable dont ils sont le rappel. A chaque commémoration, il faudra, à nouveau, oublier l'unicité de l'événement.

cf : Signer, c'est affirmer de façon fière, triomphante, quelque chose dont on a déjà fait son deuil.

Une oeuvre dite d'"art" renvoie toujours à une date unique, singulière. Son attrait tient en partie au secret, à l'énigme de cette date perdue. Un "Je" singulier, solitaire, survit à travers elle. Par l'art, il s'affranchit de l'art; il va et vient, sans horizon ni destination pré-établie.

Un poème est en dette à l'égard de plus d'une date, celle ou celles où il a été écrit, mais aussi celles où il renvoie, des dates dont le contenu reste secret, inconnu, scellé. Depuis ces dates, il s'adresse à d'autres dates qu'il ignore, celles où il sera lu.

 

5. Il faut, pour philosopher, exclure la date et la signature.

Quand les auteurs, à la manière conventionnelle, signent et datent leurs textes, ils effacent les problématiques de la date et de la signature. Dès que que la logique du signe ou de l'ordre symbolique prévaut, les questions d'identification, de cadre ou de parergon sont exclues. Derrida lui-même ne manquait jamais de dater et signer ses textes à la façon classique, et cette pratique reste universelle, y compris parmi ceux qui renvoient à la déconstruction. Dans Le facteur de la vérité, Derrida analyse le cas de Lacan qui, dans son interprétation du texte d'Edgar Poe, La lettre volée, laisse tomber tout ce qui n'entre pas dans son analyse structurale (La Carte Postale, p460). Pour penser philosophiquement ou analytiquement, il faudrait éliminer toute trace chiffrée de la date, tout schibboleth. Mais malgré et à travers ces pratiques, le cryptage fait retour. La distinction entre les deux types de dates est fragile, elles se rejoignent en anneau.

Hegel serait celui qui serait allé le plus loin dans cette tentative de conceptualisation. Il aurait voulu penser le savoir absolu, mais en tant qu'enseignant magistral et même l'enseignant magistral par excellence, il ne pouvait que signer cette pensée. Dans Glas, dès le début du livre, Derrida insiste sur son implication personnelle et familiale dans ses écrits. Il bute sur une aporie insurmontable : si l'on pense le savoir absolu, on ne peut ni le signer, ni en écrire le texte.

"Se laisser penser et se laisser signer, peut-être ces deux opérations ne peuvent en aucun cas se recouper" (Glas p7a).

Un savoir qui perdurerait indéfiniment serait un blasphème, un parjure, un mal radical. Mais justement ou heureusement, Hegel appose sa signature au bas de ses textes. C'est ce qui protège ses écrits de ce destin funeste. Il faudrait, selon Derrida, dans toute oeuvre, à la fois hyperboliser la signature classique et l'effacer.

 

6. L'œuvre, en deuil de la signature.

Toute œuvre tient à quelque effet parergonal. Les explications, descriptions, titres, cartels et cartouches (ces bords de l'œuvre qui ne sont ni dehors, ni dedans) garantissent le consensus selon lequel l'œuvre est une œuvre, c'est-à-dire qu'elle s'arrête quelque part et qu'elle a un auteur. Pour autant l'objet signé n'est pas restitué à son "véritable" propriétaire. Comme dans toute commémoration, célébration ou bénédiction, le moment unique, "originel", où l'œuvre a été signée, ne revient que comme spectre. La signature a pour enjeu la crédibilité de cette filiation, qui peut toujours se perdre. Cette perte ne tient pas seulement au risque d'imitation, d'erreur ou de confusion. Elle peut effacer le nom ou le rendre illisible.

Jacques Derrida a voulu montrer dans Glas que le texte lui-même pouvait faire son deuil de la signature. Citation : "Le glas est aussi d'une guerre pour la signature, d'une guerre à mort - la seule possible - en vue du texte, donc, qui ne reste finalement, obséquemment, à personne" (Glas p83b).

Maurice Blanchot tente lui aussi, à sa façon, de cacher sa signature dans le sans-nom, le pas-de-nom. Mais ce qui s'écrit comme un oubli du nom est aussi une façon de signer, dans la blancheur de ce nom, neutralisée par le "ot" final.

Signer, ce n'est pas seulement reconnaître que, déjà, "je' suis mort, c'est aussi reconnaître que la signature travaille elle aussi à faire son deuil du texte.

Et même quand le nom apparaît tout entier, une autre signature, plus puissante, plus vieille, peut se dissimuler : la signature inconnue, insue, d'un autre, d'une autre ou d'un tout autre. C'est ce qu'on appelle parfois l'idiome ou le style. D'un côté, il protège contre un impossible à dire, une menace terrifiante qui doit rester secrète; mais d'un autre côté, il laisse une marque, une signature. Tout style est énigmatique, à la fois lisible et illisible.

 

7. Hypostases de la signature.

Il n'y a pas de modalité uniforme d'inscription de la signature, mais autant d'inscriptions que d'oeuvres. Chaque fois, la signature est performative. C'est un acte qui produit l'oeuvre. Elle est parfois visible, reconnaissable, et d'autres fois secrète, énigmatique, indéchiffrable. Ce que je signe, maintenant, à cette date, est pour moi indécodable. C'est un schibboleth qui recouvre mes blessures, comme un talith. Dans l'écriture d'aujourd'hui, cette mise en abyme est incontournable.

Jacques Derrida analyse plus particulièrement le nom de Francis Ponge quand il lie et plie entre elles les trois sortes de signature : (1) le nom propre lisible dans la langue et qui l'authentifie (2) les marques idiomatiques qu'il abandonne dans son texte (3) son être-écriture qui se fait chose. En signant, il bâtit la sépulture monumentale où sa signature sera gardée. Chaque fois, son oeuvre est irremplaçable. Mais il ne peut empêcher, dans le même mouvement, son viol.

Autres noms : Nietzsche, qui a fait de tout ce qu'il a écrit de la vie ou de la mort un immense paraphe biographique; la signature freudienne, qui laisse une impression indélébile, mais difficile à conceptualiser; celle de Benjamin, dont le prénom (Walter), avant même le nom, évoque la violence souveraine (waltende) sans laquelle il n'y a pas de nomination; le tableau de Van Eyck qui témoigne, aujourd'hui encore, d"un événement qu'on suppose attaché aux époux Arnolfini; toute l'oeuvre de Jean Genet ou encore le portrait allégorique qu'Adami a fait de Derrida le 27 janvier 2004, peu avant sa mort - étrangement surplombé d'une signature qui n'est pas celle du dessinateur, mais le spectre de celle du philosophe.

 

 

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Propositions

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Dans l'anneau, l'unique s'allie avec lui-même comme autre, il répète son retour autour du même

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Le poème se doit à sa date comme à sa chose ou à sa signature la plus propre

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L'énigme de la date, c'est un "Moi" singulier, solitaire, un "Je" en chemin, un poète qui la met en oeuvre, ce n'est pas l'artiste en tant qu'il est préoccupé par les questions de l'art

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Une date est une blessure, une entaille, une incision, une marque que le poème porte en mémoire dans son corps

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Francis Ponge, qui s'est engagé à ne rien écrire qu'il ne puisse signer, confond son texte avec sa signature : son oeuvre est un événement chaque fois unique, irremplaçable

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Par essence une signature est toujours datée, et l'inscription d'une date ne va jamais sans une espèce de signature

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La signature est l'acte performatif le plus typique, le plus paradigmatique

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Le texte r(est)e - tombe, la signature r(est)e - tombe - le texte. La signature reste demeure et tombe. Le texte travaille à faire son deuil. Et réciproquement

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La peinture n'a pas pour fonction la représentation, mais le témoignage (Double portrait des époux Arnolfini, par Jan Van Eyck, 1434)

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Depuis sa propre date, le poème s'adresse à une date toute autre : il conjoint et rassemble les deux dates hétérogènes en un même anneau

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L'"effet de performatif" produit par la signature repose sur une condition aporétique : la pure reproductibilité d'un événement pur

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La marque ne va jamais sans son redoublement : re-marque qui répète le premier mot, le signe et le nomme

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La "performance sans présence", autre nom de l'oeuvre performative, c'est cet acte qui produit l'oeuvre en disant : "Ça suffit!", au bord du secret

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[Signer un texte ou une oeuvre, c'est trancher proprement, l'arrêter, en faire une chose]

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Une signature est essentiellement imitable; on peut l'imiter et "elle s'imite"

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Rien ne garantit la réussite des effets de signature, qui impliquent 1/ une forme itérable 2/ un événement unique, singulier 3/ la non-présence du signataire

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En disant "Oui", je m'engage et je signe, je réponds à l'interpellation d'un autre en lequel je crois

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La signature freudienne a laissé sa marque - son impression - sur sa propre archive, et aussi sur le concept d'archive en général

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Dieu est le nom de l'ultime instance, l'ultime signature qui garantit ce qui doit être - et qui doit être un nom propre

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La signature requiert un "oui" plus vieux que le savoir, un oui qui, derrière chaque mot et même sans mot, confirme le gage d'une marque laissée

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Qu'on le sache ou non, une parole est toujours datée - et un discours parle à sa date

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La signature de Cézanne est associée à un événement dans la peinture qui engage sa signature, et beaucoup d'autres à sa suite : la promesse performative d'un "autre" performatif

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Le poème se produit en disant sa signature, son secret, son sceau, de façon auto-déictique ou performative

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La date est le nom propre de l'événement singulier, capable de survivre

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Pour construire la scène du signifiant et du signifié, la logique du signe doit exclure le problème du cadre, de la signature et du parergon

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[Dans l'oeuvre titrée "Glas", pour justifier le titre, "il faut" que le nom se perde, que le texte fasse son deuil de la signature]

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La philosophie commence quand une voix devient lisible au-delà de sa date

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Choisir un "titre" pour une "oeuvre" est un privilège légal et autorisé, un droit réservé, le pouvoir libre et souverain de signer et de donner à croire

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La signature du nom propre entier peut dissimuler une autre signature, plus puissante, plus vieille, la signature d'un autre ou d'une autre

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La date opère toujours comme un schibboleth : elle manifeste qu'il y a de la singularité chiffrée, irréductible au concept et au savoir

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Le style, c'est ce qui protège contre la menace terrifiante de ce qui se présente et déjà d'avance se retire, laissant néanmoins une marque, une signature

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La date partage avec le nom sa destinée de cendre : elle efface cela même qu'elle désigne

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Ce que je suis, ici, maintenant à cette date, est un schibboleth

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En composant-exposant son oeuvre-talith, Derrida travaille à revêtir, au lieu même de la blessure, le texte de sa signature

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Un cartouche est un acte d'écriture discursive, archive ou document testamentaire qui commémore, explique, décrit, raconte l'histoire ou la structure d'une oeuvre

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Une signature n'est qu'un artefact, le simulacre d'une présence : ni tout à fait dans un texte, ni tout à fait dehors, elle est impossible à prouver

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La blessure signe l'oeuvre, elle scelle et descelle à la fois, comme le fait la circoncision

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[Paul Celan tente, par la signature unique d'un poème unique, par son art, de s'affranchir de l'art]

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Pour distinguer un récit fictif d'une "réalité", il n'y a pas d'autre critère que le consensus ou le jugement qui garantit la signature d'un "auteur"

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Signer, c'est affirmer de façon fière, triomphante, quelque chose dont on a déjà fait son deuil

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En signant, je me donne à moi-même mon nom : c'est un vol par lequel je viole la sépulture où la signature est gardée

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L'enjeu de la signature est la filiation; mais celle-ci se perd, et ce qu'il en reste n'est qu'un excrément échangeable contre un revenu : le droit d'auteur

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Le "pas au-delà", c'est qu'une signature n'est effective que pour des morts, ou pour d'autres vivants à venir qui décident de ce que je suis, y compris mon sexe

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Les chaussures peintes n'appartiennent ni à un corps, ni à un pied, on ne peut les restituer ni à un sujet ni à un signataire

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Il est toujours possible qu'une lettre n'arrive pas à destination; et si l'autre ne contresigne pas l'envoi, il y a possibilité de parjure ou de trahison

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Que peuvent dire les mots? Juste l'impossibilité de dire : "Moi, ici, je signe"

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Dans la crypte, plus d'un nom propre est tenu secret; des mots idiomatiques qui n'appartiennent pas au système de la langue interdisent de signer d'une seule identité

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Jacques Derrida, allégorie du dessin

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Le beau tient à quelque effet parergonal : les Beaux-Arts sont toujours du cadre et de la signature

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Tout texte, toute signature opère comme la police par rapport au droit : réitération d'un acte violent qui ruine les distinctions sur lesquelles il s'appuie!

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Dans la guerre à mort pour la signature, le texte, qui ne reste à personne, bat dans un lieu nourricier, une cavité utérine (colpos)

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Blanchot signe en cachant sa signature dans le sans-nom, le pas-de-nom, l'oubli du nom ou le retour d'un son : par exemple (o) dans eau, zéro, il faut, dehors, bord, mort

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En s'ouvrant son propre crédit d'elle-même à elle-même, une signature fondatrice s'invente comme signature, se donne un nom et produit la contresignature qui la garantit

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L'acte fondateur d'une institution invente ses signataires, il garde en lui leur signature - ainsi la Déclaration d'Indépendance des Etats-Unis, qui invente le peuple américain

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Une religion commence, avant la religion, à la bénédiction des dates, des noms et des cendres

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Un texte ne se laisse lire ou écrire que s'il est travaillé par l'illisibilité d'un nom propre; que si, en touchant à la signature, le nom résonne et se perd

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Le dégoût de Nietzsche va d'abord à la signature démocratique à laquelle il oppose une autre signature intempestive, à venir, seulement promise

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On peut penser le savoir absolu, mais on ne peut ni le signer ni en écrire le texte

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En pensant, le corps invente sa propre machine, excessive, dont il voudrait faire breveter la signature

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Ecrire, aujourd'hui, c'est mettre en abyme sa signature pour qu'elle disparaisse

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C'est toujours l'autre qui signe, le tout autre - cette violence divine qui a donné à l'homme seul le pouvoir de nommer

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Par un labeur minutieux et compulsif, Jean Genet a tout affecté de ses signatures, y compris les objets manquants; il a fait de son texte son glas et son propre enterrement

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Nietzsche a mis en jeu son nom - ou mis en scène sa signature - pour faire de tout ce qu'il a écrit de la vie ou de la mort un immense paraphe biographique

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[Ponge contracte une alliance infiniment inégale avec la chose : en lui sacrifiant tout, il se l'approprie et signe en son nom propre - afin de faire de son texte la signature de la chose]

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Ponge obéit à une double injonction : 1/ (érection) instituer ou monumentaliser sa signature 2/ (détumescence) la laisser se décomposer dans le texte

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L'affirmation du judaïsme a la même structure en anneau que celle de la date

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Quand je signe "J.D.", je suis déjà mort - ce "déjà" est la signature d'un autre

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Ce qui s'appelle Dieu est ce qui, en secret, nécessairement et souverainement, signe à ma place d'un sceau indéchiffrable

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En disant de l'oeuvre de Lévinas : "Elle aura obligé", Jacques Derrida ne distingue plus sa voix ni de la sienne (E.L.) ni du tout-autre, féminin, qui la contresigne

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Le secret de Jacques Derrida, sa crypte, sa folie, c'est que dans sa signature est greffé le nom de Dieu

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Ce qui fait oeuvre chez Joyce, c'est qu'il a signé et contresigné le nom de Dieu

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