Derrida
Scripteur
Mode d'emploi
 
         
           
Lire Derrida, L'Œuvre à venir, suivre sur Facebook Le cinéma en déconstruction, suivre sur Facebook

TABLE des MATIERES :

                            NIVEAUX DE SENS :

 DERRIDEX

Index des termes

de l'oeuvre

de Jacques Derrida

Un seul mot - ou un syntagme.

         
   
Derrida, manque, défaut, vulnérabilité                     Derrida, manque, défaut, vulnérabilité
Sources (*) : Orlolivre : comment ne pas (se) sacrifier?               Orlolivre : comment ne pas (se) sacrifier?
Pierre Delain - "Les mots de Jacques Derrida", Ed : Guilgal, 2004-2017, Page créée le 14 avril 2008 La pensée derridienne : ce qui s'en restitue

[Derrida, manque, défaut, impuissance, vulnérabilité]

La pensée derridienne : ce qui s'en restitue Autres renvois :
   

Derrida, retrait, effacement

   

Derrida, le rien, Khôra

   

Derrida, théologie négative

                 
                       

1. Le manque.

En réaction au structuralisme, Jacques Derrida tend à éviter l'usage du mot manque. Manquer à sa place suppose la stabilité d'une structure, la prédétermination d'une place pour un élément connu à l'avance. Dans la métaphysique du logos, chaque chose doit être à sa place, sinon elle manque. Dans la logique du signifiant, il occupe la place du signifiant transcendantal - place qui est aussi celle du phallus. En ce lieu, la femme est réduite à une figure de la castration, et la lettre finit toujours par arriver à sa destination. Dans les systèmes symboliques, le manque fait signe vers la vérité. Depuis Kant, il encadre toute théorie de l'esthétique : le beau doit venir sans concept, sans jouissance, sans plaisir, sans intérêt, sans finalité. La beauté idéale ne manque de rien, tandis que la beauté libre est le lieu d'une absence. L'œuvre d'art (ergon) en appelle à un encadrement (parergon) qui lui permette de se suffire à elle-même. Elle exhibe à la fois le cadre et le manque, au risque d'un débordement qui entraîne vers une autre logique. Quoiqu'écarté, le manque peut donc introduire au mouvement de la différance. C'est ce qui permet à Derrida de dire en même temps que le manque n'a aucune place dans la dissémination (La Carte Postale, p470), et qu'une pensée du manque peut ouvrir à la dissémination.

 

2. Défaillance.

Au commencement ça défaille, ça manque. L'impuissance pousse au franchissement d'un seuil, mais il n'y a ni code, ni clé, pas d'autre choix que de s'adresser à un autre, un Qui. Il faut se protéger, prendre appui sur une force qui puisse rassurer : c'est la demande, l'appel, l'imploration, l'irruption du Il faut! qui en appelle à la justice, la réparation, et aussi légitime le pouvoir, le souverain.

Qu'il y ait réponse ou pas, l'échec est toujours possible. Je ne suis jamais sûr d'être entendu. Mon appel peut être ignoré, dénié, il peut se perdre ou s'oublier, il peut être aboli par erreur, mensonge ou dissimulation. Même l'existence d'un monde commun est incertaine, indécidable. Nous sommes comme des aveugles qui marchent à proximité de la chute, les mains en avant, dans l'espoir de s'appuyer sur une mémoire, une archive qui tienne. Mais la mise en ordre de la trace est impossible. Même reproduit et consigné, même conservé en un lieu extérieur, le souvenir échoue, il défaille. S'il n'y a plus de fondement à restaurer, si le monde s'en va, il faut faire comme si le monde était stable, comme si on pouvait vivre ensemble. C'est un acte poétique, performatif. Sans nier la fragilité, la possibilité toujours ouverte de perte du sens, je dois faire venir le monde au monde en m'adressant à l'autre : Je dois te porter, il le faut, juste le temps d'un monde.

 

3. La vulnérabilité, un point d'appui.

Sans doute Jacques Derrida a-t-il été influencé par la montée de la thématique du soin, du care, de la vulnérabilité dans les dernières années de son travail (Une voix différente - Pour une éthique du care, Carol Gilligan, 1982). Les thèmes de la compassion ou de la pitié, qui affleuraient dès le début, sont revenus autrement, dans un autre agencement, avec l'irruption des problèmatiques de l'inconditionnalité ou de l'éthique même. Sans doute l'influence de Lévinas a-t-elle joué : la nudité d'un tout autre, son visage unique, excèdent le moi et aussi la pensée du logos. Derrida fait l'épreuve de cette nudité au-delà du l'humain. Nous partageons la peur, l'angoisse, la souffrance avec l'animal, ou ce qu'on nomme ainsi. C'est un vivant comme moi, et son simple regard menace ma domination.

Le ça défaille ou ça manque par quoi tout commence est dedans et dehors. Je ne peux pas ignorer ce qui défaille dans l'autre, sa passivité, son imprévisibilité. Je ne peux ni les maîtriser, ni les soumettre à la raison. Sa faiblesse ou son retrait m'obligent. Mais Derrida ne s'arrête pas à ce mouvement de solidarité ou d'identification. Il l'excède par un geste qui arrive, dit-il, au-delà du performatif. Un acte de langage qui réussit, légitimé par le verbe, est souverain, tandis qu'un événement inconditionnel au sens derridien (hospitalité, don, pardon, justice) est déclenché, au-delà du droit, par des forces faibles, imprévisibles, vulnérables. Le premier est un performatif au sens classique, tandis que le second est un acte de foi qui déborde la distinction entre constatif et performatif. D'un côté le pouvoir, la légitimité et la raison; de l'autre un excès sans pouvoir ni fondement, à la crédibilité fragile, qui se moque de toute garde, de toute assurance. Peut-être peut-on, aujourd'hui, donner à penser cette vulnérabilité sous le nom de Dieu : une non-souveraineté divisible, mortelle, qui se déconstruit jusque dans son ipséité. Avec ce Dieu retiré, fragile, détaché du pouvoir, l'inconditionnalité se dissocie de la souveraineté. Ce serait, dans le corpus biblique, le regret de Dieu après le déluge (l'Alliance de Noé) ou bien, dans un champ plus philosophique, une différence ontico-ontologique en rupture avec celle de Heidegger où la chose impersonnelle nommée Dasein (un Quoi) serait abandonnée au profit d'un autre unique, singulier, auquel on peut s'adresser : un Qui. Pour dire à l'autre Il faut que je te porte, il faut que le je avoue sa vulnérabilité, qu'il se retire devant le te. "Qui peut mourir ?" demande Derrida (sa question ultime). Ce n'est pas l'humain par opposition à l'animal, c'est tout être qui prend le risque de participer au monde de l'autre.

 

 

--------------

Propositions

--------------

-

Le manque est un terme métaphysique qui désigne la différance en tant qu'on ne peut pas l'arraisonner

-

Là où l'être se définit comme présence, le symbole fait signe vers la vérité; la forme se règle sur un concept de sens déterminé à partir d'un rapport à l'objet

-

La femme, comme figure de la castration ou de la vérité, fait revenir, en sa demeure, le phallus ou le signifiant

-

Depuis deux siècles, arrive une nouvelle épreuve de la compassion : on ne peut plus nier la vulnérabilité, la souffrance, la peur ou l'angoisse de ce qu'on appelle l'"animal"

-

Pour penser le rapport de l'animal à l'homme, il ne faut pas partir de ce qu'il peut faire, mais d'un autre pouvoir que nous partageons avec lui : le pouvoir-souffrir

-

Tout ce qui constitue le propre de l'homme dans le discours occidental tient à un défaut originaire : la nudité devant le regard de l'animal, qu'"il faut" cacher

-

Depuis Kant, le manque est le cadre de toute théorie de l'esthétique

-

Une oeuvre [d'art] exhibe son propre manque : en cela elle se suffit à elle-même et se déborde, se supplémente

-

La beauté est l'expérience d'un non-savoir irréductible : il y a dans cet objet qui ne manque de rien la trace d'une absence

-

En tant que parergon (ornement), le cadre d'une oeuvre d'art est appelé comme un supplément depuis le manque de cela même qu'il vient encadrer

-

Le pivot de l'esthétique de Kant est sa sémiotique du "beau comme symbole de la moralité" : elle détermine la beauté libre comme manque, et redonne sens à l'errance

-

Les aveugles sont les êtres de la chute, la manifestation de cela même qui menace l'érection ou la station debout

-

Au commencement est un seuil, dont la clé vient à manquer

-

La non-vérité est aussi originaire que la vérité; il faut la possibilité de l'erreur, du mensonge, de la dissimulation ou du retrait pour dire le vrai

-

L'archive est hypomnésique : c'est une répétition, un supplément accumulé en ce lieu extérieur où la mémoire, reproduite et consignée, défaille structurellement

-

Il faut un contrat pour faire semblant de vivre ensemble dans un même monde, mais cela ne suffit pas pour que ce soit vrai, ni pour garantir un monde commun

-

Il ne faut pas tenir une politique de l'amitié pour une assurance ou un programme : l'aimance hyperbolique est hantée par la possibilité de l'indécidable, de l'échec

-

Personne ne pourra répondre à la question générale : "Que veut dire le pouvoir ?" - sauf à partir du "il faut" qui indique le manque, le faillir, l'impuissance, l'impouvoir

-

Hypothèse de la vue : pour faire et défaire la croyance, il faut un temps d'arrêt, d'aveuglement, de suspens du regard, d'imploration

-

Il n'est d'appel au juste, à la mémoire - que pour réparer quelque mal, quelque accident dans la loi, quelque déséquilibre ou quelque défaut dans la généalogie

-

Une immunité absolue de la raison serait le mal absolu où plus rien n'arrive, tandis qu'en laissant exposer une passivité, une vulnérabilité, la raison laisse venir l'imprévisibilité de l'autre

-

Pour faire droit au texte d'un autre, je dois assumer son défaut, faire apparaître mon retrait depuis son retrait

-

Quand le monde s'en va, quand il fait défaut, je dois t'y porter, faire venir le monde au monde comme s'il y avait un monde juste, comme si nous habitions le même monde

-

Ce qui advient "au-delà du performatif", dans sa vulnérabilité et sa finitude corporelle, se moque de toute garde, de toute assurance, de tout "Je peux"

-

La question "Qui peut mettre en échec l'hyper-souveraineté du Walten ?" peut s'écrire "Qui peut mourir ?" Telle est la question derridienne ultime

-

Sous le nom de Dieu, on peut donner à penser une non-souveraineté vulnérable, souffrante, divisible, mortelle, qui se déconstruit jusque dans son ipséité

-

Penser un Dieu vulnérable, retiré, détaché du pouvoir, cela implique de dissocier l'inconditionnalité de la souveraineté

logo

 

 


Recherche dans les pages indexées d'Idixa par Google
 
   
   

 

 

   
 
     
 
                               
Création : Guilgal

 

 
Idixa

Marque déposée

INPI 07 3 547 007

 

Derrida
DerridaManque

AA.BBB

CulpaDette

HI.LHI

DerridaCheminements

WQ.MA.NQU

BM_DerridaManque

Rang = M
Genre = -