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Index des termes

de l'oeuvre

de Jacques Derrida

Un seul mot - ou un syntagme.

         
   
Derrida, le juste                     Derrida, le juste
Sources (*) : La pensée derridienne : ce qui s'en restitue               La pensée derridienne : ce qui s'en restitue
Pierre Delain - "Les mots de Jacques Derrida", Ed : Guilgal, 2004-2017, Page créée le 30 août 2005 Derrida, inconditionnalités, principes inconditionnels

[Derrida, le juste, la justice]

Derrida, inconditionnalités, principes inconditionnels Autres renvois :
   

Derrida, la loi, le droit

   
   
                 
                       

1. Conditionnelle ou inconditionnelle.

De même qu'il y a deux types de don, d'hospitalité et de pardon, il y a deux types de justice :

- la justice conditionnelle est celle de la vie courante. Elle s'organise en fonction des contraintes politiques et du droit positif en vigueur. Sanctionnant la faute, elle vise la restitution, la réparation de l'injustice ou la condamnation - allant parfois jusqu'à la vengeance ou la malédiction. Elle s'appuie sur un raisonnement, un calcul, pour tenter de réparer le mal ou l'accident dans la loi. Elle invite à suivre le droit chemin dans une perspective d'accord, de rassemblement. Mais, pour être crédible, une politique de justice ne peut se limiter à cela. Il faut qu'elle s'appuie sur un principe qui dépasse le droit.

- la justice inconditionnelle est celle qui engage au-delà de tout droit, de toute économie, de toute règle, de toute norme et des lois en vigueur. Elle est indémontrable, indéconstructible (comme l'était la pitié pour Jean-Jacques Rousseau), incalculable. C'est une sentence qui nous vient de l'inconnu, un axiome qui ne se justifie que par lui-même, n'appartient pas au temps, nous engage indépendamment de toute présence à soi. Comme principe hyperbolique, infini, elle ne peut être qu'excessive, disproportionnée, exagérée par rapport à toute situation concrète. C'est une aporie - impossible à mettre en oeuvre, l'expérience même de l'impossible. Mais dès lors qu'elle est posée comme question ou comme problématique, on ne peut plus la limiter. Elle concerne l'homme (le mâle occidental), le citoyen et aussi la femme, et aussi l'enfant, et aussi l'animal, le végétal, le minéral, et aussi (surtout) le dissemblabe, le tout autre, le monstrueusement autre.

 

2. Aporétique.

D'un côté, il faut exiger la justice, l'appeler, la vouloir, la demander infiniment; mais d'un autre côté, pour aboutir à une décision, il faut qu'une règle de droit soit appliquée. Tout se joue dans cette aporie, cette épreuve de l'indécidable, entre deux impératifs. D'un côté, une justice "absolue", inconditionnelle et politiquement inacceptable, à laquelle, malgré les risques de dislocation et d'excès, toute politique doit se référer; d'un autre côté, la finitude, la nécessité du calcul, de la réparation, des lois, de l'Etat. Il faut une justice infinie, mais il est impossible de la mettre en œuvre sans institutions, police, instruments de coercition, appareil judiciaire. On n'évitera jamais les négociations, les compromissions politiques. Faire intervenir ces tiers institutionnels dont les méthodes peuvent impliquer la violence, c'est un parjure, mais il est incontournable. Refuser toute séparation radicale entre le droit et la justice, faire appel aux institutions légales, avec le risque insoutenable de l'hospitalité au pire, telles sont les contraintes simultanées exigées par le serment, l'engagement de justice.

On aboutit au paradoxe de la loi de justice, qui s'appuie sur une demande impérieuse, insupportable, muette, toujours en excès sur la vie courante. Ses figures en sont l'imploration, la souffrance de l'autre et aussi l'oeuvre, car sans oeuvre, ce qui se réaliserait automatiquement, même au nom de la justice, serait terrifiant. Il serait impardonnable de nier cette attente, même si l'on ne peut pas y répondre.

 

3. Une justice absolument singulière.

La justice ne compense ni la dette, ni la culpabilité. Ne s'adressant qu''à des singularités, dans des situations singulières, elle fait signe vers une autre équité qui rompt avec le principe d'équivalence. Hétérogène, réinventée pour chaque cas, elle ne répond pas au présent. Elle se déploie, s'abandonne, se donne, elle s'accorde en supplément, par-dessus le marché. Imprévisible, instable, improbable, son juste nom est "amitié". En tant que justice de l'autre, elle puise sa source dans la singularité de l'autre. Plus ancienne que la mémoire, indéfinissable à l'avance, dépourvue de tout barême ou cotation préalable, elle reste hétéronome, à venir.

Ce caractère irréductible de la justice inconditionnelle a conduit Derrida à avancer l'aphorisme : La déconstruction est la justice. Elle défait inéluctablement toutes les limites de l'humain dans un mouvement inarrêtable. Le problème de la justice est donc toujours essentiel, même s'il ne peut être "adressé" qu'indirectement, de manière oblique.

 

4. Réinventer le droit.

L'accueil inconditionnel du juste ne suffit pas. L'urgence appelle, au-delà du droit dans le droit (au-delà dans), une autre réponse. Il faut chaque fois, à partir de la singularité irréductible de chaque situation, dans l'urgence et la précipitation, que la loi soit réinventée. Seule une justice sans droit, incalculable et sans règle, ouvrant à l'avenir, peut faire émerger d'autres règles. Mais il n'y a pas de transformation du droit sans compromis ni négociation. Pour le reformuler, voire le refonder, il faut privilégier la justesse du raisonnable (une raison qui préserve sa différence fragile avec la raison calculante), inventer des maximes de transaction (transiger, mais en salutant l'inconditionnel).

 

5. Messianisme.

Bien qu'elle soit impossible, hors du temps, la justice inconditionnelle est urgente, messianique. Elle n'appartient pas à l'histoire. C'est une injonction, une éthique, l'éthique même. Nous en sommes au moins doublement responsables : devant la mémoire (les modalités multiples de l'appel à la justice, dans les différentes cultures), devant le concept [la tâche de la pensée], et aussi devant l'avenir.

Le plus vivant de la vie, ce qui vaut (encore) plus que la vie, c'est l'avenir de son être-juste, qu'on peut nommer (à la suite de Walter Benjamin) justice divine. Le principe du Lévitique "Tu aimeras ton prochain comme toi-même" y est interprété comme valant d'abord pour l'étranger. Être plus juste encore que la justice et en jouir, ce serait, pour Derrida, le sens de l'être-juif. Il faudrait que l'Etat d'Israël, lui aussi, comparaisse devant cette exigence, cette loi qui vient avant la loi du Sinaï.

 

 

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Propositions

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Axiome de la justice : elle est inconditionnelle et indémontrable, elle engage au-delà du droit, de la norme, du temps

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"La déconstruction est la justice" - partout où la déconstruction est possible comme expérience de l'impossible, il y a la justice

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La justice puise sa source dans ce qui doit se rendre à la singularité de l'autre : antérieure à tout présent, plus ancienne que la mémoire même, elle vient comme l'avenir

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Pour la déconstruction, le problème de la justice est essentiel - même s'il ne peut être "adressé" qu'indirectement, de manière oblique

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La responsabilité de la déconstruction est double : 1/ devant la mémoire; 2/ devant le concept de justice

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L'arrivance messianique est un concept impossible mais urgent, car il y va de la justice

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La question de la justice conduit à déconstruire toutes les partitions qui instituent le sujet humain : adulte/enfant, homme/femme, humain/animal, etc...

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La justice est indéconstructible, mais il faut la penser en déconstruction, dans un au-delà du droit qui est excès, disjointure, dislocation

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La demande de l'autre - muette, infinie, insupportable - n'est pas seulement une imploration, c'est aussi une figure de la loi qui exige la justice

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Il y a deux sortes de justice : celle qui fait droit (calculable); celle qui ouvre la dissymétrie infinie du rapport à l'autre (incalculabilité messianique du don)

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En excédant le calcul, le programme et les règles, l'appel à la justice ouvre à l'avenir, il commande la transformation et la refondation du droit, y compris par le calcul et la négociation

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La justice est indéconstructible pour Jacques Derrida comme la pitié était innée pour Jean-Jacques Rousseau

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Une décision ne peut être juste que si elle fait l'"épreuve de l'indécidable" - dont il reste, à jamais, une trace vivante, un fantôme qui déconstruit de l'intérieur toute certitude

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Il n'y a pas de justice sans expérience de l'aporie - car toute décision singulière est l'application d'une règle de droit, tandis que la justice est incalculable

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La justice commence avec un parjure : en engageant, avant tout contrat, l'éthique infinie de ma responsabilité pour l'autre, je fais surgir le tiers qui la trahit par le droit

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Il n'est d'appel au juste, à la mémoire - que pour réparer quelque mal, quelque accident dans la loi, quelque déséquilibre ou quelque défaut dans la généalogie

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Il faut l'hospitalité au pire, qui à la fois appelle et exclut le tiers, pour laisser venir la justice, accueillir l'autre et se protéger contre la violence de l'éthique

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L'authenticité du pardon ou de l'excuse seraient menacés s'ils se réalisaient automatiquement, sans oeuvre - alors la scène de confession serait terrifiante, la justice serait injuste

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La justice s'adresse toujours à des singularités, à la singularité de l'autre, malgré ou en raison même de sa prétention à l'universalité

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Agir par devoir ou respect de la loi, c'est inventer chaque fois, pour chaque situation unique, la règle et l'exemple de la justice

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Se référer à Dieu, c'est en appeler à la singularité irréductible de chaque situation : une justice sans droit

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A aucun moment on ne peut dire qu'une décision est purement juste, légale ou légitime - car pour qu'il y ait décision, il faut chaque fois réinventer la loi

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La justice est toujours requise dans l'urgence et la précipitation, avec la violence irruptive d'un performatif

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Une justice qui romprait avec le principe d'équivalence ferait signe vers une équité dont le juste nom serait "amitié", au-delà de tout calcul et de toute appropriation amoureuse

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Depuis un lieu spectral, entre vie et mort, une injonction sentencieuse affecte de parler comme le juste

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Une éthique de justice n'engage pas seulement ma responsabilité à l'égard du semblable, mais aussi du dissemblable, du tout autre ou du monstrueusement autre

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L'événement qui mériterait, une seule et unique fois, à telle date, le juste nom d'amitié, supposerait l'expérience d'une alliance improbable, la pensée d'un concept du "peut-être"

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Il faut, pour sauver l'honneur de la raison, inventer des "maximes de transaction" : préférer la justesse du raisonnable, saluer sa différence fragile avec la raison calculante

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La question de la justice ne se sépare pas de celle du don : rendre justice, c'est donner ce qu'on n'a pas

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L'hospitalité pour l'arrivant absolu est politiquement inacceptable, mais une politique qui ne s'y réfère pas perd sa référence à la justice

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Le jour messianique où elle n'appartiendra plus à l'histoire, la justice sera soustraite à la vengeance et au droit

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Dans le Lévitique, le principe "Tu aimeras ton prochain comme toi-même" contribue à fonder sur la justice le lien politique et social, sans autre justification ni économie

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Walter Benjamin réveille la tradition judaïque selon laquelle le plus vivant de la vie - qui vaut plus que la vie -, c'est sa justice, l'avenir de son être-juste

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La violence divine, la plus juste, est indécidable, inconnaissable - et pourtant la seule qui pourrait faire l'objet d'une décision politique, révolutionnaire, ouvrant une ère nouvelle

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Le Juif exige d'être plus juste que la justice

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A Jérusalem comme dans les villes refuges, l'adresse à-Dieu exige plus qu'un accueil, une hospitalité qui soit aussi loi de justice effective, au-delà du droit dans le droit

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Le nom "Sinaï" porte ce qui sera venu avant Sinaï : le visage, le retrait du visage, et ce qui dans le Dire contredit le Dire : la justice

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Pas plus qu'aucun autre Etat, Israël n'échappe à la violence originaire, mais les Juifs peuvent exiger de lui qu'il comparaisse devant une autre loi, une autre justice

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S'il fallait tirer un enseignement du "pire" (la "solution finale"), ce serait pour juger de la complicité des discours qui séparent radicalement le droit et la justice

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