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de Jacques Derrida

Un seul mot - ou un syntagme.

         
   
Je vous dois la vérité en peinture                     Je vous dois la vérité en peinture
Sources (*) : L'oeuvre, au - delà du performatif               L'oeuvre, au - delà du performatif
Jacques Derrida - "La vérité en peinture", Ed : Flammarion, 1978, p364 "Il faut" : ce concept d'œuvre

["Je vous dois la vérité en peinture"; dans ce contrat pictural, la vérité promise ne peut se "dire" que par l'acte de peindre, en tant qu'il franchit les limites]

"Il faut" : ce concept d'œuvre
   
   
   
Promettre une vérité, c'est ce qui "fait oeuvre" Promettre une vérité, c'est ce qui "fait oeuvre"
Cézanne, pommes et autres objets               Cézanne, pommes et autres objets    
Un performatif tout autre - aujourd'hui                     Un performatif tout autre - aujourd'hui    

La phrase Je vous dois la vérité en peinture, et je vous la dirai a été écrite par Cézanne peu avant sa mort, dans une lettre à Emile Bernard datée du 23 octobre 1905. Il s'agissait d'un courrier privé, qui n'était évidemment pas destiné à une large diffusion. Et pourtant la phrase est devenue célèbre. Elle est constamment citée par les philosophes et les historiens de l'art. Hubert Damisch s'y est référé parmi les premiers lorsqu'il a expliqué, dans ses Huit thèses pour (ou contre?) une sémiologie de la peinture (1974), que s'il y avait une vérité en peinture, elle ne pouvait qu'excéder largement les limites d'une sémiologie.

Jacques Derrida a fait d'une partie de cette citation le titre d'un livre, La Vérité en peinture, qu'il a préféré à un autre titre qu'il avait initialement envisagé, Du droit à la peinture. Mais alors que la question de la vérité est largement traitée dans les quatre textes regroupés dans le livre, la citation de Cézanne n'y intervient que très peu (quelques mots à la page 364). Elle n'est analysée comme telle que dans le texte supplémentaire qui sert de préface, Passe-partout. Le titre a-t-il été ajouté a posteriori pour rassembler quatre textes disparates, écrits entre 1972 et 1978? On peut en douter, car les quatre textes semblent répondre à la question ouverte par cette phrase. En effet, s’il y avait un droit à la peinture, il supposerait une loi qui en marquerait la limite - une limite que Derrida analyse sous tous les angles. Qu’il la qualifie de trait ou de parergon, cette limite est pour lui toujours divisible ou déconstructible. Or la phrase de Cézanne inaugure un "contrat pictural" où la vérité promise, si elle se "dit", ne se "dit" que par l'acte de peindre, en tant qu'il franchit les limites. Ce franchissement pose la question de l’au-delà du performatif.

CITATION : "La promesse de Cézanne, de celui dont on lie la signature à un certain type d’événement dans l’histoire de la peinture et qui en engage plus d’un à sa suite, cette promesse est singulière. Sa performance ne promet pas, à la lettre, de dire au sens constatif, mais encore de « faire ». Elle promet un autre « performatif », et le contenu de la promesse est déterminé, comme sa forme, par la possibilité de cet autre. La supplémentarité performative est alors ouverte à l’infini "(La Vérité en peinture, p7).

Dans la phrase de Cézanne, il y a deux performatifs :

1. Une promesse. En disant qu'il doit une vérité, Cézanne ne fait pas que reconnaître une dette qui existerait déjà (constatif), il la crée, il la fabrique, il la produit (Aporie n°2), il l'érige, il prend un engagement nouveau, que personne n'avait pris avant lui, et qui se transmettra à beaucoup d'autres après lui (tous les peintres qui se reconnaissent dans cette dette). Quel est l'enjeu de cette dette? Sur quoi porte-t-elle?

2. Un engagement à produire un autre type de performatif, dans la peinture elle-même. A partir de Cézanne, il faudra que la peinture soit un acte (appelons le « painting act » plutôt que « speech act »), qu'elle fasse quelque chose. Dans ses Huit thèses, Hubert Damisch propose une formulation de cet engagement : que la peinture produise elle-même les éléments dont elle est composée. Jusqu'alors, ce qu'elle exprimait était subordonné au discours : une histoire, un récit, une action, un geste, un sentiment, un personnage, un contenu religieux ou cultuel. Désormais, par ce supplément de performativité, la peinture devra produire ses propres contenus. Bien que, dans sa lettre (qui est elle-même un fragment discursif), Cézanne ne montre rien (il ne peint ni ne dessine, il se contente de parler), il prend l'engagement de ne plus rien dire ni décrire dans sa peinture, qui ne soit pas dans la lignée initiée par la promesse. L'événement pourrait se dire de la façon suivante : Je m'engage à ce qu'à partir de maintenant, la peinture ne reconnaisse aucune convention préétablie, qu’elle soit à chaque fois un acte unique, exclusivement pictural (une tâche probablement impossible, qui pose tous les problèmes de l’aporie n°1).

Continuons la citation de Passe-partout :

CITATION : "La promesse dès lors ne fait pas événement comme tout « acte de langage » : en supplément de l’acte qu’elle est ou qu’elle constitue, elle « produit » un événement singulier qui tient à la structure performative de l’énoncé – il s’agit d’une promesse. Mais, autre supplément, l’objet de cette promesse, le promis de la promesse, c’est un autre performatif, un « dire » qui pourrait bien, nous ne le savons pas encore, être un « peindre » qui ne dise ni ne décrive, etc." (La Vérité en peinture, p7).

Voici qu’est posée, dans toute son ampleur, la question de l’autre performatif - c’est-à-dire pas simplement du performatif supplémentaire, mais du performatif tout autre, un performatif qui introduit un autre type de contrat – ou d’alliance.

Que dit Cézanne? Il écrit, il promet, il reconnaît une dette, il engage sa signature. Par cet acte de langage, du simple fait qu'il a promis, il est engagé, et beaucoup d'autres peintres à sa suite. Mais engagé à quoi? Pour quel enjeu? Sur la base de quelle dette et de quelle promesse? Cézanne ne promet qu'une chose, peindre, mais pas n'importe comment. L'enjeu de la peinture qu'il promet est la vérité. Mais il n'est pas question, pour Cézanne, de dire la vérité. Au contraire! Il est question de renoncer à toute peinture discursive, à toute peinture parlante, à toute peinture rhétorique, pour privilégier un acte de peindre, un acte qui donne lieu à l'oeuvre en-dehors de toutes les injonctions de la tradition picturale. La peinture de Cézanne n'est pas intentionnelle, elle ne dit rien à personne. Sa promesse est paradoxale. D'une part, c'est un dire; mais d'autre part, si on la prend au sérieux, sous la signature du peintre et avec les moyens qui sont les siens, elle ne peut être exécutée que sans dire, sans écrire, sans vérité, sans engagement. S'il y va de la vérité en peinture, c'est dans un autre idiome que celui de la parole, un idiome dont les quatre vérités concourent à l'ouverture d'un abîme.

Entre ce contrat dissymétrique cézannien et celui des "spécialistes" de l'histoire de l'art (Panofsky ou Schapiro) ou de la philosophie (Heidegger), il y a effectivement un abîme. Selon eux, le peintre, comme le savant qui l'interprète, désire restituer une vérité que la peinture "rend". Mais la fiabilité silencieuse sur laquelle la peinture s'appuie, dont témoignent des tableaux comme le "Double portrait des Arnolfini" ou les "Vieux Souliers" de Van Gogh, va au-delà. Elle ne se limite à aucun discours. Elle franchit la limite. L'attrait du tableau vient de cela : il fait passer son cadre, il le déborde, il cherche autre chose. La logique de l'oeuvre est celle du parergon, c'est-à-dire du mouvement. Le bord subsiste, mais il ne délimite aucune totalité.

Cet au-delà reconduit à Cézanne. Chacun de ses tableaux, chaque objet peint, chaque trait qui entame l'espace, chaque pomme témoigne d'une profondeur, d'une chose toute autre que la chose courante. "Oui" dit Cézanne, la peinture peut s'adresser à cet autre. J'en témoigne, je le démontre. La "vérité" que je vous dois déborde celle des universitaires. Elle est impossible à arrêter - comme la différance.

 

 

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Propositions

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Je vous dois la vérité en peinture, et je vous la dirai

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La signature de Cézanne est associée à un événement dans la peinture qui engage sa signature, et beaucoup d'autres à sa suite : la promesse performative d'un "autre" performatif

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Les "quatre vérités" en peinture, c'est que toutes les quatre (et d'autres encore), elles ouvrent à l'abîme

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[Pour rendre ou restituer une vérité, la peinture doit être fiable : offrir une alliance originaire, antérieure à tout produit ou objet symbolique]

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Un acte performatif, en peinture, ne saurait être intentionnel ni traduisible en discours : il agirait, comme un passe-partout, sans endetter ni promettre de vérité

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Pour donner lieu à la vérité en peinture, il faut entamer l'espace : le trait commence par se retirer, il ouvre sans initier

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La peinture n'a pas pour fonction la représentation, mais le témoignage (Double portrait des époux Arnolfini, par Jan Van Eyck, 1434)

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La structure des effets d'encadrement est telle qu'aucune totalisation de la bordure ne peut s'en produire

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La paire, fétichisée, rive à l'usage, tandis que le dépareillé oeuvre selon la logique du parergon : il met en mouvement

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[Chaque pomme de Cézanne vient en plus, toute autre, comme un objet supplémentaire qui se dissémine]

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[S'il y a une vérité en peinture, elle excède largement les limites d'une sémiologie]

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[Cézanne témoigne de la possibilité d'une adresse au tout-autre]

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