De La Dissémination à Glas, à Circonfession, à La Carte postale, à Schibboleth (et autres), Jacques Derrida médite sur la circoncision, il tourne autour. Elisabeth Weber lui demande en quoi cette blessure, impensable, met en péril le logos. Jacques Derrida répond avec prudence : la circoncision l'obsède, mais il l'évite. A cette blessure, on ne peut avoir qu'un rapport paradoxal : (1) c'est une marque déjà inscrite dans son corps singulier, ce qui lui interdit (à lui) la prise de distance; (2) c'est aussi une marque universelle qu'on trouve chez l'homme (tout homme), la femme et tous les peuples du monde. On retrouve le même paradoxe dans le rapport au judaïsme : à la fois particulier et universel.

On rapproche, dans la tradition juive, la circoncision (miilah) et le mot (milah), mais ce n'est pas dans ce jeu de mot hébraïque que Derrida a trouvé son inspiration. C'est plutôt dans une citation de Marina Tsvétaïeva : Tous les poètes sont des Juifs. Disons plutôt que tous les êtres parlants sont des Juifs : la langue est déjà là, elle nous précède, elle nous précipite dans l'espace de la loi et nous entraîne dans une alliance dissymétrique, hétéronomique (entre le fini et l'infini, entre l'appartenance et la coupure), qui est celle de la circoncision.