Derrida
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TABLE des MATIERES :

                            NIVEAUX DE SENS :

 
   
La photo atteste d'un "Ça a été"                     La photo atteste d'un "Ça a été"
Sources (*) : Une mémoire hante l'image               Une mémoire hante l'image
Roland Barthes - "La chambre claire, Note sur la photographie", Ed : Cahiers du Cinéma Gallimard Seuil [pas moins], 1980, p129 Le référent revient!

[La Photographie ne remémore pas le passé, elle atteste que cela que je vois, "ça a été"]

Le référent revient!
   
   
   
Sous la photo, la mort Sous la photo, la mort
                 
                       

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1. Certitude du Référent.

Une photographie ne fait pas revenir pas ce qui est aboli par le temps ou la distance. Elle produit un effet d'un autre genre : cela que je vois, cette chose unique, elle a bien été, c'est certain. Personne ne peut se souvenir de ce réel unique, irremplaçable, avec autant de précision, aucune anamnèse, aucune histoire ne peut le restituer, et pourtant le voici qui se présente à mon regard. Une Photographie ne se distingue pas de son Référent (les majuscules sont de Barthes). C'est son ordre fondateur. Elle y adhère, elle en atteste, elle y colle chimiquement, par l'effet de la lumière. Il n'y a pas à s'assurer de la vérité de l'image, il n'y a pas à la déclarer vraie. Le génie de la photographie, son noème, porte ce nom : "Ça-a-été". Chaque fois que je regarde une photo, je pense, avec une certaine mélancolie, à cet instant unique, qui reste immobile. C'est cette certitude qui distingue la Photographie des autres systèmes de représentation : elle a la capacité de reproduire à l'infini ce qui n'a eu lieu qu'une fois.

La photographie n'est pas de l'ordre du souvenir, mais de la certitude. Aucun écrit ne peut procurer une certitude de ce genre. Le langage est fictionnel par nature, il lui faut un énorme dispositif pour convaincre (la logique, le serment). Il n'est pas de son pouvoir de s'authentifier lui-même. Au contraire, la photographie est un certificat de présence qui ne ment jamais, qui n'invente pas, qui s'impose à nous par la force, pointe un intouchable, une rencontre unique, un particulier absolu. Rien ne manque dans cette image. Elle est pleine, elle remplit la vue. On ne peut rien y ajouter.

 

2. Punctum : un point d'altérité.

La réalité dont la photographie nous assure n'est que partielle. Ce n'est qu'un fragment, un point singulier du passé, un matériau contingent. Elle ne dit pas ce qui n'est plus, elle dit ce qui m'étonne, elle ne cesse de renouveler mon étonnement. Je me pose la question "Pourquoi est-ce que je vis, ici et maintenant, et non pas en ce lieu et ce temps qui a été photographié?" Aussi simpliste soit-elle, la question est d'ordre métaphysique. Toute photographie a à voir avec la Résurrection.

Roland Barthes s'appuie sur ce caractère fragmentaire de la photographie pour introduire une distinction essentielle. Certaines photographies touchent en moi un point enfoui, singulier, irréductible. On ne peut pas généraliser cet effet, on ne peut pas l'analyser par un savoir établi. C'est une expérience singulière. Une photo m'advient, m'arrive, me déchire. Elle produit en moi une agitation intérieure, une fête. Ce détail lance le désir au-delà de ce que l'image donne à voir. C'est un don, une grâce, un supplément inanalysable que je reçois en plein visage. La photo n'est plus quelconque, elle me touche à vif. Barthes donne un nom latin à ce phénomène : le punctum, qu'il l'oppose au studium, la culture usuelle.

On peut analyser une photographie selon la culture générale partagée par tous; mais on peut aussi s'y intéresser par une lecture privée, de l'ordre d'une prière individuelle. Ce qui fait alors irruption est le lieu d'une blessure, d'une vérité précieuse, intérieure, intraitable. Dans ce trouble, j'adviens comme autre, à travers une image, un spectre. Le temps est suspendu, je suis déproprié, je vis une micro-expérience de la mort. En ce point mystérieux, indicible, où le réel du "Ça a été" rejoint la vérité du "C'est ça", la Photographie peut me rendre fou.

 

3. Post-scriptum (après Barthes) : et la photographie numérique?

Jacques Derrida conteste l'évidence photographique postulée par Barthes. La photographie, elle aussi, peut être manipulée. Elle peut avoir été l'objet d'interventions techniques de toutes sortes. Il y a pas de voix présente en elle, pas de témoignage vivant, il n'y a qu'un effet de réel. Elle n'est qu'une marque, qui tient plus de la substitution que de la présence.

Si l'attestation photographique est reçue comme un témoignage valable, authentique, alors elle vient à la place d'une parole vive, d'une voix et non pas d'une trace. C'est le point de vue de Bernard Stiegler, qui prend le contre-pied de celui de Jacques Derrida. Selon lui, le "Ça a été" de la photographie analogique est une suspension, une interruption (epokhè) dans le rapport au temps et à la mort. Or, avec la photographie numérique et les télétechnologies actuelles, ce temps de suspension est à la fois maintenu et radicalement mis en doute. Le paradoxe est difficile à assumer.

La photographie, aujourd'hui, revient en force, au moment où les certitudes concernant le Référent sont de plus en plus ébranlées. Pour soutenir la croyance en un Référent stable, le postmoderne a pour elle un appétit insatiable. Mais plus elle envahit les champs visuels, plus elle apparaît comme un simple témoignage, une "attestation" dont la crédibilité peut toujours être contestée.

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Propositions

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L'essence de la Photographie, qui la rend unique, c'est qu'elle ne se distingue jamais de son référent; ce qu'elle reproduit à l'infini n'a eu lieu qu'une fois

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Avec la photographie, on laisse revenir ce qu'aucune anamnèse, aucune Histoire ne peut restituer : la science impossible de l'être unique

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Ce ne sont pas les peintres qui ont inventé la Photographie, ce sont les chimistes

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L'ordre fondateur de la Photographie est la Référence; c'est son essence intraitable, que nul ne peut nier

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La photographie est plate, elle ne peut pas être approfondie à cause de sa force d'évidence, sa vérité; et cependant elle procure un supplément intraitable, mystérieux

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La photographie et le cinéma accomplissent mieux, plus vite et avec une diffusion plus large la tâche que l'académisme assignait au réalisme pictural et narratif : stabiliser le référent

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Le postmoderne a un appétit insatiable pour la photographie - qui tient lieu de référent et transforme en oeuvres d'art canoniques des objets divers

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La photographie n'est pas une copie du réel, mais une émanation du réel passé : c'est une magie, non un art

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L'image photographique est pleine : elle emplit de force la vue, il n'y a plus de place, on ne peut rien y ajouter

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La photographie apporte un trouble (de civilisation) : c'est l'avènement de moi-même comme autre

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Dans toute photographie, ce qui est photographié est un spectre : il y a retour du mort

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La photographie n'est ni image, ni réel : c'est un être nouveau qui certifie une présence

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En tant qu'elles enregistrent un "ça a été", les télétechnologies actuelles prolongent la saisie de la voix par l'écriture phonétique, et ouvrent un nouveau rapport à l'avenir

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Quoique contingente, hors sens, une photo parle, elle induit à penser

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Quand le réel du "Cela a été" rejoint la vérité du "C'est ça", la Photographie peut rendre fou

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Le "ça-a-été", plus ou moins gommé dans l'instantanéité de la photo d'actualité, se lit à vif dans la durée de la photographie historique

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Le punctum d'une photo est un détail, un objet partiel qui lance le désir au-delà de ce que l'image donne à voir

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Ne me touchent que les photos qui renvoient à un centre tu, enfoui en moi-même (punctum), qui vient déranger ma culture usuelle (studium)

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Le "Ça a été" de la photographie analogique constitue une epokhè (suspension, interruption) irréductible dans le rapport au temps, à la mémoire et à la mort

 


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