Derrida
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 DERRIDEX

Index des termes

de l'oeuvre

de Jacques Derrida

Un seul mot - ou un syntagme.

         
   
Derrida, "peut - être"                     Derrida, "peut - être"
Sources (*) : La pensée derridienne : ce qui s'en restitue               La pensée derridienne : ce qui s'en restitue
Pierre Delain - "Les mots de Jacques Derrida", Ed : Guilgal, 2004-2017, Page créée le 7 décembre 2014 Orlolivre : comment ne pas, aujourd'hui, être présent ?

[Derrida, auto-téléiopoèse, "peut-être"]

Orlolivre : comment ne pas, aujourd'hui, être présent ?
   
   
   
                 
                       

1. Une structure formelle.

Jacques Derrida nomme "auto-téléiopoèse" la structure formelle du "peut-être", qu'il isole à partir d'un passage de Nietzsche (Par-delà bien et mal, §214) qui se termine par la phrase : Ah, si vous saviez comme cela changera vite, très vite désormais!. Nietzsche en appelle aux européens d'après-demain. Il lance une flèche vers l'avenir, vers des destinataires qu'il suppose présents, aujourd'hui, d'une présence que son adresse rend déjà effective même si elle n'est encore qu'une possibilité. Cette structure, on peut la repérer dans n'importe quel énoncé. Il suffit d'un "peut-être" pour que l'événement nommé soit déjà arrivé. Il n'est arrivé que dans la phrase, il n'est encore que virtuel, mais entendu comme réel, il hante effectivement le possible. Cette structure est la loi même de la spectralité.

 

2. Déjà-pas-encore.

La phrase téléiopoétique est travaillée par une tension, un drame. Il se peut que ce "peut-être" qu'elle appelle soit dangereux, il se peut qu'il suscite la peur ou la haine. Ne pouvant trancher, elle ne le fait venir (présence) qu'en l'éloignant (absence). Pour s'adresser à l'autre, elle doit lui prescrire de rester libre, même s'il ne répond pas à son appel. On retrouve dans cet écart la structure de toute décision, Pour que la décision fasse événement, il faut un suspens, une indétermination. Même après que la décision ait été arrêtée, la possibilité du suspens perdure. Le "peut-être" persiste jusqu'à la fin de la phrase, quand la flèche se boucle. Rien, aucune réponse, aucune responsabilité, ne peut combler cette béance.

Figer une causalité, une nécessité, calculer, instituer des règles et des lois, c'est faire violence au peut-être. Quand, par exemple, dans une communauté unie par un lien de naissance, les frères communient dans la mémoire d'un lien testamentaire, le patrimoine qu'ils constituent est un oubli du "peut-être". Pour qu'il fasse retour (le "peut-être"), il faut une décision venue de l'autre.

 

3. Le peut-être, aujourd'hui.

Peut-on nommer une spécificité du monde d'aujourd'hui, de notre époque? Jacques Derrida s'est toujours montré réticent à ce type de périodisation. Mais quand il analyse les mutations d'aujourd'hui, les bouleversements, les transformations, alors c'est vers cette temporalité aspirée par l'espace et le temps virtuels du "peut-être" qu'il revient. Aujourd'hui, tout ce qui fait "le plus vivant de la vie" (désirs, événements, communautés) serait suspendu dans son effectivité, virtualisé. L'espace, le temps, et aussi la nature, l'histoire, ne seraient plus réels, mais virtuels; leur présence ne serait pas effective, mais toujours imminente. Cette transmutation serait une expérience inouïe, toute nouvelle, l'expérience d'une promesse qui met en suspens le crédible, le fiable, le soustrait à toute programmation et l'expose à la chance, à l'instabilité.

Peut-être, dans ces conditions, un certain "Je t'aime", celui d'une politique de l'amitié, peut-il devenir audible.

 

4. Vérité.

Pour faire venir à terme ce qui n'est pas encore déterminé, la téléiopoèse transforme, produit, crée. C'est un acte de langage, un performatif. Mais c'est aussi un fond sans fond, le lieu d'une "vérité" avec des guillemets, "sa" vérité, celle qu'on tient secrète, en silence, qu'il vaut mieux laisser venir dans sa virtualité, ne pas savoir ni avouer (la "vérité de la vérité"). Cette vérité n'est pas universelle, on ne s'y installe pas comme dans un dogme. Elle peut se présenter comme folie.

 

5. La catégorie la plus juste.

"Or la pensée du peut-être engage peut-être la seule pensée possible de l'événement. De l'amitié à venir et de l'amitié pour l'avenir. Car pour aimer l'amitié, il ne suffit pas de savoir porter l'autre dans le deuil, il faut aimer l'avenir. Et il n'est pas de catégorie plus juste pour l'avenir que celle du "peut-être" (Politique de l'amitié, p46).

Les inconditionnalités derridiennes (hospitalité, don, pardon, liberté, amitié, etc.), qu'on rapporte souvent au champ de l'éthique, se rattachent à la catégorie du "peut-être". Cette catégorie semble, en première analyse, vague, instable. Mais c'est elle (et elle seule) qui interrompt l'ordre des choses, qui peut ouvrir à la venue de ce qui vient, qui peut introduire une autre politique, une autre alliance, improbable certes, mais rompant définitivement avec la logique de l'équivalence.

Les principes inconditionnels sont toujours virtuels. Ce qui arrive n'arrive que comme accident singulier, mouvement imprévisible, clignement, battement de coeur qui pourrait s'interrompre et mourir à tout moment, rythme dont on n'a jamais la certitude qu'il se répétera encore une fois. Quand ils sont mis en oeuvre, on ne peut jamais en faire le constat, on ne peut pas les décrire comme tels. En eux se conjoignent et se disjoignent le possible et l'impossible.

cf : A la limite de l'impossible, du "peut-être" et du "si", tel est le lieu où l'université, par ses oeuvres, s'expose à la réalité et tente de penser.

 

6. Une oeuvre qui réponde du "peut-être".

Il faut, aujourd'hui, dit Derrida, répondre du "peut-être". Ce 'Il faut" n'est pas anodin. C'est plus qu'un conseil, plus qu'un impératif : un principe auquel il n'a cessé de renvoyer et sans lequel, peut-être, il n'aurait jamais écrit. A quoi bon faire une oeuvre? La question se pose pour tout un chacun et aussi, par-dessus tout, pour le signataire de cette oeuvre-là.

-a/ Celui qui a reçu, à l'âge de huit jours, le prénom hébraïque d'Elie, est aussi celui qui annonce la téléiopoèse. Il appelle, maintenant, ce dont il n'a pas connaissance; il s'adresse, déjà, à ce qui aura été entendu. Il ne s'engage pour cela ni dans une religion, ni dans une mystique, mais dans un messianisme, une messianicité qu'il redéfinit entièrement.

-b/ L'oeuvre témoigne d'un rapport à l'autre. Comme le poème, elle invente un idiome pour que, peut-être, quelque chose en survive.

 

 

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Propositions

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Aucune réponse, aucune responsabilité, n'abolira jamais le "peut-être" qui ouvre à jamais le questionnement

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En impliquant d'avance le destinataire sur le mode du peut-être, certaines phrases "auto-téléiopoétiques", qui ne disent rien, font venir à terme ce qui survient

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La phrase messianique ou téléiopoétique est travaillée par un drame : dans le temps où elle fait venir (présence), elle éloigne la venue (absence)

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Une logique téléiopoétique, quasi-messianique, hante tous les énoncés : il suffit qu'un événement soit possible pour que, peut-être, il soit déjà arrivé

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Pour pouvoir m'adresser à l'autre - penseur, messie ou Dieu lui-même -, je dois lui prescrire de rester libre, de pouvoir ne pas répondre à mon appel

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Structurellement, toute décision signifie l'autre en moi, c'est un commencement absolu qui fait exception de moi; aucune théorie du sujet ne peut en rendre compte

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La phrase téléiopoétique ou messianique porte en elle une dénégation structurelle : en appelant le dangereux "peut-être", elle refoule la peur ou la haine qu'elle suscite

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Une hyperaporétique de l'amitié est la condition archi-préliminaire d'une autre expérience, une autre pensée du politique, qui promet "peut-être" autre chose

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L'événement qui mériterait, une seule et unique fois, à telle date, le juste nom d'amitié, supposerait l'expérience d'une alliance improbable, la pensée d'un concept du "peut-être"

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La vérité de la vérité, c'est cette folie, ce fond sans fond qu'il vaut mieux ne pas savoir ni avouer - pour rester, "peut-être", sans l'avoir ni l'être, l'ami de la vérité

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La modalité du "peut-être" est quasi-transcendantale : il suffit de construire le concept politique de l'ennemi pour que, virtuellement, la communauté soit instituée

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[Ce temps-ci, le contemporain, n'est ni présent, ni en rapport avec un autre temps ou avec lui-même; il est aspiré par l'espace et le temps virtuels du "peut-être"]

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Ce qui arrive peut-être, avec Nietzsche et la transmutation d'aujourd'hui, c'est le peut-être même, l'expérience inouïe, toute nouvelle, du peut-être

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"Je t'aime entends-tu?"; cette déclaration d'aimance hyperbolique ne pourrait donner sa chance à une politique de l'amitié que soumise à l'épreuve du peut-être, de l'indécidable

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A condition de s'ouvrir en tremblant au battement de coeur du "peut-être", l'aimance peut se produire comme décision hétéronome, don de l'autre

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A la limite de l'impossible, du "peut-être" et du "si", tel est le lieu où l'université, par ses oeuvres, s'expose à la réalité et tente de penser

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Unis par un lien testamentaire (fidélité à la mémoire des morts et aux spectres des pères), les frères ne peuvent penser une vérité qu'en oubliant le "peut-être"

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[Il faut, aujourd'hui, répondre du "peut-être"]

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[Traduire un poème, c'est témoigner d'une rencontre, d'une éthique du rapport à l'autre, où chaque fois s'invente un nouvel idiome, unique]

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Jacques-Elie Derrida est celui qui annonce la téléiopoèse, cette structure messianique

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