Derrida
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TABLE des MATIERES :

                            NIVEAUX DE SENS :

 DERRIDEX

Index des termes

de l'oeuvre

de Jacques Derrida

Un seul mot - ou un syntagme.

         
   
Derrida, la confession                     Derrida, la confession
Sources (*) : La pensée derridienne : ce qui s'en restitue               La pensée derridienne : ce qui s'en restitue
Pierre Delain - "Les mots de Jacques Derrida", Ed : Guilgal, 2004-2017, Page créée le 1er sept 2014 Oeuvre, archi - performatif

[Derrida, la confession]

Oeuvre, archi - performatif Autres renvois :
   

Derrida, témoignage, attestation

   

Derrida, l'adresse

   

Derrida, le pardon

Orlolivre : comment ne pas (se) sacrifier? Orlolivre : comment ne pas (se) sacrifier?
                 
                       

1. Circonfession, un archi-performatif?

Entre janvier 1989 et avril 1990 (une durée d'écriture particulièrement longue : plus d'un an), Jacques Derrida a écrit ce texte qu'il a intitulé Circonfession, publié en 1991 en contrepoint de la Derridabase de Geoffrey Bennington. De ce texte, on pourrait dater un certain déplacement des thèmes derridiens vers les questions de la culpabilité, de l'aveu, de la faute, du repentir, de l'excuse, du pardon et des principes inconditionnels : l'hospitalité, le don, la justice. Tout se passe comme si Derrida lui-même, comme œuvrant (signataire d'une œuvre) ne pouvait penser la confession sans se confesser. Dès lors, son travail conceptuel n'est plus dissociable de ce qu'il nommera plus tard, à partir d'une analyse des Confessions de Jean-Jacques Rousseau, archi-performatif : un témoignage, une adresse à l'autre, une reconnaissance de dette, un engagement, une promesse. Il ne peut mettre en jeu les concepts qui engagent le coeur de son travail, il ne peut envisager le salut de l'œuvre, sans ce geste de confession. S'il y a, dès le départ, un risque de tromper la confiance du destinataire, si l'œuvrant n'est jamais à l'abri d'un parjure ou d'un faux témoignage, alors l'œuvre elle-même doit, elle aussi, conjurer ce mal, et pour cela commencer par une demande de pardon.

 

2. Pas de confession sans œuvre.

Pour se confesser, il faut laisser derrière soi un texte, autobiographie ou fiction, un artefact souverain qui parle tout seul dans le monde. L'opération performative ne suffit pas, il faut encore disloquer l'ipséité : il faut une œuvre c'est-à-dire une blessure, une interruption, une rupture dans l'ordre du temps.

"Nous cherchons ainsi à progresser dans cette recherche au sujet de ce qui, dans le pardon, l'excuse ou le parjure, se passe, se fait, advient, arrive et donc de ce qui, comme événement, requiert non seulement une opération, un acte, une performance, une praxis, mais une œuvre, c'est-à-dire à la fois le résultat et la trace laissée d'une opération supposée, une œuvre qui survit à son opération et à son opérateur supposés. Lui survivant, étant destinée à cette sur-vie, à cet excès sur la vie présente, l'œuvre comme trace implique dès le départ la structure de cette sur-vie, c'est-à-dire ce qui coupe l'œuvre de l'opération" (Papier machine, p111) (Les italiques sont de Jacques Derrida).

La confession requiert une profération, le présent-vivant d'un acte. Mais pour qu'il soit entendu, il faut que cet acte laisse une trace, qu'il survive à son opération. C'est la fonction de l'oeuvre : elle est la structure de ce qui survit. Elle ne garde la mémoire du présent vivant qu'à condition de s'en couper. Sa part d'ombre, de pudeur ou de honte tient en respect.

 

3. Le danger du "sans oeuvre".

Ce qu'on entend ici par "sans oeuvre", ce n'est ni la simple absence d'oeuvre, ni la pure oralité d'une confession. Qu'elle soit orale ou écrite, elle peut laisser une trace, elle peut faire oeuvre. La confession "sans oeuvre" est celle qui serait proférée par une machine automatique, 'un "je" universel qui répéterait mécaniquement "Je m'excuse", "Je m'excuse". Ce type d'auto-justification qui annule l'oeuvre; qui tue le désir, n'est pas la moins fréquente. On la rencontre fréquemment aujourd'hui, proférée par des institutions ou conventionnellement reprise par ceux dont c'est la fonction. Or Derrida ne la prend pas à la légère. Il la qualifie de menaçante, terrorisante.

"Cette neutralisation autodestructrice, suicide et automatique, que produit et qui produit en même temps la scène du pardon et la scène apologétique, pourquoi serait-elle terrifiante? (...) Là même où l'automaticité est efficace et "me" disculpe a priori, elle me menace. Là même où elle me rassure, je peux la redouter. Car elle me coupe de ma propre initiative, de ma propre origine, de ma vie originaire, donc du présent de ma vie, mais aussi de l'authenticité du pardon et de l'excuse, de leur sens même, et finalement de l'événementialité - et de la faute et de son aveu, du pardon ou de l'excuse. Du coup, on a l'impression que, en raison de cette quasi-automaticité ou de cette quasi-machinalité de l'oeuvre survivante, on n'a plus affaire qu'à des quasi-événements, à des quasi-fautes, à des fantômes d'excuses ou à des silhouettes spectrales de pardons (Papier machine, pp113-114).

On retrouve dans ce "sans oeuvre" derridien la figure du mal radical. L'authenticité du pardon ou de l'excuse seraient menacés s'ils se réalisaient automatiquement, sans œuvre. Alors la scène de confession serait terrifiante, la justice serait injuste.

Au sans-œuvre de la fausse confession s'oppose l'œuvre-confession, celle qui ne se borne ni à garder la trace d'un présent-vivant, ni à entretenir l'ambition de "solder la dette". L'oeuvre-confession est une tentative jamais acquise, mais toujours ouverte, de vaccination contre le sans-œuvre.

 

4. Le fantôme du dernier mot.

Au commencement de l'oeuvre, il y aura donc eu un geste performatif : acte de foi, serment, promesse ou tentative de conjurer le mal. Produire l'oeuvre est un acte ambigu. D'une part, le geste initial est confessé; mais d'autre part, on peut en jouir une autre fois. En demandant pardon, en reconnaissant le mal et en acceptant la sanction, on réitère la jouissance. On rend impossible l'exonération qu'on sollicite. En espérant que l'oeuvre aura le dernier mot, qu'un laisser-faire quasi machinal suffira pour accomplir la promesse de salut, on risque d'abolir la possibilité du salut et l'oeuvre elle-même.

Ceux qui attendent d'une confession un soulagement de leur culpabilité, voire un salut ou une rédemption, croient en ce dernier mot. Mais ni la confession, ni l'oeuvre la plus élaborée n'auront jamais innocenté qui que ce soit. Au contraire, la confession est une archive qui entretient et fait proliférer la culpabilité. Par l'aveu ou l'auto-justification, on n'efface pas l'acte. On réitère avec honte, compulsivement, le plaisir de la faute.

 

 

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Propositions

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"Circonfession" (Jacques Derrida,1991) [Circonfession]

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Une confession n'est pas de l'ordre du savoir ou du faire-savoir, elle se fait sur le mode du repentir, de la reconnaissance, de l'excuse, de la demande de pardon

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Etant exposée à une violence ou un abus toujours possibles (faux témoignage, mensonge, parjure, trahison, etc...), toute adresse à l'autre commence par une demande de pardon

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[Un archi-performatif entretient la dette : il engage, promet, conjure, adjure, culpabilise ou disculpe]

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Sauver l'oeuvre, c'est laisser le support de la confession, son subjectile, son archi-performatif, engendrer et consigner d'autres événements textuels

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Au commencement de l'oeuvre, il y aura eu un geste performatif : acte de foi, serment, confession, excuses, promesse ou conjuration

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Faire une oeuvre, c'est voler l'acte qui la produit, le confesser, en jouir tout en demandant pardon, s'en exonérer tout en reconnaissant le mal et en en acceptant la sanction

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Une écriture confesse une faute : dans son acte même, elle met publiquement en oeuvre le plaisir honteux, compulsif, machinique, que le corps prend à avouer

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Pour qu'arrive le pardon, l'excuse ou le parjure, un performatif ne suffit pas, il faut une oeuvre : une blessure, une interruption, une rupture dans l'ordre du temps

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L'ambiguité de l'oeuvre, c'est que, tout en gardant la mémoire ou la trace d'un présent vivant, elle a déjà, machiniquement, le projet de s'en couper

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L'oeuvre promet la rédemption; elle accomplit son oeuvre d'oeuvre par grâce, quasi machinalement, sans travail de l'auteur ni assistance vivante du signataire

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Toute autobiographie, fiction ou confession, laisse derrière elle un artefact souverain, qui parle tout seul dans le monde, disloquant l'ipséité

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Avec l'oeuvre se donne un "dernier mot" inépuisable : un acte de langage qui se réitère, un événement qui clôt sans solder la dette, un verdict qu'on garde en mémoire pour la suite

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L'inscription de la culpabilité est ineffaçable : elle s'écrit, s'archive, se capitalise, prolifère toujours plus - y compris par les actes ou les oeuvres qui visent à innocenter

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Un visage nu ne peut pas se regarder dans une glace - une part d'ombre (honte, pudeur ou peur) engage dans la confession, mais tient en respect

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L'authenticité du pardon ou de l'excuse seraient menacés s'ils se réalisaient automatiquement, sans oeuvre - alors la scène de confession serait terrifiante, la justice serait injuste

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