Derrida
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de l'oeuvre

de Jacques Derrida

Un seul mot - ou un syntagme.

         
   
Derrida, la confession                     Derrida, la confession
Sources (*) : Derrida, l'art, l'oeuvre               Derrida, l'art, l'oeuvre
Jacques Derrida - "Papier Machine - Le ruban de machine à écrire et autres réponses", Ed : Galilée, 2001, pp59s

 

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Réparation par l'oeuvre

Avec l'oeuvre se donne un "dernier mot" inépuisable : un acte de langage qui se réitère, un événement qui clôt sans solder la dette, un verdict qu'on garde en mémoire pour la suite

Réparation par l'oeuvre
   
   
   
Oeuvre, arrêt, différance Oeuvre, arrêt, différance
               
                       

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1.

A la fin de la seconde promenade des Rêveries d'un promeneur solitaire, Jean-Jacques Rousseau proclame, une fois de plus, son innocence. Il a produit ces textes, ces aveux. et maintenant "tout doit à la fin rentrer dans l'ordre, et mon tour viendra tôt ou tard". Il en est convaincu : par-delà sa propre mort, l'oeuvre survivra, elle survit déjà virtuellement, la machine de rédemption est en route. Dans son commentaire, Jacques Derrida insiste sur la dimension de grâce de cet acte :

""Tôt ou tard", cette patience du virtuel étire le temps par-delà la mort. Elle promet la survie à l'oeuvre, mais aussi par l'oeuvre comme auto-justification et foi dans la rédemption (...). Cet acte de foi, cette patience, cette passion de la foi vient sceller en quelque sorte le temps virtuel de l'oeuvre (...). Peu importe le temps que cela prendra, le temps est donné (...), il ne coûte plus rien, il est donné gracieusement en échange du travail de l'oeuvre (...). Telle serait la grâce mais aussi la machine de Rousseau (...). Il se pardonne d'avance. Il s'excuse en se donnant d'avance le temps qu'il faut (...). Tôt ou tard, la grâce opérera dans l'oeuvre, par l'oeuvre de l'oeuvre à l'oeuvre, machinalement. L'innocence de Rousseau éclatera. Non seulement il sera pardonné, comme ses ennemis mêmes, mais il n'y aura pas eu de mal. Non seulement il s'excusera mais il aura été excusé. Et il aura excusé" (Papier machine p51).

Alors même qu'il avoue un crime abyssal (le vol du ruban) aux effets maléfiques incalculables pour la jeune Marion, le pire des crimes, Rousseau proclame son absolue sincérité, la pureté de ses intentions, l'absence de toute intention de nuire, la certitude de son innocence absolue. Elle sera reconnue tôt ou tard, pense-t-il, grâce à ses Confessions écrites, son oeuvre. Cette contradiction, c'est précisément celle de l'oeuvre. Faite pour mettre fin à la culpabilité, elle ne cesse, au-delà du dernier mot d'excuse, de la relancer; faite pour mettre un point d'arrêt à une dette, elle lui redonne une nouvelle vie, une sur-vie. La grâce y coexiste avec la machinerie.

Rousseau s'inscrit dans une filiation chrétienne. En se confessant, il peut espérer la grâce : se décharger de la faute. Mais cette opération doit être indéfiniment répétée. L'aveu des péchés se transforme en litanie, en eschatologie, une "eschatologie intarissable" des derniers mots ou des paroles ultimes écrit Derrida (Papier machine p65).

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En affirmant son innocence, Rousseau reconnaît sa culpabilité sans fond, ineffaçable. Son oeuvre, écrite pour effacer la honte, la produit encore plus, l'engendre et l'accroît.

2.

Jacques Derrida va donc à la chasse aux derniers mots, et en trouve deux autres dans les Confessions :

- à la mort de Mme de Vercellis : "Enfin ne parlant plus, et déjà dans les combats de l'agonie, elle fit un gros pet. Bon, dit-elle en se retournant, femme qui pette n'est pas morte. Ce furent les derniers mots qu'elle prononça" (Les Confessions, Emplacement 1371 sur 11187).

- et à la fin du Livre II des Confessions, après le mensonge du vol du ruban : "Voilà ce que j'avais à dire sur cet article. Qu'il me soit permis de n'en reparler jamais" (Les Confessions, Emplacement 1431 sur 11187).

Il s'agit, dans les deux cas, de clore un épisode qui ne cesse de se répéter. Contrairement à ce qu'il déclare dans les Confessions (écrites vers 1764-70), Rousseau reparlera de l'épisode du vol du ruban dans les Rêveries d'un promeneur solitaire (vers 1777); et Mme de Vercellis, qui rejette Rousseau, ne disparaît pas complètement, elle revient sous la figure de Marion (rejetée par Rousseau). Le dernier mot n'est qu'un avant-dernier, le final est transformé en pénultième. Le pardon, l'excuse ou la rémission de la faute se présentent toujours en "dernier mot"; mais ils ne sont pas la fin de l'histoire. Le verdict, autre dernier mot, est une archive, une instance de pouvoir qui enregistre l'événement, le consigne, le conserve en mémoire pour l'avenir.

 

 

3.

Cette "extraordinaire machine" de l'oeuvre, on ne peut s'empêcher de penser qu'elle est aussi la mécanique irréductible de l'oeuvre derridienne elle-même. Ne doit-il pas, lui aussi, s'excuser de produire cette oeuvre si excessivement prolixe et foisonnante qu'elle en vient à déborder tous les genres, si déconstructrice qu'elle en vient à ignorer cette vérité même qu'elle est censée défendre? Ne doit-il pas revendiquer à la fois une grâce, un don, et une pensée rigoureuse, calculatrice?

D'ailleurs, il le reconnaît, il faut bien qu'il le reconnaisse, si l'on en croit cet aveu :

"Ce qui donc arrive à ces deux jeunes hommes de seize ans, je puis dire que cela m'arrive.

La chose m'arriva et elle m'arrive encore.

Chacun peut dire, ici, "elle m'arrive". Elle arrive jusqu'à moi, ici même. Au moins comme un message à moi adressé.

Ce qui est arrivé à Augustin et à Rousseau, le vol, la faute et l'aveu, cela m'arrive encore, j'en hérite par un effet de succession, par l'effet de complexes machines à écriture et à archiver. L'équivoque ineffaçable, ineffaçablement française, l'idiome intraduisible qui joue des deux sens ou des deux destinations de "arriver" (l'événement qui arrive à quelqu'un et le message qui arrive - ou n'arrive pas à destination, voire à quelque destinataire imprévisible), nous ne devons pas nous en distraire comme d'un accident sans intérêt"

(Papier machine, p65).

Cette complexe machine à écrire, à archiver, à s'excuser, à se confesser, elle n'est donc pas un accident, elle est un trauma. Derrida s'inscrit dans la succession des aveux, mais ce que, lui, devrait avouer, il ne l'avoue pas sous forme d'histoire. Il l'avoue sous forme cryptée, encryptée, par l'ensemble de son oeuvre, ce qui ne l'empêche pas de reconnaître, lui aussi, de temps en temps, une faute. Ainsi sa jalousie à l'égard de son frère, qui se transforme chez lui en désir d'élection - comme s'il pouvait, lui seul, réparer la faute.

 


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