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de Jacques Derrida

Un seul mot - ou un syntagme.

         
   
Derrida, la peinture                     Derrida, la peinture
Sources (*) : Derrida, l'art, l'oeuvre               Derrida, l'art, l'oeuvre
Jacques Derrida - "La vérité en peinture", Ed : Flammarion, 1978, p435

 

Creation du monde - X (Mikolajus Ciurlionis, 1905) -

Derrida, reste, restance

La "peinture à l'oeuvre", c'est là où, de néant à néant - pariant sur le disparate, sur un reste crypté, secret, idiomatique -, les Souliers font marcher

Derrida, reste, restance
   
   
   
Derrida, sa Cabale cachée Derrida, sa Cabale cachée
L'oeuvre, au - delà du performatif               L'oeuvre, au - delà du performatif  
Derrida, la marche, le pas                     Derrida, la marche, le pas    

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Les dix dernières pages de La vérité en peinture, sont particulièrement complexes - pour ne pas dire hermétiques. Où Derrida veut-il en venir? Pour proposer une interprétation, commençons par citer ses trois dernières lignes (p436), qui sont aussi les trois dernières lignes du livre [à la manière dont les signatures du bloc graphique terminaient aussi le dernier texte du livre Marges et le livre lui-même].

- Ça vient de partir.

- Ça revient de partir.

- Ça vient de repartir.

Qu'est-ce qui vient de partir? De repartir? Admettons que ce soient les Souliers de Van Gogh, en tant que "peinture à l'oeuvre", selon la formule utilisée p426. Que font ces Souliers? Comme l'explique Derrida à de nombreuses reprises, ils font marcher. Le fait que les chaussures soient disparates, dissymétriques, qu’elles ne puissent pas marcher droit mais plutôt obliquement, qu’elles boîtent, cela n’est pas un inconvénient, au contraire, c’est indispensable au déclenchement de la marche. Ce déséquilibre, d’une certaine façon, est un autre nom de la différance.

Le « Quoi » étant (un peu) clarifié, reste à se demander « Qui » elles font marcher, ces chaussures. Proposons : le critique d’art (Shapiro), le philosophe (Heidegger), ou encore quelqu’un, celui qui dit « Je ». Car si le livre se termine par les trois phrases finales déjà citées (qui ne déclarent pas sa fin mais au contraire, performativement, que « ça vient de repartir »), il commence, après l’avertissement, par la phrase suivante :

CITATION : "Quelqu’un vient, ce n’est pas moi, et prononce : « Je m’intéresse à l’idiome en peinture »" (La Vérité en peinture, p5).

Ce « Je », qui « n’est pas moi », c’est-à-dire qui n’est pas le rédacteur du texte mais peut éventuellement être son auteur, à moins qu’il ne représente la figure du déconstructeur en général (à ne pas confondre avec le déconstructeur en particulier, ce personnage singulier, secret, ni avec le signataire, ce personnage fictif) ce « Je » donc, lui aussi, qui pourrait aussi éventuellement être un spectre (non nommé), attend une vérité. Sinon pourquoi s’intéresserait-il à l' idiome en peinture? Mais ce ne peut être qu'une vérité singulière, une vérité idiomatique.

Avançons une hypothèse : le quelqu’un étrangement cité dès le début du livre, ce quelqu'un anonyme, donnons-lui un nom : le reste, ou encore : le trait. Pourquoi ? Parce que comme eux, il commence par se retirer. Certes, ce reste ou ce trait n'initie pas, mais par lui l'espace s'entame, l'origine s'ouvre. Or ouvrir au dehors, selon Derrida, est aussi la fonction de l'idiome. S'intéresser à l'idiome en peinture, c'est s'intéresser à ce qui, dans le même temps, ouvre à l'extérieur et commence. L'idiome se manifeste par ce qui, en lui, ne peut être ni décrit complètement, ni dominé, ni lu, ni traduit, ni formalisé : ce reste toujours encore réductible, divisible, qui se retire dès le départ et finit par revenir, ce reste qu'on peut toujours traduire dans une autre langue et qui revient comme autre, comme parasite. Le système de l'idiome, c'est qu'il parasite et qu'il peut toujours se laisser parasiter. En jouant des effets de vérité, il ouvre à l'abîme. Or - et c’est le point où nous voulons en venir, c’est exactement ce que font les Souliers.

Mais reprenons en détail. Dans les trois phrases de la fin (celle du départ), qu’est-ce que le « Ça » ? Hypothèse assez simple déjà proposée : c’est l’œuvre [c’est-à-dire, en l’occurrence, ce reste que sont les Souliers]. Quant ça part et ça repart, quand ça vient et ça revient, c’est de l’auto-affection de l’œuvre par elle-même qu’il est question, et quand Derrida cite Knut Hamsun (p426), toujours à propos de chaussures ("Ils (mes souliers) m'affectent comme le fantome de mon autre Je - une partie vivante de mon propre moi"), ce sont bien les Souliers qui sont les sujets de la phrase.

Ces deux souliers sont-ils différents, ou sont-ils les mêmes? On ne peut pas savoir, ce qui conduit Derrida à introduire le thème du pari (p429). La vérité n’étant pas définissable à l’avance, il faut parier. Les experts, les universitaires préfèrent éviter le pari. Ils préfèrent la paire à la comparaison, la science au risque de l'inconscient. Laisser faire la peinture, c'est prendre le risque du pari. Je parie que ça va repartir : voilà qui peut difficilement se présenter comme objet d’un travail scientifique (et même d’un travail universitaire).

CITATION : "Toujours plus de pari. Si bien que le piège marche toujours dans l’entrelacs, soit qu’il fasse marcher, laisse marcher ou qu’il paralyse" (La Vérité en peinture p430).

L’œuvre, c’est donc cela : parier que ça va marcher.

CITATION : "Il ne faut rien rendre. Seulement parier sur le piège comme d'autres jurent sur une bible. Il y aura eu à parier. Ça donne à rendre. A remettre" (La Vérité en peinture, p436).

Cette avant-dernière phrase (avant les trois phrases conclusives, celles du départ), nous proposons de la rapprocher d’un étrange renvoi à un Premier Moteur, dans le premier chapitre de Passe-partout.

CITATION : "Tout se passera, au bout du compte, comme si je venais de dire : « Je m’intéresse à l’idiome en peinture ». Et que je l’écrive maintenant plusieurs fois, en surchargeant le texte de guillemets, de guillemets entre guillemets, d’italiques, de crochets, de gestes pictographiques, que je multiplie les raffinements de ponctuation dans tous les codes, je parie qu’à la fin l’initial résidu reviendra. Il aura mis en marche un Premier Moteur divisé »" (La Vérité en peinture, p6).

Et bien sûr le « je » gagne son pari, la prédiction quelque peu téléphonée se réalise. L’“initial résidu“ [les chaussures c’est-à-dire l’idiome de Van Gogh – ou de Cézanne, ou d’Artaud, ou de Heidegger] revient à la fin, mais il ne revient pas n’importe comment, il revient précédé d’un retrait. C'est pourquoi, cette peinture à l'oeuvre, on peut l'appeler Berechit. Est-ce un hasard si Derrida, juste avant les trois phrases conclusives, cite la bible? Il ne faut rien rendre. Seulement parier sur le piège comme d'autres jurent sur une bible. Il y aura eu à parier. Ça donne à rendre. A remettre (p436). Un serment est à faire, mais au lieu de jurer sur une bible, c'est sur un piège qu'il faut parier. On se laisse piéger, et la conséquence est dite au futur antérieur. Trois temps : (1) Il ne faut rien rendre [les chaussures en tant que peintures à l'oeuvre n'exigent pas qu'on entre dans le cycle des restitutions de la vérité], (2) mais dès lors que le pari a eu lieu [qu'on laisse marcher ces chaussures disparates, qui ne peuvent que boîter], (3) on doit rendre, remettre [on est pris dans les quatre vérités du tableau, jusqu'à l'abîme].

 

 

Les Souliers de Van Gogh comme paradigme de l'Origine du monde (en concurrence avec un célèbre tableau), voilà qui peut sembler étrange, ridicule, irrationnel, insoutenable et non philosophique. On peut pourtant relire toute la Vérité en peinture sous ce prisme. La peinture à l'oeuvre, dit Derrida, comme le peintre en acte, comme la production picturale en son procès (p426) [vieux thème de l'artiste-démiurge identifié à Dieu], c'est ce qui reste de l'acte du peintre Van Gogh. Je vous dois la vérité en peinture, disait Cézanne. Van Gogh n'ayant pris aucun autre engagement qu'à l'égard de lui-même, il faut admettre que rien, dans ses Souliers, n'est intentionnel ni traduisible en discours. Il n'y a pas chez lui de dette ni de promesse. Son secret n'est lisible (s'il est lisible) qu'à même la peinture. Et pourtant, dans l'entre-deux des Souliers où se crée l'espacement, l'oeuvre paraît.

Il faut écouter les associations libres des dernières pages. Là où le néant (les sabots vides) rencontre le néant (la nudité des Vieux souliers, ce parergon sans ergon), vient une rumeur, quelque chose d'audible, une musique sans sujet, sans objet, un choeur des eaux (p434). C'est le tableau lui-même qui s'entend parler.

Que faisait Van Gogh en peignant des chaussures? Il se rendait quelque chose à soi-même : son secret, le reste crypté de son idiome. Il laissait ses chaussures là, en solde, ouvertes à l'inconscient de l'autre. Il faut écouter cette musique (écouter la peinture), entendre en elle ce qui commence et revient.

- Ça vient de partir.

- Ça revient de partir.

- Ça vient de repartir.

Le texte produit une étrange circularité. Si la Vérité en peinture est, comme le tableau de Van Gogh, une œuvre performative, elle produit quelque chose comme un simulacre de commencement.

 


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