Derrida
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TABLE des MATIERES :

                            NIVEAUX DE SENS :

                     
                     
Benjamin, Sur le concept d'histoire                     Benjamin, Sur le concept d'histoire
Walter Benjamin               Walter Benjamin
Pierre Delain - "Buées blanches sur le quai de l'Idve", Ed : Guilgal, 1988-2017, Page créée le 16 mars 2011

 

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[Dans ses thèses "Sur le concept d'histoire", Walter Benjamin fait de l'historien un prophète : en vivant son époque le regard tourné vers l'arrière, il est poussé vers l'avenir]

   
   
   
                 
                       

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Les Thèses sur l'histoire, parues en français sous le titre "Sur le concept d'histoire", ont d'abord été écrites en allemand, puis traduites par Benjamin lui-même. On trouve cette traduction dans les Ecrits français (Gallimard, 1991), et une autre traduction (par Maurice de Gandillac, revue par Pierre Rusch) dans Oeuvres III (Gallimard, 2000). Elles ont été rédigées au printemps 1940, ce qui fait d'elles une sorte de testament : le dernier texte écrit avant le suicide de Benjamin à Portbou le 26 septembre 1940. Il fuyait les nazis et le régime de Pétain, mais ce n'était pas la première fois qu'il avait été tenté par le suicide. Il nous a laissé poursuivre la tâche qu'il avait entamée (implicite dans toute son oeuvre) : Ne pas fermer l'avenir.

Ce court texte (une quarantaine de pages) d'une densité et d'une complexité incroyables a été commenté sous tous les angles. Je tente ici, dans le contexte de l'Orloeuvre, une présentation sous forme de propositions. Ce n'est pas un résumé ni une traduction : c'est une lecture. On peut lire ces propositions sur la colonne de droite. Les voici par ordre : I, II-1, II-2, III, IV, V, VI, VII, VIII, IX, X, XI, XII, XIII, XIV, XV, XVI, XVII-1, XVII-2, XVII-3, XVIII-XIX, Appendice.

Que disent-elles? Dans les Paralipomènes (Ecrits Français p451), Benjamin commente le mot selon lequel l'historien est un prophète qui regarde en arrière. Comme l'Ange de l'Histoire, il tourne le dos à sa propre époque. Mais son regard visionnaire orienté vers les générations antérieures rend sa propre époque plus nettement présente qu'elle ne l'est pour ses contemporains. Pourquoi? Parce qu'en marchant au même pas que leur époque, les contemporains ont un temps de retard, tandis que lui, le prophète-historien, actualise le passé, ce qui le pousse (involontairement) vers l'avenir. On trouve dans cette interprétation tous les thèmes des Thèses sur l'histoire. L'historien qui ne conçoit l'histoire que comme une suite d'événements successifs est incapable de rencontrer le passé, car il rate l'événement mystérieux qui le relie à ce passé à partir du présent. Sans rédemption du passé, il n'y a pas de lien avec les générations antérieures. Si le matérialisme historique doit s'assurer les services de la théologie, c'est parce qu'il ne peut pas s'engager dans l'histoire sans l'aide de cette vieille dame ridée. Le faible pouvoir messianique détenu par chaque génération lui est transmis par les générations antérieures. Elles peuvent exiger de la génération actuelle qu'elle remplisse cette tâche.

Chaque présent est visé par un passé en lequel il doit se reconnaître. L'historien ne décrit pas le passé, il s'arrête devant l'image qui surgit à l'improviste. Cette image, qui est celle des ancêtres enchaînés, peut le sauver d'un danger suprême (ne pas avoir d'avenir). Il ne s'agit pas de recueillir un héritage - car ce ne serait que l'héritage des vainqueurs. L'historien (matérialiste selon Benjamin) rejette la norme historique. Il sait que nous vivons toujours dans un état d'exception, et que le progrès ne peut être ni homogène, ni illimité. En arrachant l'histoire à la continuité (comme l'a fait Robespierre ou comme le fait aussi, par exemple, la mode), en faisant éclater ce blocage, on situe son lieu dans l'a-présent, c'est-à-dire dans la fête, dans l'événement. Ce temps-là n'est pas celui des horloges. C'est une brèche, un arrachement. Le temps doit cesser de passer, il doit s'arrêter.

Ce qui vaut pour l'activité de l'historien vaut aussi pour l'oeuvre, dans laquelle la tension s'immobilise. Les oeuvres sont des monades, des objets singuliers arrachés au temps. Le cours entier de l'histoire s'y cristallise dans un raccourci formidable. C'est ainsi que s'ouvre la porte par laquelle pourra entrer le messie.

 

 

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Propositions

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Le matérialisme historique, ce nain bossu qui supplée au jeu d'un automate, n'a rien à craindre s'il s'assure les services de la théologie - cette vieille mal famée priée de ne pas se faire voir

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Entre les générations passées et la nôtre existe un rendez-vous mystérieux : le passé réclame une rédemption, il exige que nous répondions à cette attente

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Nous avons reçu, comme chaque génération, une faible partie du pouvoir messianique - mais ce pouvoir ne nous appartient pas, le passé a des droits sur lui

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Rien de ce qui eût jamais lieu n'est perdu pour l'histoire - mais le passé ne serait intégralement citable que pour une humanité restituée et sauve

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La vérité est une image unique, irremplaçable, qui s'évanouit avec chaque présent qui n'a pas su se reconnaître visé par elle

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L'image du passé devant laquelle s'arrête l'historien, c'est celle qui pourrait le sauver d'un danger suprême - comme un souvenir qui surgit à l'improviste

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Ce sont toujours les héritiers des vainqueurs qui marchent sur les corps de ceux qui gisent à terre; l'historien y songe avec effroi et s'écarte autant que possible de cette transmission

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Puisque l'état d'exception dans lequel nous vivons est la règle, notre tâche consiste à instaurer le véritable état d'exception : le rejet de toute norme historique

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[Le visage de l'Ange de l'Histoire est orienté vers les décombres du passé, mais une tempête déploie ses ailes et le pousse vers un avenir auquel il ne cesse de tourner le dos]

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Les luttes libératrices sont nourries par l'image des ancêtres enchaînés, plus que par celle d'une postérité affranchie

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L'idée d'un progrès illimité et irrésistible de l'espèce humaine comme telle, dans un temps homogène et vide, est une prétention dogmatique détachée du réel

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L'histoire a pour lieu un temps saturé d'à-présent, qui cite le passé comme la mode cite un costume d'autrefois

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Les calendriers ne mesurent pas le temps comme des horloges; ils sont les monuments d'une conscience historique dont toute trace semble avoir disparu

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L'historien matérialiste est assez viril pour faire éclater le continuum de l'histoire; pour lui, le présent n'est pas passage, mais arrêt et blocage du temps

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[Dans l'oeuvre, une constellation saturée de tension s'immobilise, une monade se cristallise; on reconnaît le signe d'un blocage messianique]

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Alors que l'historiciste s'efforce de remplir un temps homogène et vide en additionnant la foule des faits, le matérialiste arrache au temps des objets-monades

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Arracher une oeuvre au continuum de l'histoire, c'est y recueillir l'oeuvre d'une vie, dans cette oeuvre l'époque et dans l'époque le cours entier de l'histoire

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L'à-présent, modèle des temps messianiques, ramasse, tel un raccourci formidable, l'histoire de l'humanité entière

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Chaque seconde est la porte étroite par laquelle le Messie peut entrer

 


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