L'origine historique de la tolérance est chrétienne. Elle a été mise en circulation au nom de la foi, de la moralité pure comme chose chrétienne : une leçon que le chrétien pensait seul pouvoir donner au monde. A cet égard, les Lumières ont été d'essence chrétienne. C'est ce que pensaient Kant et Voltaire, pour qui la religion chrétienne est exemplairement tolérante (au nom de la tradition d'un christianisme originaire à laquelle appartenait aussi Heidegger). Dans cette tradition, la tolérance est un secret de la communauté chrétienne; c'est une leçon que le chrétien doit pouvoir donner au monde.

Mais cette tolérance est avant tout destinée à ceux qui appartiennent à la même tradition. A partir de son concept de khôra, Jacques Derrida avance la possibilité d'une "autre" tolérance, qui s'accorderait à ce qu'il appelle l'expérience du désert dans le désert. Elle serait caractérisée par un scrupule, un respect de l'altérité infinie, de la distance, de la dissociation, de la disjonction, de la dissymétrie qui caractérise ce lieu (khôra), le lieu même où le mouvement de l'espacement prend sa source.