Derrida
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de Jacques Derrida

Un seul mot - ou un syntagme.

         
   
Derrida, la littérature                     Derrida, la littérature
Sources (*) : La pensée derridienne : ce qui s'en restitue               La pensée derridienne : ce qui s'en restitue
Pierre Delain - "Les mots de Jacques Derrida", Ed : Guilgal, 2004-2017, Page créée le 21 avril 2017 Orlolivre : comment ne pas écrire?

[Derrida, la littérature]

Orlolivre : comment ne pas écrire?
   
   
   
                 
                       

1. Une grâce.

La littérature, telle qu'elle s'est instituée à la fin du Moyen Âge, suppose le droit de tout dire. Ce droit n'est pas toujours utilisé ni respecté, mais il a été posé dans les démocraties comme règle générale : libre expression, libre publication, autonomie et indépendance à l'égard de l'Etat. Aucune loi extérieure ne peut limiter ce droit, qui vaut pour tout écrit, quel que soit le genre (roman, poésie, récit, essai). L'écrivain n'est responsable devant personne, il n'a de comptes à rendre à aucune institution, et pourtant il n'est pas irresponsable. Bien qu'il ne soit tenu par aucune morale, il doit répondre, à même la langue, d'une loi au-dessus de la loi. Laquelle ? Celle que, par son écriture, il instaure. Il pose l'instance éthique par laquelle il est travaillé, une instance distincte de celle qui prévaut dans la société, même si l'une et l'autre se croisent.

Le principe de la littérature - inconditionnel, comme tout principe -, c'est qu'elle a la capacité de vous retirer de toute souveraineté, de tout pouvoir de décision. C'est sa grâce, sa force, sa toute-puissance (la puissance de ce qui vient toujours en plus). Elle est, comme l'art, porteuse d'une déconstruction générale. Rejetant tout calcul, elle généralise la greffe et l'hybridation. Sans objet ni référent, son texte parle tout seul dans le monde. Il produit un surplus qui est la force même de l'écriture. Il met en œuvre ce qu'il n'a pas le droit de raconter : la sur-vie, cet événement impossible qui déborde l'"auteur" et ses "personnages".

 

2. Le lieu du secret.

La littérature est l'héritière d'un double moment abrahamique. Le premier temps est celui de l'intériorité du secret. Dans le sacrifice d'Isaac, Abraham garde pour lui son alliance avec Dieu. Par son silence, il préserve l'impossibilité à dire ce secret qu'il n'a pas le droit de raconter. Ce silence, c'est l'axiome absolu, le secret du secret de la littérature. De même que l'épreuve terrible, insoutenable, d'Abraham, est de donner la mort, toute inscription est à la fois commémoration, effacement d'une date, glas. Dans la littérature, la poésie ou l'art, la mort est expérimentée comme telle. Il faut faire le deuil d'un secret, d'une date perdue, dont il ne reste que des cendres. L'écrivain bénit ces cendres, mais, comme Abraham, il doit s'excuser, demander "pardon de ne pas vouloir dire...". Ce pouvoir de garder indécelable le secret de ce qui est dit, c'est ce qui, dans la littérature, est digne d'être aimé passionnément. Sa toute-puissance-autre, c'est son secret, le secret même.

 

3. Un genre.

De même que, dans un second temps, l'ange arrête la main d'Abraham avant l'effectuation du sacrifice, il faut à la littérature des bornes. Comme toute épreuve, elle a une fin. Elle doit aboutir, s'achever. Il faut que le don sans calcul s'interrompe. En devenant fiction (diégèse, récit fondateur) ou fable (une histoire qui laisse entendre la vérité), en affirmant publiquement le droit à raconter, elle tente d'exorciser cette machinerie qu'elle a déclenchée.

La possibilité qu'elle offre d'excéder l'échange, l'économie, peut se transformer en fausse monnaie, comme l'a montré Baudelaire. C'est la littérature comme partage du commun ou comme genre, lieu où les appartenances de sexe, souche, famille, génération, etc. sont confortées.

Cette littérature est portée par la représentation. Elle présuppose une croyance (ce qui la différencie, par exemple, de la musique).

Aujourd'hui, avec la crise du livre et la multiplication des écrans, l'unité du récit se désédimente. Le lien entre art, technique, économie, littérature, médias, théorie, etc., est bouleversé.

 

4. Œuvre.

Le moment abrahamique est aussi celui de l'œuvre. Par sa responsabilité infinie et son irresponsabilité politique et civique, la littérature en est l'héritière. Il faut œuvrer, dit-elle. En œuvrant, elle détermine et délimite le contenu de l'alliance qui la gouverne, et en même temps, elle la trahit.

Si elle est digne de ce nom, l'Œuvre (avec un grand Œ comme chez Lévinas) excède la loi du genre. Il faut pour cela du génie - cette force inhumaine, surhumaine, qui se retire de tout ce qui est commun, usuel (pas seulement dans la littérature ou les arts, mais aussi, par exemple, pour les genres sexuels ou le rapport entre le "genre" humain et les autres espèces). Quand la dissémination se produit au-delà de tout, alors le plaisir littéraire a lieu. Le texte n'est rien, et pourtant il procure cette jouissance.

 

 

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Propositions

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La puissance propre à la littérature consiste à vous donner à lire, grâce à la grâce qui vous est faite de vous retirer de toute souveraineté, de tout pouvoir de décision

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Toute autobiographie, fiction ou confession, laisse derrière elle un artefact souverain, qui parle tout seul dans le monde, disloquant l'ipséité

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Ce qui spécifie l'oeuvre moderne (littéraire, poétique ou philosophique) est le droit de tout dire - ou de dire n'importe quoi

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En tant que lieu du "droit" à la littérature, un récit met en oeuvre ce qu'il n'a "pas le droit" de raconter : la sur-vie, cet événement impossible

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La littérature ou l'art sont souvent porteurs d'une déconstruction générale à quoi résistent les appareils conceptuels

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Le génie est cette force monstrueuse, inhumaine, qui excède toute loi du genre : dans les arts, la littérature, la différence des sexes ou le genre humain en général

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La littérature est travaillée au corps - de l'écrivain, de la langue, de l'oeuvre - par l'instance éthique, mais elle ne produit ni morale, ni éthique

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Le secret exemplaire de la littérature, c'est qu'il y a une chance de tout dire, sans aucune censure, pour tenir la passion en haleine sans toucher à ce secret

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Ce qui, dans la littérature, est digne d'être aimé passionnément, c'est ce qui, en elle, est au lieu du secret

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La possibilité de la littérature tient à ce moment chrétien, abrahamique, où l'on croit pouvoir excéder l'économie du sacrifice

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A l'origine du fonds sans lequel la littérature comme telle n'aurait jamais pu surgir est l'alliance entre Dieu et Abraham : silence, épreuve d'un secret terrible, absolu

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"Pardon de ne pas vouloir dire...", cette phrase qu'on ne peut pas arrêter, c'est l'épreuve d'Abraham et aussi celle de la littérature

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Le moment abrahamique, déjà littéraire, est celui de l'oeuvre

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Le secret de la Littérature, cette "Toute-puissance-autre", c'est le secret même

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La poésie, la littérature, l'art même, c'est l'expérience comme telle de la mort, du deuil, de la pire des pertes, celle qui ne laisse que des cendres, des mots incinérés sans sépulture

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Dans la coupe multiple où se produit la dissémination, au-delà du tout, le plaisir littéraire a lieu

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Au cinéma, l'image porte une croyance qui doit être incontestable, mais que rien n'assure; sans l'image, dans la musique, la croyance disparaît

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Ni la littérature ni la pensée ne peuvent exorciser la machine

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Avec le livre, on a refoulé tout ce qui résistait à la linéarisation; en désédimentant son unité, on bouleverse le lien entre art, technique, économie, littérature, théorie

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La scène secrète où Kafka se pardonne lui-même en écrivant à son père se fait archive, testament, littérature, oeuvre, quand elle devient publique

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