Dans son Essai sur le don, évoquant le régime de don-échange de certaines populations mélanésiennes (potlatch ou kula), Marcel Mauss insiste sur la particularité de certaines choses ou objets précieux, qui semblent posséder une force magique, religieuse ou spirituelle et obligent ceux qui les détiennent à les faire circuler. Bloquer cette circulation serait risquer une malédiction, une sanction grave, allant jusqu'à la mort. D'où vient cette force mystérieuse qui semble inhérente, immanente à la chose? Pourquoi est-elle ressentie directement par les donateurs et les donataires? Selon Jacques Derrida, cette force qui n'est rien (rien de concret, rien de matériel, rien de magique ni de puissant) : c'est la différance. Ce serait elle qui entretiendrait ce mouvement, le demanderait par structure, et cette structure serait celle du temps. Entre le don et la restitution, la chose donnée exige un délai, un intervalle, une temporisation en excès sur la circulation courante du temps, elle ménage un espace où le désir de don/contre-don peut s'inscrire. Là où il y a le don, il y a le temps. La chose demande du temps, elle demande un rythme, une cadence (la restitution dans un délai limité).