Le goût, concept central de l'esthétique du 18è siècle, restait pour Clement Greenberg, théoricien du modernisme, le principal (voire unique) critère de qualité d'une oeuvre d'art. "La qualité en art ne peut être ni établie ni prouvée par la logique ou le discours. Ce domaine se trouve sous le règne de la seule expérience et, si je puis dire, de l'expérience de l'expérience. Telle est la conclusion à laquelle ont abouti tous les philosophes de l'art sérieux depuis Emmanuel Kant". Un critique d'art doit avoir du goût. Seul son oeil exercé peut distinguer entre ce qui est de l'art et ce qui n'en est pas, entre ce qui est bon et ce qui est mauvais, et trancher entre l'un et l'autre (sans justification).

Quand Picasso, en 1907, a découvert l'art africain, il s'est rendu compte compte immédiatement que cette découverte menaçait l'esthétique traditionnelle. Le fétiche africain n'est pas beau; il désigne l'inconnu, l'ennemi. Il pose la question de la magie et du pouvoir. Avec le readymade de Duchamp (Fontaine, en 1917), les boîtes Brillo de Warhol, l'art s'est coupé de l'esthétique et a révélé son noyau philosophique. Le ver était dans le fruit, il contaminait dès l'origine le dernier Grand Récit de l'art.