Dans son essai de 1960, Modernist Painting, Greenberg définit le modernisme de la façon suivante : "L'essence du modernisme réside dans la mise en oeuvre des méthodes caractéristiques d'une discipline afin de la critiquer elle-même non dans un but subversif mais pour l'asseoir plus solidement dans son propre domaine". Il ne s'agit plus de représenter le monde tel qu'il se présente, mais de tenir compte des conditions de la représentation. L'art, désormais, devient son propre sujet. On peut rapprocher cette évolution de la critique kantienne, qui critique les moyens même de la critique. En peinture, le premier moderniste est probablement Manet, qui met en évidence la surface plane de ses tableaux. Après lui vient Cézanne, qui ajuste le dessin et la composition au format rectangulaire de la toile, avant que les impressionnistes ne laissent apparaître comme tel leur coup de pinceau. La représentation devient secondaire. Le basculement qui s'opère ne se limite pas au remplacement d'un style par un autre (un phénomène qui, entre le baroque et le néoclassicisme, s'était déjà produit plusieurs fois), mais réside dans l'accession à un nouveau niveau de conscience : celui où la raison s'applique à elle-même, où l'artiste se consacre à l'épuration de son art.

Le pêcheur et le bateaux se distinguent-t-il du fond? Le thème se distingue-t-il de la toile?