Les théories selon lesquelles un certain type d'art corresond à une époque sont nombreuses. Ainsi les révolutionnaires russes ont cru dans les années 1920 que la peinture de chevalet était condamnée, Greenberg a cru dans les années 1940 que l'art abstrait était une voie inéluctable pour l'art, etc... Depuis la fin de l'art (que Danto situe quelque part entre 1964 et 1984), ce genre de discours n'est plus tenable. Il ne peut plus y avoir de manifeste, car il ne peut plus y avoir un seul type d'art qui importe. Avant la fin de l'art, chaque mouvement s'affirmait dans une certaine conscience de soi, défendait une vérité, condamnait ou excluait d'autres mouvements, et se situait en fonction de sa place dans un récit de recouvrement ou de révélation de cette vérité. Le critique d'art participait à ces clivages, et s'engageait dans un sens ou un autre.

Avec la fin des grands récits de l'art, les manifestes ont disparu. On est entré dans une période posthistorique où la question de l'art n'est plus posée en termes de récits, mais en termes philosophiques. Désormais l'art fait moins appel à nos sens qu'à notre jugement. Les controverses philosophiques qui se sont développées dès les débuts du modernisme (ce terme étant entendu comme "Âge des manifestes"), peuvent être analysées comme une confirmation de la prédiction de Hegel sur la fin de l'art. L'art n'a plus à se conformer à une manière d'être particulière; "tout art est également et indifféremment de l'art" (p^68).

Tout en annonçant la fin de l'art, le mouvement Dada, par ses manifestes, en est la continuation.