Le dispositif du tableau renvoie à la mimesis. Un cadre, un fond, des couleurs, quelques traits nous invitent à reconnaître une figure. S'il n'y a rien à voir, si le tableau est blanc sur blanc, noir sur noir ou couvert de taches aléatoires, nous cherchons quand même : qu'est-ce qui pourrait faire signe? Evoquer indirectement un objet, un symbole? Si rien n'accroche, nous renonçons rapidement à regarder le tableau, mais il suffit d'un titre, d'une allusion, ou même d'une trace restée inconsciente pour que la fonction de la mimesis continue à opérer. Prenons l'exemple du Portrait d'une danseuse de Miro. Il n'y a qu'une plume et un bouchon. L'humour du tableau passe par le titre. Il en devient aussi pertinent qu'un tableau réaliste de Gustave Courbet pour montrer la vraie danseuse. Garder l'essentiel de la mimesis tout en se débarrassant de l'idéal, voilà un programme bien séduisant. Il ouvre au désir et au plaisir sensible quelques voies de traverse. Ce qui reste de la mimesis est rassurant, et ce qui en écarte peut faire croire en la liberté.

Dans cette formulation, tout dépend de ce que l'on met dans le mot renvoi. Il peut y avoir un sytème de renvois cohérents, structurés (norme, académisme ou obligation formelle); ou bien des renvois infinis, hétérogènes, disséminateurs. L'art contemporain peut jouer des deux, alternativement ou simultanément, par ironie, agression ou dénégation; mais jamais la mimesis n'est totalement évacuée.

Il faut ici distinguer la mimesis de la référence. S'il y a art, il y éloignement à l'égard du référent; or la mimesis elle-même, par sa prolifération, peut éloigner de la référence.