Vue du point de vue de l'âge adulte, la jeunesse ressemble au rêve. C'est comme si le jeune dormait. Il en est de même pour les générations historiques : chaque époque est tournée vers le passé comme vers un rêve. La révolution copernicienne en histoire mise en oeuvre par Benjamin dans Le livre des passages est une dialectique de la remémoration. L'historien procède comme Marcel Proust qui, commençant l'histoire de sa vie par le réveil, déplace ses meubles dans un demi-sommeil. Nous nous réveillons, émergeant du passé, ayant quelques souvenirs [de même que, le matin, nous nous souvenons de quelques rares éléments du rêve de la nuit]. Dans cette situation intermédiaire entre le sommeil et l'éveil, dans laquelle notre savoir n'est pas encore conscient mais peut le devenir, nous restituons le passé.

Un réveil qui arrache au rêve est une expérience unique de la dialectique. C'est l'art de voir le présent comme un monde éveillé, qui se rapporte à un rêve qui est l'Autrefois. En refaisant l'Autrefois par le ressouvenir, nous écrivons l'histoire à l'envers. Quand, sur le plan politique, le collectif s'empare de cela, il fait l'histoire.

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La pensée benjaminienne de l'histoire renvoie à l'anamnèse freudienne, mais aussi au renversement dialectique de Hegel et de Marx. C'est une métapsychologie. A l'instant du réveil - c'est-à-dire entre le sommeil et l'éveil - une image se forme. Elle met en lumière une part d'illusion, mais elle dévoile aussi la vérité dont ce passé est porteur pour nous.

© Chloé Julien, dont on trouvera des images à cette adresse.

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A noter qu'au cinéma, par exemple dans le film d'Ari Folman, Valse avec Bachir, on rencontre le même procédé de présentation : un personnage, semblant sortir d'un long sommeil, découvre le réel.