La question du livre se pose aujourd'hui à partir des transformations qui affectent sa forme. Sur quels supports va-t-il s'écrire? Peut-il survivre si les supports en question deviennent immatériels, électroniques? Qu'y aura-t-il demain dans les bibliothèques? Qu'est-ce qui prendra la suite de l'histoire du livre, et comment cette suite sera-t-elle traitée? Ces questions sont immenses et complexes. On peut les considérer sous l'angle de l'"oeuvre". Un livre a un commencement et une fin, un auteur identifiable, un titre, un éditeur. On peut le classer, le collectionner, l'inscrire dans une série, une collection. On le lit avec respect, sans le modifier ni le transformer. Peut-on en faire (ou en dire) autant d'une oeuvre? Peut-être pas. Une oeuvre digne de ce nom ne ne se laisse pas incorporer aussi aisément dans ce type de structure. Au contraire, elle perturbe les jeux du cadrage, ne se laisse ni arrêter, ni limiter. Le livre est pour elle un carcan imposé, mais nullement indispensable.

Ce qui arrive aujourd'hui (l'éloignement, pour certains textes ou certaines oeuvres, du support papier remplacé par d'autres supports, électroniques, virtuels ou immatériels), contribue à ouvrir les processus textuels - un glissement métonymique supplémentaire par rapport à tous ceux qui ont déjà affecté la forme "livre".

La forme ancienne du codex ne disparaît pas. Mise en réserve, elle n'est pas oubliée, mais conservée à travers ses restructurations. Les formes nouvelles ne la remplacent pas, elles créent de nouvelles conditions pour sa survie.