Derrida
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TABLE des MATIERES :

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Index des termes

de l'oeuvre

de Jacques Derrida

Un seul mot - ou un syntagme.

         
   
Derrida, l'apocalypse                     Derrida, l'apocalypse
Sources (*) : La pensée derridienne : ce qui s'en restitue               La pensée derridienne : ce qui s'en restitue
Pierre Delain - "Les mots de Jacques Derrida", Ed : Guilgal, 2004-2017, Page créée le 13 janvier 2014 Derrida, notre époque

[Derrida, l'apocalypse]

Derrida, notre époque Autres renvois :
   

Derrida, eschatologie, messianique

   

Derrida, "Viens!"

   
Orlolivre : comment ne pas en venir à l'apocalypse ? Orlolivre : comment ne pas en venir à l'apocalypse ?
                 
                       

La question de l'apocalypse se pose pour Derrida dès le début, et l'habite sans discontinuer dès les années 1960 et 1970 (et après) :

a. 1963-67 : les textes parus en 1967 sonnent comme des annonces, des appels prophétiques ou messianiques : dislocation du logocentrisme, clôture de la métaphysique, fin de l'écriture, fin du livre, etc. C'est un monde qui part, qui s'en va.

b. 1968 : Les fins de l'homme : titre d'une conférence prononcée en octobre 1968 à New York, datée d'avril 1968 [deux dates qui encadrent mai 1968], publiée dans Marges en 1972, autour de l'ébranlement de l'histoire de l'être qui, notamment avec Heidegger, en arrive à sa clôture.

c. 1974 : Glas, avec ses citations apocalyptiques éclatées, décalées, fragmentaires, notamment des trois Jean : l'Evangéliste, Jean de Patmos, Jean Genet.

d. 1977-80 : La Carte postale de Socrate à Freud et au-delà, avec ses Envois qui citent souvent l'Apocalypse de Jean et son insistance sur le chiffre sept, et Spéculer - sur "Freud", où Freud lui-même semble buter sur un post-scriptum (toujours le sept).

e. 1976-80 : Trois textes dédiés à Blanchot et Lévinas, Pas (1976), Survivre (1979) et En ce moment même dans cet ouvrage me voici (1980). Le mot Viens, sur lequel Derrida insiste dans ces textes, prolonge et cristallise le mouvement apocalyptique.

f. Le titre Les fins de l'homme sera repris par Jean-Luc Nancy et Philippe Lacoue-Labarthe pour la décade de Cerisy qu'ils organiseront en juillet 1980, et qui se concluera par un autre texte de Jacques Derrida, D'un ton apocalyptique adopté naguère en philosophie, dont la version finale sera publiée en 1983.

g. Le septième temps, inachevé, viendra après une certaine latence, dans le long cycle de séminaires sur Questions de responsabilité (1991-2003). Il trouvera une expression non pas finale, mais dernière (le dernier séminaire, le dernier homme, le dernier Juif) dans la dernière phrase d'un poème de Paul Celan (Die Welt ist fort, ich muss dich tragen). Cette effraction ne cesse, aujourd'hui, d'avoir lieu.

 

1. Apocalypse : une effraction dans la scène d'écriture.

Selon Kant, la voix autonome de la raison pratique se présente à chacun dans la transparence. Egalement audible en tout homme, tenant à tous le même langage, elle s'entend directement au plus proche. C'est l'essence de la voix, la voix en général - la voix comme telle. La raison s'oppose aux voix "mystagogiques", oraculaires, "grand seigneur", qui prétendent en passer par un mystère, une initiation.

Jacques Derrida conteste cette polarité. La voix oraculaire et la voix de la raison, sont-elles vraiment différentes? Quand on parle, même dans la plus grande solitude, c'est toujours comme si on était deux. Un premier homme parle et un autre, le dernier (en lui et en-dehors de lui), entend. S'adressant à lui-même, le premier envoie un message (une question) au dernier. Il ne s'attend pas à une réponse, car dans l'instant où la voix revient vers le premier, le dernier a disparu. Je m'entends parler dans un mouvement qu'on peut déjà qualifier d'eschatologique ou d'apocalyptique, car il suppose la fin d'un monde, la mort du destinataire auquel il s'adresse. La vérité, c'est que nous allons tous mourir. Nous sommes déjà morts, c'est la condition transcendantale de tout discours et c'est aussi l'essence de la scène d'écriture en général, y compris cette autre scène qui vient faire effraction.

La question apocalyptique de notre temps, c'est ce qui, sur cette scène, vient faire effraction.

 

2. Dans l'apocalypse même, ça vacille.

Dans cette scène, qui parle? A qui? Ce n'est jamais très clair. Le "je" peut être absent, il peut citer un autre "je", une autorité, un oracle qui parle sur un autre ton, ou dans son dos. Celui auquel il s'adresse peut y croire ou pas, il peut survivre ou pas. Le déraillement généralisé, qui détraque la police des destinations, commence dans le discours apocalyptique même. C'est là que la pensée, et aussi peut-être la philosophie, trouvent leur source.

Là où vacille le propre de l'homme, là peut venir à la fois l'exil (galout), avec le risque de mal radical, et la rédemption (geoula). La fin du texte de 1980 ("Viens"), D'un ton apocalyptique adopté naguère en philosophie, rejoint le début (gala). En faisant appel à la racine hébraïque gal, qui consonne avec le GL de Glas, Jacques Derrida aura révélé une scène secrète, un cataclysme. C'est le moment où il faut se voiler le regard, prier, pleurer, implorer, pour que vienne l'événement de la résurrection, de l'œuvre. Ça se déconstruit, ça s'est toujours déconstruit, et voilà qu'émerge autre chose : le triomphe de l'écriture qui surgit comme un fantasme, une crise mélancolico-maniaco-dépressive, une survie d'un autre type.

 

3. L'effraction du "Viens".

En conclusion du même texte D'un ton apocalyptique adopté naguère en philosophie, Jacques Derrida écrit : "La fin approche, or il n'est plus temps de dire la vérité sur l'apocalypse. Mais que fais-tu, insisterez-vous encore, à quelles fins veux-tu en venir quand tu viens nous dire, ici maintenant, allons, viens, l'apocalypse, c'est fini, je te le dis, voilà ce qui arrive". Derrida s'adresse à ses interlocuteurs en parlant à leur place, et ce sont ses interlocuteurs qui disent à sa place ce que lui, Derrida, leur dit : "Viens, l'apocalypse, c'est fini, je te le dis, voilà ce qui arrive". Bien avant le supposé tournant des années 1990, à partir de textes publiés dans les années 1970, cette annonce, proférée dès 1980, en appelle à un lieu énigmatique, irréductible à la philosophie, la métaphysique ou l'onto-théologie. En ce lieu qui fait effraction dans l'apocalypse même, peut surgir l'événement du "Viens" - un autre "Viens" qui, dans la différance, cite les "Viens" passés sans les répéter ni les réitérer -, un archi-"Viens" qui, au-delà de l'être, engage dans une apocalypse de l'apocalypse (une apocalypse secrète, au ton unique, venue du dehors), sans vision, sans vérité, sans révélation, sans message, sans destination, etc., une apocalypse de la fin, sans apocalypse (X sans X).

 

4. Die Welt ist fort, ich muss dich tragen.

Dans sa dernière année d'enseignement, Jacques Derrida cristallise ce Viens dans une formule, une phrase, une expression, un vers issu d'un poème de Paul Celan : Le monde est parti, il faut que je te porte. Cette phrase qui prolonge sa plus vieille recherche est aussi un nouvel événement dans sa scène d'écriture. Je suis seul écrit-il quelques mois avant sa mort. Je fais comme si il y avait un monde commun, comme si nous pouvions vivre ensemble dans un même monde, mais je n'ignore pas qu'à tout instant ce monde peut partir, il peut faire défaut par décès, par rupture des contrats vitaux, sociaux, politiques, ou encore à cause de l'angoisse ou de la folie qui le désagrège. Rien n'assure qu'il y a un monde, et même si, pour nous rassurer, nous croyons qu'il y en a un, sa fin peut toujours survenir.

A la fois bénédiction, malédiction, acte de langage, l'apocalypse derridienne n'est pas une clôture, elle invite à œuvrer.

 

 

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Propositions

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[Derrida, eschatologie, messianique]

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[Derrida, "Viens!"]

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Le discours apocalyptique détraque la police des destinations, il défie la recevabilité établie des messages

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Une oeuvre est un événement sacrificiel, apocalyptique, qui ruine ce qu'il met en ordre et implore la résurrection de qu'il ruine

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L'expérience du regard sans fond d'un animal annonce l'ultime frontière apocalyptique, l'instant d'extrême passion où sont frôlées les limites abyssales de l'humain

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Comme la loi morale, la raison pratique, qui commande sans rien échanger, s'accorde à l'essence de la voix

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La voix oraculaire, étrangère à la raison et à l'essence de la voix, annonce sur un code privé la venue d'un secret mystérieux, sans concept : un mal, une apocalypse

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La voix, qui meurt quand elle s'entend, est eschatologique en elle-même : c'est toujours la première et la dernière voix

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Avec les écrits apocalyptiques, la vérité de la révélation s'annonce exemplairement comme condition transcendantale de tout discours

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La structure de la scène apocalyptique est aussi celle de la scène d'écriture en général : de renvoi en renvoi, on ne sait plus qui parle ou qui écrit, qui adresse quoi à qui

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Parler de l'"écrire" comme "survivre", c'est une apocalypse, et aussi un fantasme maniaque

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Figures privilégiées de tout ce qui est soumis à stricture : le ligament tendu, la corde tissée ou tressée, la bande, et aussi le ton : hauteur de voix et qualité de timbre

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Dire "Je suis seul(e)", ou "Il y a du sans-monde", c'est prendre acte de la singularité / déconstructibilité de chaque monde, du monde de chacun

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Rien n'assure, d'un vivant à l'autre, qu'il y a un monde; à tout instant peut survenir la fin d'un monde (la mort), et aussi la fin du monde en général, "en tant que tel"

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Une apocalypse secrète, au ton unique, une catastrophe venue du dehors (au-delà de l'être) fait effraction dans l'apocalypse : "Viens!"

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Dans sa différance même, sans se laisser arraisonner par aucune onto-théo-eschatologie, "Viens" est apocalyptique, il est en lui-même l'apocalypse de l'apocalypse

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Un "Viens" apocalyptique, à partir duquel il y a de l'événement, en appelle à un lieu énigmatique, irréductible à la philosophie, la métaphysique ou l'onto-théologie

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["Die Welt ist fort, ich muss dich tragen", un événement dans la scène d'écriture derridienne (2002-2004)]

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Rien ne serait arrivé à la philosophie sans l'errance de ce nom, si son sens ou sa référence originels avaient été garantis

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