Derrida
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de l'oeuvre

de Jacques Derrida

Un seul mot - ou un syntagme.

         
   
Derrida, la bêtise                     Derrida, la bêtise
Sources (*) : La pensée derridienne : ce qui s'en restitue               La pensée derridienne : ce qui s'en restitue
Pierre Delain - "Les mots de Jacques Derrida", Ed : Guilgal, 2004-2017, Page créée le 6 fév 2014 Orlolivre : comment ne pas (se) sacrifier?

[Derrida, la bêtise]

Orlolivre : comment ne pas (se) sacrifier?
   
   
   
                 
                       

1. Indécidabilité.

Qu'est-ce que la bêtise? On peut tenter de répondre à cette question à partir de l'ensemble sémantique associé à ce mot en français. Jacques Derrida remarque que, du mot bête [utilisé pour désigner l'animal], le français n'a pas dérivé un mot qui désignerait l'essence ou l'être de la bête, du genre bêteté, comme il l'a fait pour le mot animal (animalité). Si la bêteté comme valeur abstraite valant pour la bête en général n'existe pas, les bêtes ne peuvent pas être bêtes. Dans la langue française, une personne peut être bête, un discours (c'est bête, ce qu'il dit), une action, un événement (il pleut, c'est bête, c'est ennuyeux), mais pas une bête. S'il y a un propre de la bête, il n'est pas dans le sens propre de ce mot. Entre les multiples usages idiomatiques du lexique "bête", "bêtise", la diffraction est irréductible. Aucun sens fondamental, fondateur ou univoque ne se stabilise. Nul ne peut définir la bêtise rigoureusement.

Qui est bête juge mal, c'est entendu. Mais en quoi consiste exactement ce mal? C'est impossible à dire. La bêtise est ambiguë, elle n'entre pas dans la série des schèmes ou des opérateurs logiques. C'est une catégorie indéterminée, exceptionnelle [du genre de celles que Derrida qualifie de quasi transcendantales], à laquelle on ne peut pas attribuer un sens déterminé. Flaubert, qui a tenté de la décrire dans Bouvard et Pécuchat, l'a considérée à la fois comme un tombeau et la source de l'Art. Sur la scène de la bêtise, toutes les distinctions s'abîment, rien ne fait système. La bête elle-même ne se distingue plus du souverain, ni le Quoi du Qui.

 

2. Le propre de qui ou de quoi?

Le paradoxe de ce mot, bêtise, comme celui d'un autre mot de même racine, bestialité, c'est qu'il semble se référer à l'animal, la bête, alors que dans le langage courant, une bête ne peut pas être bête, ni bestiale, seul l'homme le peut. La bête peut être violente, mais pas cruelle (comme l'homme). Mais alors pourquoi, en français, utilise-t-on justement ce mot-là, bêtise, pour désigner quelque chose comme l'idiotie ou la stupidité [ces deux derniers mots n'ayant pas exactement le même sens]?

- (Le Qui comme comble de la bêtise). La bêtise arrive quand le propre s'autoproclame, se pose en souverain de lui-même en déniant l'autre hétérogène et inassimilable contre lequel il cherche à se protéger. Quand ce qu'on a coutume d'appeler l'homme, avec son bavardage et sa culture, revendique son autoposition, quand il impose le fantasme du propre, son ipséité, alors il est bête, et chaque fois qu'il proclame son intelligence, il ajoute un supplément de bêtise. On pourrait presque dire que c'est une définition de l'humain - quoique toute définition qui se présente comme LA définition (c'est-à-dire qui présuppose une autoposition de ce genre) soit une bêtise. S'autoposant, il faut qu'il s'oppose à la bête.

- (Le Quoi comme comble de la bêtise). Le paradoxe du personnage de Valéry, Monsieur Teste, c'est qu'il se présente comme absolument souverain, mais veut tuer en lui ce qui le menace, cette inquiétante étrangeté, la marionnette. En la condamnant à mort, il devient un automate, une mécanique. La surenchère de souveraineté conduit à une bêtise essentielle insondable, celle du Quoi ou du souverain phallique.

- (Entre les deux, la différance). Entre la bête et le souverain, entre le Quoi et le Qui, il y a plus ou moins de bêtise, mais dans cet écart, dans cette différance, peut surgir autre chose.

 

3. Accusation, jugement.

Si la bêtise est un défaut, ce n'est ni par manque de connaissance, ni par erreur, ni par illusion, ni par hallucination. Quand on en accuse quelqu'un, on le juge sans critère précis, sans savoir exactement ce qu'on dit. Il y a toujours une part d'agression, d'injure, et une part de jugement. En déclarant, par cet acte de langage, qu'Untel est privé de certaines facultés humaines, on produit un certain effet. On fait allusion à une incapacité à juger dont on peut se faire le procureur, au sens de la justesse ou de la justice, c'est-à-dire en définitive du droit (jus).

 

4. Un acte performatif.

Le mot "bêtise", avec les usages idiomatiques dont on peut faire l'analyse en français, désignerait un lieu de non-savoir, d'intraduisibilité, où les valeurs émergent. Quand ce qu'on appelle l'animal et ce qu'on appelle l'humain sont encore indissociables [le moment où, dans la bible, Dieu laisse Adam nommer lui-même les animaux], dans une logique fabuleuse, fictionnelle, les mots prennent sens, mais ce sens n'est pas encore figé dans un système. C'est là que devrait débuter tout traité de philosophie.

 

 

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Propositions

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La bêtise est le propre du propre, le propre s'autoposant, se posant lui-même, dont l'homme avec sa culture est le témoin autoproclamé le plus bavard

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Le souverain, c'est celui qui a le droit et la force d'être reconnu comme lui-même (ipse), le même, proprement le même que soi

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Là où s'arrête LA définition (au devenir-chose du nom ou au devenir-Quoi du Qui), elle est toujours bêtise

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La vérité de la bêtise tient à son étrangeté indécidable : à chaque auto-proclamation de son contraire, c'est un supplément de bêtise qui s'ajoute

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La bêtise, qui est un défaut ou une altération de la faculté de juger avec justesse ou justice, ne se rapporte ni à la connaissance, ni à la vérité ou l'erreur

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Chez Valéry, dans une surenchère de souveraineté, tout se crispe pour maîtriser l'étrangeté, pour la transformer en Quoi

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Une bêtise essentielle caractérise le phallique comme tel et son érection permanente : le souverain

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Nul n'est à l'abri de la bêtise ou du parjure - car nul ne peut rigoureusement ajuster sa parole à un vouloir-dire, un vouloir-faire ou une signification comme telle

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Dans le couple "La bête et le souverain", la distinction entre le Qui et le Quoi vient à s'abîmer, à sombrer dans l'indifférence

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Du côté du souverain comme de la bête, du Qui et du Quoi, il y a de la bêtise, l'un étant toujours à la fois moins bête et plus bête que l'autre

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La bêtise est un quasi transcendantal, toujours idiomatique et singulier, une catégorie exceptionnelle dont le sens comme tel ne se laisse pas déterminer

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Les thématiques de la bête ou de la bêtise appellent des logiques fictionnelles, des réponses fabuleuses, des quasi-concepts

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Le rapport à la philosophie qui porte la signature de Flaubert ouvre une scène hétérogène et divisible, dont il est exclu qu'elle fasse système

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L'idée de Flaubert, c'est qu'une colonne de pierre bête comme un tombeau, peut être aussi la source de l'Art

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L'enjeu de la question de la bêtise, c'est le point d'intraduisibilité, de non-savoir, où la production performative de valeurs se fait axiome

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Tout traité de philosophie devrait commencer par la bêtise - cette chose étrange, cette question première de l'entêtement à être, du conatus, de l'archi-souveraineté

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