Dans cette formulation, on suppose acquise l'affirmation derridienne selon laquelle tout ce qui se fait, s'entreprend ou se propose aujourd'hui dans l'université (ou dans n'importe quelle autre institution d'enseignement ou de recherche) ne relève pas seulement du savoir, du désir de vérité, mais aussi de l'action, de l'intervention dans le champ politique ou social. Aucun acte de quelque nature qu'il soit (enseignement, évaluation, gestion, interprétation, lecture, écriture, théorie, analyse ou déchiffrement) n'étant purement constatif (en rapport avec la vérité), il faut être attentif à la performance (l'événement déclenché par l'acte), au performatif à l'oeuvre, même si cette mise en oeuvre est inconsciente ou involontaire.

Comme l'expliquait Walter Benjamin, tout texte appelle une interprétation, un échange, une évaluation, tout texte exige de survivre, d'être traduit, gardé par des héritiers qui le déchiffreront chacun d'une façon différente. Jacques Derrida appelle cela la loi du texte en général. Lire ou citer un texte dans le contexte d'une institution implique chaque fois un nouveau contrat avec cette institution, un nouveau compromis où toutes les ruses et tous les coups sont permis.

Pour chaque situation différente, se pose un problème de responsabilité, auquel aucun code d'éthique ne peut répondre à l'avance. Il faut, pour chaque opération, analyser ses implications, les déplacements, les menaces ou les destructions qu'elle induit. C'est une question de clarté : la déconstruction de Jacques Derrida n'est pas un pur contenu, elle touche à chaque fois à l'institution dans laquelle elle a lieu.