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TABLE des MATIERES :

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Les nuages en peinture                     Les nuages en peinture
Sources (*) : Peinture, écriture               Peinture, écriture
Hubert Damisch - "Théorie du nuage - Pour une histoire de la peinture", Ed : Seuil, 1992, p25

 

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Hubert Damisch

[En peinture, les signes iconiques ont une texture, une épaisseur qui, comme les /nuages/ , brouillent toute hiérarchie, toute distinction de niveaux]

Hubert Damisch
   
   
   
                 
                       

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Le livre d'Hubert Damisch, "Théorie du nuage, Pour une histoire de la peinture" commence par une évocation de deux fresques que Le Corrège a peintes à Parme dans les années 1520, L'Assomption de la Vierge au Duomo et L'Ascension du Christ à l'église Saint-Jean-L'Evangéliste. Dans les deux cas, la forme des coupoles est utilisée pour peindre d'impressionnantes figures en raccourci, s'échappant vers le ciel. Avec un siècle d'avance sur ce qu'on appellera plus tard l'art baroque, le Corrège rompt avec la conception fermée que le Quattrocento avait de la perspective. Ses fresques, comme nombre de tableaux qu'il peindra ensuite, multiplient les nuages, les nuées et les brouillards. Damisch écrit /nuages/ (entre deux barres) pour désigner ce qu'il appelle le graphe pictural : un motif, un signifiant, à distinguer du nuage en italiques (le réel, dénoté), et du "nuage" entre guillemets (le signifié, le sens du mot). Le style du Corrège, sa manière picturale, c'est de multiplier ce motif, /nuage/, qu'on trouve sur les coupoles, où il sert de siège aux Evangélistes ou aux Pères de l'Eglise, et aussi dans différents tableaux, autour des angelots, des Vierges ou des personnages mythiques (Danaé, Io). Ces nuages ondoyants, nébuleux, plastiques, semblent moins solides, moins stables ou permanents que d'autres formes, et pourtant ils sont bien dessinés. Ils échappent aux lois de la pesanteur comme aux principes de la perspective (comme l'avait déjà montré Brunelleschi), se prêtent aux raccourcis, aux déformations, aux césures (eux et les personnages qui les entourent). Ils ont valeur de théophanie, tout en ouvrant la possibilité de substitutions (nuage/colonne) et de déplacements.

Alors que chez d'autres peintres (y compris Giotto dans son cycle narratif sur St François d'Assise) ou dans d'autres oeuvres, le nuage opère comme un élément de la représentation ou un signe conventionnel qui sépare l'espace terrestre de l'espace céleste ou divin, il a chez le Corrège un statut ambigu, à la fois figure du mouvement et objet vaporeux, céleste. Il peut se prêter à des fonctions symboliques (iconographie, rhétorique, thème), mais en plus, de par sa texture, il fait directement passer au registre de l'imagination et du rêve - voire du fantasme, comme lorsque Io (le "je") s'unit à Jupiter métamorphosé en nuée. En dissolvant les contours, le Corrège exacerbe la picturalité, un procédé qui se trouvait déjà dans l'Apocalypse de Dürer, et qu'on retrouve dans toute l'histoire de la peinture.

L'Ascension du Christ du Corrège, peinte vers 1520, peut être comparée avec une autre Ascension peinte vers 1463 et conservée aux Offices, dans laquelle Mantegna reproduisait directement des accessoires de théatre utilisés à son époque. Alors que le tableau de Mantegna se substitue à un tableau vivant ou à une cérémonie liturgique, la fresque du Corrège utilise elle aussi les nuées comme des accessoires ou des artefacts. Mais le nuage devient séduisant, inquiétant, suspect, confus : il se transforme en supplément dangereux. Son arrivée massive dans la peinture à partir du 16ème siècle manifeste les limites de la représentation; elle a valeur de symptôme.

Quand, au 19ème siècle, la peinture se met "au service du nuage" (une formule de John Ruskin), son statut reste ambigu. Jusqu'à Turner et aux impressionnistes, elle reste fidèle aux principes de la scène perspective.

 

 

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Propositions

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Comme la couleur, le nuage intervient dans la peinture au titre de supplément - séduisant, inquiétant, suspect, confus, hors-norme et perturbateur

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La perspective, qui repose en son fond sur un paradoxe spéculaire, n'est pas sans reste, comme le montre la place des nuages dans l'expérience de Brunelleschi

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Le nuage en peinture est porteur des ambiguités du concept de signe : il peut être conventionnel - en séparant le céleste du terrestre - ou exceptionnel, transgressif

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En peinture, la dissolution du contour a pour corollaire l'exacerbation d'une picturalité irréductible à l'ordre de la figuration

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Le /nuage/, ce signe qui ne donne à voir qu'en dissimulant, manifeste à la fois les limites de la représentation et la régression infinie sur laquelle elle se fonde

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Avec l'"Assomption de la Vierge" du Corrège, la voûte du Duomo s'ouvre, dans une orgie de lumière, vers un espace illimité, incommensurable

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Dans "L'Ascension du Christ", du Corrège, se fait jour pour la première fois la volonté de construire la peinture à partir des seules sensations du sujet

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Dans "L'Ascension du Christ" de Mantegna, la représentation joue sur la substitution : elle répète une scène primitive, reproduit, transpose ou évoque une cérémonie liturgique

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Dans "La Vierge de St Sixte" de Raphaël, la figuration du /nuage/ ne se donne pas comme une illusion, mais comme la représentation d'une représentation

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Avec l'Apocalypse de Dürer (1498), l'irruption du ciel sur la terre se traduit par une déchirure dans l'ordre même de la représentation

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Même quand, selon John Ruskin, elle se met "au service des nuages", la peinture du 19ème siècle reste fidèle aux principes de la scène perspective

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L'oeuvre du Corrège s'achève avec la figure fantasmatique d'Io (le sujet) aux prises avec un leurre (Jupiter métamorphosé en nuée)

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Chez Corrège, la texture picturale des figures du mouvement - nuages et corps - fait passer directement au registre de l'imagination et du rêve

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Quels que soient les procédés mis en oeuvre, le cycle de Giotto à Assise est ordonné à la production d'un sens fait pour être entendu, dans la dépendance du Verbe

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Dans le code pictural des 16è-17ème siècles, le nuage et la colonne ont valeur de hiérophanie; ils sont substituables l'un à l'autre

 


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