Toute image photographique est un enregistrement de la réalité, une trace de ce qui s'est trouvé dans l'angle de vision de l'appareil. Comme une empreinte de pas sur le sable, cette trace lumineuse s'imprime directement dans l'émulsion d'un film [ou aujourd'hui, dans le capteur numérique]. C'est ce que Peirce appelait un indice. Cependant cette trace n'est pas lisible comme telle, elle doit être interprétée. Par exemple, une photo aérienne n'est pas toujours compréhensible. Il faut la décoder. Bien que la photographie opère dans le tissu du réel, elle dépend pour devenir intelligible de l'intervention du photographe (prélèvement d'un détail, découpage d'une partie du champ, centrage, cadrage) et aussi de la légende ou du titre. L'impression qu'elle donne de saisir l'instant ou de figer la présence est trompeuse. C'est oublier que le contact avec la réalité est construit. Certains fragments du réel laissent une empreinte, mais tout le reste est expulsé de l'image; même si elle donne une impression de totalité, une photo ne montre jamais qu'un détail.