Pendant longtemps, la photographie a été considérée, par rapport aux arts "classiques", comme une coupure, une disruption. Puis elle est devenue un objet d'enquête, de savoir et d'analyse. Les écrits en tous genres ont proliféré, ainsi que les catalogues, monographies et lieux d'exposition. N'est-elle plus rien d'autre qu'une technique nouvelle, une autre façon de fabriquer des images, qui a toute sa place dans la continuité de l'histoire de l'art, dans la longue durée de la modernité retrouvée? En raisonnant ainsi, on risque de l'effacer en tant qu'événement. Rosalind Krauss défend le point de vue inverse. Elle souligne son extériorité irréductible. On ne peut pas réduire la photographie à ses dimensions stylistiques, la sacraliser, rétablir son aura ou sa valeur d'exposition, comme celle des vintage prints dont la valeur ne cesse d'augmenter, et qui sont exhibés comme des tableaux. Elle intervient dans d'autres espaces du discours : la vie familiale, le voyage, le reportage, la science, l'archive. Elle nous assaille, nous saisit par son rapport au réel. Elle n'est pas fabriquée comme un objet, elle continue à survenir. Elle donne à voir l'histoire - elle réveille notre désir, nous force à en être le témoin à la façon d'un détail qui me pointe, d'un punctum, pour parler comme Barthes.